#20 – Frédéric Lodéon, une interview (1/2)

#20 - Frédéric Lodéon, une interview (1/2)
Une histoire de lettre, de violoncelle et de... fusée 💌🎻🚀

Aujourd’hui je vous livre des éléments de l’entretien que j’ai eu la joie de mener avec Frédéric Lodéon. Je vous en parlais déjà dans le dernier numéro.

 

 

Voici le menu que je vous propose aujourd’hui :

  • le premier épisode, c’est la famille, le violoncelle et la lettre à Navarra.
  • le deuxième épisode, ce sont les passages au Grand Echiquier – des « fusées » médiatiques comme les appelle Frédéric.
  • le troisième, ce sont les deux grands mentors : Jacques Chancel pour la TV et Mstislav Rostropovich dont il gagne le concours et auprès duquel il reçoit des leçons aussi bien de musique que de vie.
  • le quatrième, c’est le passage du violoncelle au verbe : sa relation au violoncelle, une foulure au poignet – le moment où Frédéric réalise qu’il peut faire autre chose que du violoncelle : la direction d’orchestre et les médias. Puis le western politique autour des émissions de radio dont le célébrissime « Carrefour de Lodéon » et bien sûr, le soutien inconditionnel du public.

 

Quelques repères chronologiques🗓

Frédéric Lodéon en 10 dates

– 1952 : naissance à Paris
– 1969 : 1er prix de violoncelle au Conservatoire de Paris
– 1972 : 1er prix au concours Maurice Maréchal
– 1975-1976 : Premiers passages au Grand échiquier
– 1977 : 1er Prix du concours Rostropovich
– 1990-1991 : émission TV « Musique, Maestro ! » en 6 épisodes
– été 1992 puis été 1993 : débuts du Carrefour de Lodéon sur France Inter suivis des Grands concerts de Radio France, Le Pavé dans la Mare et Plaisirs d’amour sur France Musique
– 2002-2018 : Co-présentateur des Victoires de la Musique classique
– 2014 : Le Carrefour de Lodéon passe de France Inter à France Musique
– 2017 : Victoire de la musique d’honneur

Episode I. Une lettre pour un destin de violoncelliste

Frédéric et le violoncelle, c’est l’histoire d’un petit garçon doué comme rarement. Une mère obsédée de lettres et pas convaincue par un destin en musique pour son fils, un professeur de violoncelle au nom… improbable d’Albert Têtard (« Ca ne s’invente pas » me dit Frédéric !) et un heureux concours de circonstances.

 

Reprenons.

 

Le père de Frédéric venu de la Martinique est directeur du Conservatoire de St-Omer. Il sera ensuite nommé à Grenoble.
Le fameux professeur Têtard détecte un talent incroyable chez le jeune Frédéric. Il l’encourage à poursuivre dans le violoncelle et à aller dès que possible à Paris. Mais la mère de Frédéric est loin d’être enthousiaste à l’idée du violoncelle comme voie professionnelle. La règle, c’est : « Passe ton Bac, d’abord ! »

Ce qu’elle espère pour Frédéric, ce sont des études de lettres, domaine dans lequel Frédéric manifeste déjà des facilités.
Les lettres, l’école et le verbe, c’est la possibilité d’ascension sociale. Dans la famille en Martinique, c’est ainsi que le grand-père est devenu Sénateur.

Bien sûr la maman réticente changera de discours plus tard, une fois la réussite de Frédéric avérée. Elle dira avoir beaucoup poussé les études musicales de Frédéric.

« Elle ne faisait rien à part m’aider à tourner les chevilles quand j’avais huit ans. Je n’avais pas assez de force pour les tourner tout seul. Evidemment elle n’entendait pas la hauteur des sons, c’est moi qui lui disais trop haut, trop bas ! » -me confie Frédéric avec un brin d’ironie dans la voix.

 

Face à l’opposition de sa mère Frédéric menace :
« Si je ne joue pas de violoncelle, je me suiciderai ! ».

En attendant, heureusement le professeur Tétard est sûr de ce qu’il voit et de ce qu’il entend.
« Je n’ai jamais eu un élève comme toi! »

 

Alors, le jeune Frédéric prend son courage à deux mains et écrit à André Navarra, le célèbre violoncelliste.

 

 

« Cher Maître,
je voudrais vraiment faire du violoncelle et mon professeur m’encourage dans cette direction. Mais mes parents ne veulent pas… »

 

Qui sait ce qu’il serait advenu de cette correspondance sans un heureux hasard ?
Le père de Frédéric, en tant que directeur de Conservatoire, est invité à faire partie d’un jury au Conservatoire de Paris. Il y croise Maître Navarra.

Navarra pense à haute voix : « Tiens, il y a un jeune Lodéon, violoncelliste, qui m’a écrit! ». Le père fait le lien. Navarra propose d’écouter le jeune Lodéon.
« Amenez-le moi ! C’est simple. Je vous dirai ! ».
Et comme le souligne Frédéric : « A cette époque, on ne discutait pas les ordres du maître ». Ambiance.

 

Alors, sa mère l’amène de St-Omer à Paris en train. Frédéric se souvient même du changement de train à Arras ! Il me précise que le violoncelle était dans une housse, un sac de tissu. A cette époque, pas de boîte autre que des boîtes-cercueil, qui portent bien leur nom funeste. Ce sont des boîtes noires, tellement lourdes qu’elles en sont quasiment intransportables.

 

Porter le violoncelle est d’ailleurs un leitmotiv de l’histoire lodéonesque.
Je vous en reparlerai !

 

La rencontre avec Navarra est limpide. La salle de conservatoire, le maître avec son fume-cigarette et sa voix grave de fumeur. On visualise la scène. Oui, il s’agit d’une époque où les professeurs de musique fumaient en classe.

 

 

Le verdict est clair : « Qu’il vienne dès que possible étudier au Conservatoire de Paris ».
En 1967, du haut de ses 15 ans, il « étale tous les autres concurrents» et rentre 1er nommé devant 80 candidats.

 

La mère fait promettre, Frédéric poursuivra ses études générales par correspondance. Le centre de télé-enseignement de Vanves, ancêtre du CNED il me semble. Frédéric aime le français, l’allemand, l’histoire. Mais il a horreur de la trigonométrie.

Il habite seul dans une chambre de bonnes dans le 7e arrondissement, trouvée grâce à la concierge de sa grand-mère. Il est d’ailleurs à deux pas de cette grand-mère chérie, chez qui il amène son linge.

 

Il tiendra sa promesse…une année durant, allant même jusqu’à Vanves pour porter un devoir en retard. Mais les études de violoncelle emportent tout.

 

« La bête de son instrument »

 

Ce talent éclatant et évident (il suffit de voir Frédéric sur un violoncelle) se concrétisera par son prix, obtenu en 1969.

 

 

Puis en 1972 il remporte le concours Maurice Maréchal où il « étend tous les violoncellistes ».
Et son assurance hors-norme que Frédéric raconte avec beaucoup d’humour, ne laisse aucun doute.
« J’étais un petit con, tellement sûr de moi »:

 

Car Frédéric sait qu’il dispose de moyens instrumentaux extraordinaires et qu’en plus, il « déchiffre comme une bête ! ». Lors de ses tournées avec la pianiste Daria Hovora, musicienne bardée de prix de conservatoire, il n’a peur de rien.
Quand elle lui demande quand répéter leur programme dont une sonate de Beethoven, il fait mine de ne pas bien comprendre. Pourquoi trop répéter ? – « Beethoven c’est carré » ! #petitcon

 

Jean Hubeau, son professeur de musique de chambre l’emmène chez Michel Garcin, directeur de la maison de disques Erato.
Garcin lui demande :
« Alors, jeune homme, vous allez faire carrière ?
– Bien évidemment ! » lui répond-il avec aplomb.

 

Il faut dire que Navarra lui avait confié « C’est toi qui me succèderas ».

 

De cette rencontre avec le directeur d’Erato, naît le premier disque enregistré trois semaines plus tard : « Impensable de nos jours ! »
L’enregistrement aura lieu à l’église du Liban avec Daria Hovora. Au programme, les sonates de Richard Strauss et de Prokofiev qui ne sont pas encore au catalogue d’Erato !

 

Episode II. Fusées de lancement avec le Grand Echiquier

Remplacement au pied levé
En Décembre 1975 encore un concours de circonstances.

Le fameux violoncelliste Maurice Gendron, déjà malade, annule sa participation au Grand Échiquier. Bruno Monsaingeon recommande Frédéric auprès de Chancel et de Menuhin.

Frédéric jouera donc avec Yehudi Menuhin et sa sœur Hepzibah le Pas de deux de Lac des cygnes de Tchaikovsky dans lequel il interprète un joli solo de violoncelle.

https://www.youtube.com/embed/dWJqaWzIPIo

 

Frédéric achète un costume pour l’occasion, même s’il ne réalise qu’un peu trop tard se sentir « coincé aux manches » !

 

Menuhin, convaincu par le jeu de Frédéric, dit à Chancel de le réengager et cela se concrétise dès Mars 1976.

 

Printemps des jeunes
En Mars 1976, Chancel décide d’organiser un « Printemps des Jeunes » : une émission consacrée à la jeunesse et faite par les jeunes. L’appel est lancé.

Différents jeunes musiciens soumettent des propositions.
Par exemple, Emmanuel Krivine, magnifique violoniste à l’époque – actuellement chef d’orchestre de l’Orchestre National de France, fait une proposition sur…le faux en art ! Son projet est de parler des faux artistes, des escrocs en art. Tout un programme, dont on reconnaît la causticité légendaire de l’auteur ! 

 

 

Chancel veut quelque chose de plus… positif pour susciter de l’enthousiasme.
Il retient la proposition du jeune Lodéon qui a construit ainsi un conducteur avec un projet aussi ambitieux qu’enthousiasmant, à son image déjà.

Trois idées porteuses :

– Il se dit qu’il faut aller rencontrer les jeunes là où ils sont : voir où vivent les jeunes (écoles, collèges, lycées) mais aussi en usine (à cette époque les 14-16 ans y sont déjà) ou sur les terrains de sport.

– Il constitue un orchestre avec des jeunes. Projet assez polémique puisque cet orchestre se fait « à la place de cachetonneurs de l’Opéra ». Il ramène tous les jeunes musiciens qu’il connaît de son QG de l’époque, le Café de l’Europe près du conservatoire.
Pour diriger cet orchestre fabriqué pour l’émission, il fait appel au chef Pol Mule qui est un peu désœuvré à cette époque et qui accepte avec joie.

– Et puis, bien sûr, il y a les copains : Emmanuel Krivine, la pianiste Daria Hovora, le violoniste Augustin Dumay ou Pierre Amoyal – un des deux forcément.

Il souhaite inviter Isabelle Adjani – « qui n’est déjà pas libre ! ». Elle vient de triompher dans l’Ecole des femmes, du haut de ses 17 ans.

https://www.youtube.com/embed/H0h015MhnoI

 

Pour faire rayonner un esprit jeune, il y a aussi Michel Piccoli, plus âgé car « les jeunes – ce n’est pas une question d’âge mais d’esprit ! ».

 

Frédéric a conçu le conducteur de l’émission. Il est assis à la droite de Chancel. Il parle et joue – exercice au combien difficile, et ce pendant trois heures !
L’émission est un triomphe. L’antenne reçoit des sacs de lettres – cela fait le « buzz » comme on dit de nos jours.

 

D’ailleurs un des spectateurs emballés par l’émission ne sera rien moins que Pierre Mendès France, qui confie à son épouse :
« Je voudrais que tous les jeunes français soient aussi enthousiastes que ce gamin. »
Passage mémorable !

 

En 1982, Frédéric sera d’ailleurs sollicité pour jouer lors de la cérémonie funèbre de l’ancien Premier Ministre transmise à la télévision sur TF1. Frédéric jouera dans la cour de l’Assemblée Nationale devant toute la classe politique (François Mitterrand, Jack Lang) l’Allemande de la 2e Suite de Bach avant que la pluie ne commence à tomber doucement à la dernière note.

 

« C’est le ciel qui pleure », lâche un politique.

https://www.youtube.com/embed/YhOU6S6QIQo

 

Sacré trio

Une autre fusée médiatique sera le passage dans un autre numéro du Grand Echiquier en 1980/81 – « Trois de la musique » où Frédéric se produit avec ses compères le violoniste Augustin Dumay et le pianiste Jean-Philippe Collard.

Dans ce sacré trio, Frédéric est « le voyou », il apporte de la « virulence et du contraste ». Ce trio connaîtra un immense succès notamment en Suisse, Belgique et France. Il faut dire que les trois envoient du son, ils sont « bruyants » et n’ont aucun problème à remplir, à eux trois, les grandes salles.

 

 

Ils enregistreront des CDs fameux Schubert/Ravel, une intégrale Fauré.
Dommage qu’il n’y ait pas Brahms, dont Frédéric adore la matière sonore et le romantisme incarné.

 

Malgré les complaintes du magazine Télérama, qui reproche à Chancel d’inviter toujours les mêmes : Raymond Devos, les sœurs Labèque, Lodéon – Chancel tient son cap.
En tout, Frédéric participera à quinze Grands échiquiers de 1975 à 1989, date d’arrêt de l’émission.

 

( … )
Je sais que vous êtes impatients !
Je vous retrouve la semaine prochaine pour les épisodes 3 et 4 !

🎬

 

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LdM

Tribune sur la Lettre du Musicien

*** La lettre du Musicien ***

Ta Daaaa ! Retrouvez ma tribune « Le trac, parlons-en! » dans le nouveau numéro de la Lettre du Musicien.

Cette thématique est aussi brûlante qu’essentielle et mérite d’être abordée aussi bien dans la salle de classe que dans la salle de répétition pour le musicien…mais aussi pour chaque prise de parole en public !

Et vous, le trac, ça vous parle ?
Hâte de vos retours !

ici 

#19 – S’inspirer des aînés

#19 - S’inspirer des aînés
Une histoire d’hommage, d’héritage et de ...grand-frère 🎻📻

Cette semaine je vous propose un numéro spécial où je vous raconte les coulisses de l’entretien que j’ai eu le bonheur de mener avec Frédéric Lodéon.

 

Car, oui – j’ai interviewé Frédéric Lodéon !

 

Dans ce numéro, ce dont je vous parle en ligne de fond, c’est de l’importance des « grands frères et des grandes soeurs d’âme ».
Ceux qui vous accompagnent de leur regard bienveillant tout au long de votre chemin et qui vous inspirent en ouvrant la route à des possibles,
Ceux qui vous encouragent et vous donnent confiance.

 

Comme l’écrit si bien Newton dans une lettre où il explique que son travail s’appuie sur le travail de ses prédécesseurs ,
« si j’ai pu voir aussi loin, c’est parce que j’étais juché sur les épaules de géants».

 

Nous avons tous besoin des épaules de nos aînés.

 

Eh bien,
les épaules de Frédéric sont larges !

Reprenons !

Qui ne connait pas Frédéric Lodéon?

 

 

Frédéric,

  • c’est bien sûr une voix – celle de « Mr Musique classique » sur France Inter pendant des années et toujours présentateur-phare sur France Musique. Il est présent dans le cœur d’un public fidèle immense !
    Pendant l’interview, régulièrement des auditeurs sont venus le saluer et le remercier !
  • c’était aussi le co-présentateur des Victoires de la musique durant les 17 dernières années – impressionnant !

    C’est la première année qu’il ne sera pas aux manettes de l’émission. Ce sera un duo 100% féminin : Judith Chaine et Leila Kaddour.

 

 

Mais Frédéric,

  • c’est aussi et avant tout un musicien exceptionnel.
    J’y reviens dans un instant !

 

La musique classique dans les médias…
une histoire compliquée, encore et toujours !

 

Au moment où la diffusion de quelques émissions récentes (« Le Grand Echiquier » nouvelle formule, « Prodiges », « Fauteuils d’orchestre ») recueille des avis plus que mitigés parmi les collègues et que les critiques fusent sur la série télé diffusée sur France 2 – Philharmonia (dans laquelle Frédéric fait d’ailleurs une brève apparition…dans son rôle !)

 

 

on se dit que « la musique classique à la télé » est vouée à être une é-mission impossible !

 

 

Au-delà des critiques, c’est l’expression d’une réelle déception face à autant d’occasions manquées.

 

 

La musique classique serait-elle touchée par une malédiction cathodique insurmontable ?
Et on se dit à chaque fois que tout serait à inventer.

 

De même, le média que j’adore

 

 

La radio se pose constamment des questions, notamment celle de la démocratisation : Comment rendre la musique classique accessible ? Quels formats? Et quel ton pour donner envie, pour conquérir le public ?

 

Je vous en parlais déjà dans la musique classique en procès.

 

Sur la même longueur d’…Ondes

Mais, en parlant avec Frédéric Lodéon, on se dit que

  • cela fait longtemps que la musique classique est taxée d’élitisme, même à une époque que l’on pensait « dorée » vue depuis 2019
    « J’ai toujours entendu ça ! » me confiera-t-il !
  • et que, pourtant, des gens des média ont su trouver le moyen et la force de conviction d’imposer des standards d’une qualité incroyable tout en innovant sur les formats (d’une manière étonnante !!)
    Je vous parlerai notamment de l’émission de Mars 1976 du Grand Echiquier, dont Frédéric, alors jeune violoncelliste plus que prometteur avait écrit le conducteur !

Revenons donc à…
Lodéon

C’est parti…
Plantons le décor

Un Mercredi soir. mi-Janvier. Paris sous la pluie.
Je marche vers les Ondes, l’incontournable QG des gens de Radio France. Je traverse le pont de Grenelle, en apercevant au loin la Maison de la Radio. La Tour Eiffel dans la brume scintille.

 

Je suis assez nerveuse, en fait. Comme avant un premier rendez-vous. Je vais retrouver Frédéric Lodéon pour une interview !

 

C’est un peu un comble… car Frédéric, je le connais bien. Normalement, les interviews c’est lui qui les fait.

 

C’est ma première fois dans ce rôle et il n’est pas aisé d’interviewer quelqu’un que l’on connait, il y a de la pudeur, la peur de poser des questions gênantes, et pourtant j’ai tellement de choses à lui demander…Par où commencer ? Aura-t-il envie de se raconter ?

 

Pour conjurer ma fébrilité, j’arrive à l’avance en espérant trouver un endroit calme, un coin pour enregistrer ses paroles loin du passage constant de cet endroit qui ne désemplit pas.

 

J’attends Mr Lodéon. Les serveurs me disent qu’il n’est pas encore arrivé. Il se mettra au comptoir sans doute.

 

Cela va être compliqué…

 

Quelques instants après, je devine Frédéric traversant la rue. Un monsieur portant une sacoche avec un long imperméable, ses cheveux frisés en vrac et ses lunettes – une silhouette reconnaissable entre toutes.

 

Il arrive, salue tout le monde. C’est un habitué.

 

D’ailleurs quand je lui ai demandé par écrit « Où se retrouve-t-on? », il n’a manqué de me répondre : « Aux Ondes, bien évidemment ! ». Je m’en doutais.

 

A mon grand soulagement, il demande aussitôt au serveur de nous trouver un endroit tranquille. On s’assied au fond à droite. C’est moi qui suis assise sur le divan, galanterie oblige.

 

On commande un verre : en manque d’inspiration, je demande un kir. Il commande un Coca light.

 

Et c’est parti pour plus de trois heures et demi de conversation, de récit, d’anecdotes. A bâtons rompus. Je ne vois pas le temps passer, j’oublie mon estomac qui criait pourtant famine en début de soirée.

 

Je grille un cahier que je barbouille de notes et lance régulièrement des regards inquiets vers mon téléphone avec lequel j’enregistre – faites qu’il ne me trahisse pas ! Impossible de tout noter et mémoriser.

 

Car le flot est intense, on passe du coq à l’âne et les anecdotes sont, tour à tour, croustillantes, touchantes, inattendues, parfois – passionnantes, toujours.

Revenons quelque temps en arrière, à la genèse de cette interview

En Novembre 2018 a lieu le concert-hommage à Daria Hovora au CNSMDP. Un an auparavant, le 9 Novembre 2017 Daria, âgée de 70 ans nous a quittés.

 

 

Daria était une pianiste, professeur de musique de chambre au CNSMDP. Une musicienne merveilleuse, une femme incroyable. Indépendante, inclassable, hors normes.

 

Haute comme trois pommes, Daria avait un charisme renversant. Elle a joué avec tant de musiciens dont le violoncelliste Mischa Maisky et le violoniste Ivry Gitlis et a accompagné tant de étudiants-musiciens dans leur parcours au CNSMDP.

 

Lors de cette soirée hommage mise en place par une amie, ancienne élève et proche de Daria, la violoniste Arielle Gill, c’est Frédéric qui parle, raconte, présente les œuvres.
Je suis touchée de faire partie de la programmation.
Daria a beaucoup compté pour moi.

 

Nous jouons le premier mouvement du quintette de Brahms avec une équipe d’anciens élèves et de proches de Daria, notamment le merveilleux Adam Laloum au piano et l’altiste Gérard Caussé, que l’on ne présente pas.

Tout un monde …si lointain et si proche

Au début de la soirée sont diffusées des photos et des images d’archives INA.
Daria est saisissante de beauté. Avec un bandeau dans les cheveux, une vision de Brigitte Bardot jeune…c’est dire !

 

Je réalise que parfois, on connait si peu les gens qui nous entourent. Un peu comme quand à une réunion de famille, un oncle ou une tante sort un album-photo. Et vous réalisez que oui, vos parents et vos grand-parents ont été jeunes et fringants…!

 

Cette émotion du temps qui passe et des générations qui ne se rencontrent que de manière asynchrone.

 

Je suis déjà très émue, lorsque soudain est diffusé un extrait de pièces de Schumann avec Daria au piano et Frédéric au violoncelle. Et là, c’est le choc ! Impossible de se retenir. Les larmes coulent à flot.

 

Pourtant je savais le violoncelliste fantastique qu’il avait été, j’avais bien sûr entendu ses disques en trio avec Augustin Dumay et Jean-Philippe Collard.

 

 

Je savais aussi que Frédéric et Daria avaient beaucoup joué ensemble et qu’ils avaient été partenaires à la vie comme à la scène comme on dit. Je connais d’ailleurs Serge, leur fils.

Mais quelle émotion de les voir jouer ensemble. Et quel choc de voir Frédéric au violoncelle. Ses mains immenses, son naturel, sa sensibilité musicale à fleur de peau.

 

 

C’est à ce moment précis que j’ai réalisé que, même si je connaissais sa voix depuis toujours, que je le croisais régulièrement depuis presque quinze ans lors d’émissions de radio,que j’avais joué sous sa direction à plusieurs reprises (Festivals à Reims et à Sully-sur-Loire), que Daria m’en avait parlé maintes fois (Frédo!) et donc que c’était « la famille » comme elle disait, je ne connaissais presque rien de la vie de Frédéric. Ou en tout cas, pas assez.

 

Mais que faire de cette curiosité profonde attisée par cette vidéo, document d’archive – « madeleine » par anticipation ?

 

Je ne savais pas…et puis, d’un coup – j’ai eu une idée simple.
Je me suis dit qu’il fallait que je lui pose toutes ces questions…
Vous savez, dans l’esprit de « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur… » 😉

 

Dans un élan d’audace, je me suis lancée et je lui ai donc demandé…

Et nous voici aux Ondes, moi – avec un stylo, un cahier, mon téléphone et mon kir, lui avec un coca light et sa verve !

Une voix, un homme, un parcours

Bien sûr, Frédéric – c’est une présence, une voix qui résonne en fin d’après-midi dans les foyers, une bonhomie, un enthousiasme communicatif : un cœur gros comme ça.

 

C’est aussi un sens de l’anecdote, une verve incroyable, l’homme est intarissable !

 

Et une force de la nature : tout au long de l’interview je suis hypnotisée par ses mains immenses, celles d’un grand violoncelliste.

 

Comment dissocier l’homme de son tempérament, le musicien et l’homme des média ?

 

Car Frédéric est humain, profondément humain.

 

Avec sa bonhomie et sa gentillesse, il y a aussi des parts d’ombre qu’il évoque avec humour et autodérision.

Il se qualifie de « petit con » étant plus jeune, un violoncelliste talentueux qui était si sûr de lui et de ses moyens !

Il raconte une gueulantejustifiée !, poussée avec un coup de trop dans le nez où il dit ses quatre vérités à un directeur d’antenne.

Il y a aussi les ennemis. Car régulièrement on entend les détracteurs du style Lodéon. Mais Frédéric résiste ! Faut-il rappeler la résonance que Frédéric trouve auprès de son public qui lui exprime un soutien inconditionnel ?

 

Et on voit aussi un bourreau de travail. Lorsque je le retrouve aux Ondes, il vient juste de terminer le conducteur de l’émission du lendemain. Il n’arrête pas, son érudition et sa faconde sont constamment alimentées.

Un parcours de vie incroyable

Tout au long de l’entretien, des anecdotes fantastiques se succèdent :

  • une lettre à Maître Navarra lorsqu’il a 14 ans,
  • des mentors aussi « inspirants » qu’impitoyables : Rostropovitch et Jacques Chancel,
  • ses premiers passages mémorables au « Grand Echiquier »,
  • un véritable western politique autour de ses émissions à la télé et à la radio,
  • les interventions du public, présence constante et fidèle

L’humain au centre

Car Frédéric, c’est aussi un style et des valeurs. “ mettre l’humain au centre” voilà sa devise.

 

Et quand il le dit, cela ne sonne pas comme un concept abstrait ou une déclaration d’intention galvaudée.

 

👉Entre parenthèses, je vous recommande ce brillant article sur le « Human washing »
https://medium.com/the-spin-notes/humanwash-759f4c16e1fb

Pour Frédéric, c’est une manière d’être et une manière de communiquer sur la musique.
Un « naturel » qui le caractérise depuis ses débuts.
Rendre les compositeurs humains pour s’adresser à un public…tout aussi humain.

 

📻🎂🍾
Je suis ressortie émue et galvanisée de cet échange.

 

Allons parler avec les aînés ! Les grands frères, grandes soeurs d’élection !
Nous avons tant à partager, tant à apprendre.

 

Hasard heureux des calendriers : c’était l’anniversaire de Frédéric Samedi dernier.

 

Alors, encore Joyeux anniversaire, Frédéric !
mon « grand-frère en musique et en radio » comme il me l’a si joliment écrit !

 

J’ai hâte de partager avec vous l’entretien lors du prochain numéro !

 

🎬

 

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#18 – Rendez-vous musicaux 2019 !

#18 - Rendez-vous musicaux 2019 !
Une histoire de transmission, d’innovation et de ... calendrier ! 🗓

Ce matin, sensation de déjà-vu.
Je vous écris à nouveau depuis l’Eurostar, direction Londres. Comme dans mon tout premier article sur la préparation de concert.

 

Lors de l’embarquement tout à l’heure, je repensais à la thématique « voyages de musicien » dont je vous parlais dans les articles 11 et 12.

 

Vous vous souvenez de l’escape-game à l’aéroport ? ✈️

 

Eh bien, nouvelle moyennement réjouissante – il ne reste plus qu’à en faire une version Eurostar, autrement dit…la devise n’est plus “A nous de vous faire préférer le train” 🚄😅
mais :

 

Quand prendre le train devient à peu près aussi contraignant que l’avion. 😱

 

Pas le droit de passer avec son café lors des contrôles de passeport,
enlever ses lunettes lors du contrôle de passeport automatisé (un grand moment de solitude pour la myope que je suis),
surveiller que le violon « passe » sans problème et que la boîte de violon ne se fait écraser par les valises qui suivent sur le tapis roulant incliné…

 

Bref ! Contrôles sur contrôles. Et nous sommes encore en pré-Brexit.
Strange times we live in

 

Oui, la musicienne-voyageuse peut être râleuse de bon matin ! 😛
Mais très heureuse d’aller à Londres pour des sessions de travail intensif.
Je vous reparlerai de mes sessions londoniennes – I promise ! 🇬🇧

 

Les semaines passées, je clôturais mon « bilan en musique » de l’année 2018.

 

 

 

Cette semaine, je vous parle de 2019 et vous présente mes projets car, outre nos discussions en commentaires sur ce blog, j’espère bien vous rencontrer au fil de mes déplacements !

 

🎬

 

En 2019, les mots-clés pour moi sont :
Enregistrer
transmettre – enseigner
communiquer
jouer !

#1. Enregistrer un nouvel album ! 💽

Début Mars, nous rentrerons en studio avec mon complice musical, le pianiste Aurélien Pontier pour enregistrer un nouvel album. Ce sera pour le label NomadMusic.

 

Nous peaufinons les derniers détails de la préparation.
Un programme de pièces que nous adorons…
pour l’instant, top secret ! 🕵

 

Je suis particulièrement impatiente de retourner en studio pour enregistrer cet album violon-piano car les dernières années – hormis un disque consacré à la musique de chambre du compositeur Hermann Goetz, j’ai fait une pause discographique.

Flashback

Mes débuts discographiques remontent à 2003 avec les sonates de Brahms. J’avais une toute petite vingtaine d’années. Enregistrer Brahms si jeune était un choix audacieux mais finalement logique car je passais – littéralement – ma vie avec ce compositeur.

 

 

A cette époque, je baignais dans la littérature allemande et j’analysais ses partitions sans cesse, notamment auprès du compositeur Gyorgy Kurtag lors de nombreuses sessions mémorables.

 

Je me souviens d’un Réveillon de Nouvel an passé à la Cité des Arts à Paris avec une amie à comparer des versions du 2e Concerto de piano de Brahms en parallèle avec des lectures du Docteur Faustus de Thomas Mann.
C’est vous dire le niveau d’ addictionNeuro-sciences…!

 

 

Au piano, c’était le pianiste arménien Vahan Mardirossian – un grand frère musical.
L’enregistrement dans la salle de l’IRCAM fut très intense, j’en suis ressortie… lessivée.

 

Ce disque m’a ouvert beaucoup de portes et a lancé ma carrière avec ma nomination comme révélation classique de l’ADAMI suivie des nominations aux Victoires de la musique en 2004 et 2005.

 

 

Ont suivi une participation dans l’intégrale de la musique d’Eric Tanguy puis un album solo sorti en 2008 intitulé « Après une lecture de Bach ».



 

Cet album correspondait à un autre moment. J’étudiais avec la fantastique Ana Chumachenco à Münich tout en poursuivant des études d’esthétique et d’analyse musicales au CNSM de Paris.

 

Là encore beaucoup de lectures inspirantes et une passion forte pour l’univers de Borges, écrivain argentin.

 

Ce qui m’occupe alors (et toujours !), c’est le concept d’ intertextualité voire de transtextualité.
Mot un peu barbare, concept développé par Gérard Genette (pour la littérature) qui vient porter l’idée que les œuvres résonnent entre elles, et à travers l’histoire.
Dans un geste similaire, le titre donné à l’album est bien sûr un clin d’œil à la pièce de Liszt “Après une lecture de Dante”.

 

Je concocte un programme autour des Sonates et Partitas de Bach, avec la 4e sonate d’Ysaye et la sonate de Prokofiev peu enregistrée. La pièce de Karol Beffa éponyme vient prendre le centre du disque dans une construction en arche. On commence et on referme par JSB.

 

Bach que je grave une première fois. Depuis mes interprétations ne cessent d’évoluer, notamment avec l’étude approfondie des pratiques historiquement informées.
Un chemin fascinant…

 

Pour ce disque, l’accouchement se fait dans la douleur. Rien de tel que de se retrouver seule face aux micros impitoyables et intransigeants dans un répertoire si exigeant.
La tension vers une perfection inatteignable par définition… Je sors des jours de studio dans un état d’épuisement mental et physique extrême.

 

Vous vous souvenez, ce corps souffrant dont je vous parlais dans la Santé du musicien !

 

Pourtant une fois l’objet CD dans les mains, quelle émotion !
Nous qui travaillons dans l’éphémère, tendus vers le moment du concert, le disque vient donner la possibilité de laisser une trace, dans le temps.

 

Condition du… musicien moderne, pour paraphraser Hannah Arendt !

 

En 2008 j’enregistre avec l’orchestre de la Garde républicaine les pièces françaises avec orchestre.

 

 

Cette fois il s’agit d’un « live » édité. Le concert est donné plusieurs fois de suite aux Invalides et enregistré chaque soir. Ainsi on dispose de plusieurs versions de concert à partir desquelles on peut rectifier, monter, « patcher ».
Compromis assez séduisant entre la magie du concert et la sécurité de quelques corrections. En tout cas, une expérience incomparable avec le studio.

 

Sur l’enregistrement je rencontre Hannelore Guittet, ingénieur du son qui va diriger l’enregistrement en Mars 2019 !

 

A cette époque, c’est quand même une certaine ambivalence qui domine mon rapport à l’enregistrement. Je profite de mes migrations diverses (Taiwan, Allemagne) pour me développer …loin des studios.

 

En Allemagne, on me propose d’enregistrer un CD de la musique de chambre de Hermann Goetz, compositeur tombé dans l’oubli, épigone de Schumann et Brahms. L’équipe est excellente, le processus simple, efficace et convivial.
Le disque obtiendra d’ailleurs d’excellentes critiques dans la presse allemande.

 

Expérience assez thérapeutique somme toute.
Evidemment il y a une certaine légèreté à enregistrer des œuvres non documentées. Légèreté au sens de liberté de l’interprétation par rapport au poids ressenti lorsque l’on grave des œuvres comme les sonates de Brahms ou la Chaconne. Le poids des références discographiques.

 

Vous savez, ces « incunables » ou incontournables que l’on retrouve souvent dans des émissions comme la « Tribune des critiques ».

 

Finalement c’est cet été que j’ai retrouvé avec un plaisir immense les studios pour l’App NomadPlay. J’ai clairement retrouvé le goût d’enregistrer. Je vous en parlais récemment.

 

J’ai pris conscience du chemin parcouru, la valeur de l’expérience : que ce soit la gestion de la préparation avant de rentrer au studio, le fait d’ avoir tellement de vécu avec les œuvres jouées beaucoup sur scène ou la gestion du mental et du corps pendant les journées de studio.

Enregistrer a donc une tout autre saveur maintenant.

Il y aurait beaucoup à dire sur ce processus d’enregistrement. Je vous en parlerai dans un prochain article, c’est sûr !

 

La sortie du disque est pour début 2020.

 

Pour patienter, j’aimerais vous parler de mon complice musical – Aurélien Pontier.

 

Avec Aurélien nous nous connaissons depuis mes années du CNSMDP, en toute fin du siècle dernier (Eh oui !) Nous partageons un amour du répertoire que nous allons graver.

Lors des sessions de répétition, cela rigole beaucoup et nous expérimentons !
On négocie des « scénarios » possibles pour chaque interprétation.
Ah, rhétorique quand tu nous tiens !
Il s’agit de trouver la narration commune, la logique interne de chaque pièce pour lui redonner une totale liberté à l’intérieur d’un cadre commun.

 

Si vous nous croisez dans les rues de Paris en train de chantonner avec des expressions faciales sordides, ne vous inquiétez pas !
Cela ressemble un peu à cela :

https://www.youtube.com/embed/FQCdQpRxhKE

 

Last but not least, Aurélien sortira un disque Liszt en Mars 2019.

 

 

Il ne faut pas le dire mais…
j’ai eu le privilège de l’entendre en avant-première.
Et croyez-moi, c’est impressionnant ! 😎

#2. TRANSMETTRE / ENSEIGNER
ateliers, masterclasses et innovation pédagogique

Ateliers Sciences Po

Comme je le partageais récemment avec vous, l’atelier « Music & Politics at the age of the extremes » que j’ai concu pour Sciences Po a été validé. Je le donnerai donc ce semestre.

 

Je suis particulièrement impatiente car l’atelier sera donné sur le campus de Reims et en anglais. 🇺🇸
Le campus de Reims accueille le pôle Euro-Amérique où séjournent beaucoup d’étudiants en échange, en provenance d’universités américaines.

 

L’année passée lors du séminaire « Opéra, musique et politique », j’ai eu la chance de rencontrer des responsables d’un département très stimulant à Sciences Po : celui des innovations pédagogiques.

 

Cela a généré de nombreuses conversations (enflammées !), réflexions (stimulantes) et lectures (passionnantes) notamment sur l’emploi des neurosciences dans l’enseignement et sur la métacognition – des thématiques qui m’occupent depuis un moment, vous le savez !

 

D’ailleurs, vous vous souvenez, l’apprendre à apprendre ?

Moodle, Doodle, schmoodle ?🤓

Ainsi, ce semestre je vais pouvoir utiliser de nombreux moyens technologiques lors de l’atelier, que ce soit un Moodle ou des Apps.

 

Un Moodle est une plateforme d’apprentissage en ligne qui permet de partager des contenus et des activités spécifiques avec les étudiants – une plateforme sur mesure pour la classe. 😉

 

Pour les Apps, il s’agit de générer un maximum d’interactivité et d’engagement des étudiants.

 

De plus, je pourrai utiliser la cabine e-learning pour enregistrer des vidéos et ainsi générer des « classes inversées ».

 

La classe inversée permet de renverser la répartition des tâches habituelles entre salle de cours et travaux à la maison. Ainsi les étudiants pourront avoir les « cours à la maison » et faire les travaux pratiques ou exercices en classe.

https://www.youtube.com/embed/uLKmLDrGyjw

 

Je suis impatiente de voir en pratique comment ces outils contribuent au changement de paradigme pédagogique et favorise un « student-based learning », enseignement centré sur l’étudiant.

 

Outre la transmission de notions d’histoire de la musique et le traitement de l’articulation entre musique et politique, j’aurai à cœur de transmettre d’autres compétences comme la rhétorique, le travail en groupe et la mise en place d’un projet sous forme de blog ! ( Si si !)

 

Ce que je trouve fascinant dans ce cadre, c’est l’opportunité de repenser la relation prof-élève. Certes, le professeur est un expert dans son domaine. Mais il est aussi apprenant et interagit dans une dynamique d’horizontalité.

 

La thématique m’occupe depuis plusieurs années. J’ai maintes fois repensé mon parcours et mes expériences aussi bien en tant qu’étudiante qu’enseignante. Comment ai-je appris ? De qui ? Dans quel état d’esprit ? Qui suis-je dans la salle de classe quand j’enseigne?

 

Mon obsession depuis :
comment faire bouger les lignes, repenser l’enseignement au XXIe siècle, faire changer les mentalités.

 

Et ma table de chevet déborde régulièrement de livres de Jacques Rancière ou d’Edgar Morin. Le dernier en date pour moi, c’est l’ “Apprendre au XXIe siècle” de Francois Taddei,

 

Je vous en reparle plus en détail très bientôt.

https://www.youtube.com/embed/BhunNczVNaA

 

D’ailleurs, j’ai beaucoup résonné en lisant la citation en exergue du livre de Taddei, extraite de Citadelle de Saint-Exupéry :

 

“Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose.
Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer.”

 

Ainsi au-delà de la transmission de la musique et de l’histoire de la musique, il s’agit de :

 

faire naître le désir…de la musique !

 

D’autre part, en Mars je donnerai des masterclasses au CRR de Strasbourg.
Je me réjouis de retrouver là-bas des collègues que j’aime beaucoup et qui font un travail remarquable.

 

 

J’adore Strasbourg, ville européenne. J’ai quand même un quart de sang alsacien ! 😉
Là encore j’aurai à cœur d’apporter quelque chose de faire bouger les élèves, apporter une autre perspective.
Il faut dire que j’aime de plus en plus le cadre des masterclasses.

 

On peut y apporter quelque chose de différent, que l’on n’a souvent pas le temps ou l’espace de développer quand on est en charge d’une classe dans un cadre plus régulier et traditionnel. De plus, la réceptivité des étudiants y est tout autre.
Le travail ressemble plus à du coaching.
Ce que j’adore faire…
Je vous en reparlerai.

#3. COMMUNIQUER

Ecrire✍️
Le blog et tribunes pour la Lettre du Musicien

En 2019 je vous retrouve bien sûr toujours sur ce blog et espère poursuivre les nombreuses conversations engagées en commentaires et en messages privés.

 

Je suis très heureuse de vous annoncer la publication de ma première tribune sur le journal « la Lettre du Musicien » lors du numéro de Février 2019.

 

 

Qui eût cru ce que la résonance d’un blog pouvait amener ! 😊

 

Je dois dire que cela me touche particulièrement car à Marseille nous recevions la Lettre de Musicien à la maison. Depuis toujours…ma mère s’y était abonnée, elle découpait religieusement les éditos et articles thématiques et regardait les annonces d’académies d’été ou des concours.

 

Depuis la province (oui, Marseille est une capitale, mais… !) et n’étant pas d’une famille de musiciens, quelle source précieuse d’informations sur le monde musical, les stages, etc…!

 

La tribune s’intitule : « Le trac, parlons-en ! »
Vous vous souvenez, je vous avais déjà parlé de la gestion du trac dans un de mes premiers articles du blog #3 !
Là j’y ajoute une nouvelle perspective artistique et pédagogique en distinguant le bon du mauvais trac.

 

Hâte d’avoir vos retours !
Une prochaine tribune suivra.

 

D’ailleurs le journalisme me fascine. Je me forme en ligne !
Il est passionnant de réfléchir au futur des médias en général et en particulier pour la musique classique.
D’où mon sondage récent auquel j’ai reçu des réponses aussi détaillées que motivantes ! Merci 🙏

 

Une des questions cruciales restant, le futur de la moustache de Clément Rochefort : jusqu’où ira-t-il?

 

 

J’ai hâte aussi de retrouver Frédéric Hutman pour un nouveau podcast où nous devrions parler d’interprétation de texte !! sujet passionnant s’il en est – dans le cadre d’une conversation croisée avec ….un grand monsieur !!! (Je vous en dis plus très vite !)

#4. JOUER

des rendez-vous de concerts 🗓
*** save the date ***

N’oubliez pas, je serai ravie de vous voir après les concerts !

Quelques « temps forts »

  • les Flâneries Musicales de Reims, 19 Mars et 25 Juin
    Je suis particulièrement heureuse de retourner aux Flâneries.

 

J’y ai fait mes débuts en 2003 sous la baguette de Frédéric Lodéon (dont je vous parle très bientôt !!).

 

 

Que de souvenirs ! J’y suis retournée maintes fois pour jouer le Quatuor pour la fin du temps, des récitals avec Vahan Mardirossian, avec Dana Ciocarlie, en trio avec Vahan et la violoncelliste anglaise Natalie Clein, en trio avec Jerôme Pernoo et Ducros, en soliste avec l’orchestre de Picardie dans Tchaikovsky et Bruch…

 

Cette année, sur l’invitation de Jean-Philippe Collard, j’y retournerai deux fois :
le 19 Mars au Cirque pour le lancement du festival dont c’est la 25e édition !

 

et le 25 Juin pour mon récital Violon+ où je joue et j’explique des oeuvres du répertoire pour violon seul.

  • le festival de Radio-France Montpellier en résidence autour du compositeur Magnus Lindberg 23 et 24 Juillet.

 

La dernière fois que j’étais au festival de Montpellier, c’était lors du concert de clôture « Gala du violon » en 2013. J’y avais joué dans la grande salle de l’Opéra le Poème de Chausson et l’orchestre de Montpellier sous la direction d’Enrique Mazzolla ainsi que la Fantaisie sur Tristan de Waxman très rarement jouée ! C’était avec le même orchestre et le même chef et Aurélien Pontier au piano. Le concert avait été diffusé en direct sur France Musique.

 

 

Je serai au Festival de Radio France – Montpellier en résidence autour du compositeur Magnus Lindberg. Ce sera le 23 et 24 Juillet 2019. concerts de 18H

 

Au programme : Lindberg, Bach, Ravel, Brahms

 

Je serai entourée de mes fantastiques partenaires de trio Florent Boffard, piano et Anssi Karttunen, violoncelle pour Ravel et Brahms.

 

Je jouerai également une sonate de Bach en solo. Magnus Lindberg sera présent. Anssi et moi jouerons son trio avec lui au piano !

 

 

Impatience. Quel privilège de travailler avec un compositeur vivant et de jouer sa musique avec lui !

  • le festival de Cordes-sur-Ciel 26 Juillet

 

Là, ce sera une première fois et ce sera une journée marathon pour moi. La thématique cette année est autour de l’Allemagne.

  • un midi avec Bach solo
  • une après-midi avec des vents en musique de chambre
  • et une soirée qui culmine avec une de mes pièces favorites : le Septuor de Beethoven avec une équipe top.

 

Le Septuor de Beethoven est une merveille. C’est la quintessence de la musique de chambre, avec une instrumentation géniale qui donne au discours une dimension tour à tour opératique, chambriste ou symphonique.
Un mouvement lent à tomber parterre, des sonorités sublimes, des moments d’humour et une partie de violon digne d’un concerto : jubilatoire !

https://www.youtube.com/embed/wId7PQLKMrk

  • Et puis, plusieurs récitals avec Abdel Rahman El Bacha dont à Viellevieille (13 Août), St-Emilion (11 Septembre) aux Grandes heures

 

Nous revisiterons des grandes sonates du répertoire dont Schumann qui nous tient particulièrement à cœur.
Je vous en parlais dans les articles sur la mémorisation.

 

 

🗓Voilà les grandes lignes de 2019 en musique :

 

enregistrer, enseigner, communiquer, jouer

 

Pas si étonnant puisque j’adore cette phrase attribuée à Lévinas
qui est – en quelque sorte – ma devise !

« Croire, célébrer, transmettre »

Voilà ce que je nous souhaite :
Que 2019 génère de belles conversations et de beaux moments d’échanges,
sous le signe du partage et de la transmission !

 

Prenez date et faites moi savoir si vous voulez venir ici ou là. Je me ferai une joie de vous obtenir un billet, dans la mesure du possible !

 

Promis, je vous tiens au courant et vous,
vous me dites où on se retrouve ?

🎬

 

Likez, partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !

Aurélien Pontier

Happy New Year !

Je vous souhaite une très belle année 2019 !
Au plaisir de vous retrouver lors de concerts,

🎶🎻🎹 Musique pour bien commencer l’année !

C’était mi-Décembre lors de l’émission Génération France Musiqueprésentée par the one and only Clément Rochefort . 😊
Au piano, toujours mon cher complice musical Aurélien Pontier – Pianiste avec lequel nous avons de beaux projets pour 2019 💿
NoMadMusic Plus d’infos bientôt !

Le 1er mouvement de la chaleureuse sonate de Grieg nr.3
Enjoy !!

#17 – Bilan d’une année en musique (2ème partie)

#17 - Bilan d'une année en musique (2ème partie)
Une histoire d’enseignement, de répertoire et…de blog ! 🎶✍️

Dans l’article précédent, à l’aube de la nouvelle année, je jetais un regard rétrospectif sur 2018 et commençais à partager avec vous le bilan de mon année en musique.

 

Mon premier semestre se révélait sous le signe de la pluri-activité (encore et toujours !), de passions nouvelles allant du jazz, l’improvisation au fiddle, à des masterclasses stimulantes aux Etats-Unis et bien sûr, des concerts en solo, en musique de chambre ou en concertmaster. 🎻

 

Comme promis, je reprends la plume là où je l’ai laissée
avec une nouvelle tasse de thé…🍵
et je reprends le fil. ✍️

 

Nous voici en début d’été 2018 🎦

Juin 2018 🤔㋅

Au début de l’été 2018 je me retrouve face à un moment de questionnement intense sur la place de chacune de mes activités et notamment sur mon poste de professeur de violon en Allemagne.

 

Comme je vous le racontais déjà dans l’article « Profession-musicien », le statut de professeur jouit d’une reconnaissance étonnante en Allemagne (pour une française !).

 

 

Je me souviendrai toujours du moment où j’ai obtenu le titre de « Frau Prof. Chiche ». Les regards ont littéralement changé lorsque je disais être « Hochschuleprofessorin ».

 

Je vous assure…

 

Il faut dire que ce genre de poste très recherché offre une très bonne rémunération et un statut de fonctionnaire d’une incroyable stabilité.

 

 

Voilà 5 ans que je suis en poste à la Hochschule de Trossingen, où, en plus d’être Professeur, je suis en charge du département « Cordes », fonction qui est très instructive.

 

Complexe aussi : je suis la seule femme dans mon département, j’ai environ 20-25 ans de moins que mes collègues et je suis française …
Pas toujours évident !

 

😉

 

J’y apprends beaucoup sur les enjeux des Hochschule en Allemagne, sur la gestion de projets, la rédaction de documents officiels (si si, maintenant je sais écrire un protocole de réunion en allemand, s’il vous plaît !), sur le management et le travail en équipe.

 

Mais en ce début d’été 2018, l’équilibre entre ces fonctions pédagogique et administrative lourdes combinées à mon activité de concerts et les déplacements incessants devient tendu.

 

Vous savez, la fameuse « work-life balance » …
ou comme aime à dire un de mes amis, la « work-work-balance » !

 

 

Une foule de questions se présente alors à moi :
Comment concilier mon activité de concertiste avec ce rythme d’enseignement ? Comment continuer à m’investir à fond auprès de ma classe tout en trouvant le temps de continuer à me développer et à alimenter ma vie artistique et poursuivre mes quêtes diverses?

 

J’arrive à un moment où mon corps ne me laisse plus vraiment le choix puisque je ne cesse de tomber malade.

 

Quand le corps s’y met, pas moyen d’échapper à une prise de décision !
Je réalise que pendant ces cinq années j’ai énormément appris dans ce poste et que maintenant je suis «appelée » vers autre chose.
Il est temps de partir.

 

Evidemment il y aurait beaucoup à dire sur cette décision.
J’y reviendrai sans doute prochainement dans un article sur l’enseignement.

 

Je pourrais aussi évoquer cette question très contemporaine de la mobilité dans le monde du travail.
Reste-t’on encore toute sa vie dans un même poste ?

 

👉D’ailleurs j’ai adoré l’article de Thomas Pesquet, l’astronaute, publié dans le Monde début Janvier.

 

 

Juillet 2018 🎷㋆

En Juillet, l’aventure Jazz reprend. Je participe à un stage de jazz swing en Belgique. Il s’agit d’une académie d’été.

 

apprentissage(s) …
et jam-sessions

 

C’est une situation idéale de contraste par rapport à mes questionnements précédents. Je me retrouve en position d’élève, d’apprenante.

 

Hors de ma zone de confort, je retrouve des problématiques que je connais bien : le perfectionnisme, l’impatience, qui me font parfois oublier qu’il faut laisser le temps au temps avant de pouvoir intégrer de nouvelles choses.

 

Le jazz est une école incomparable pour quelqu’un venant du classique.
Accepter d’aller vers l’inconnu, accepter de ne pas savoir, accepter voire même inviter la
« fausse » note !
Que de murs mentaux à faire tomber !

 

Et tout se passe par des paliers d’apprentissage incontrôlables, il s’agit d’une évolution qui est tout sauf linéaire.

 

Belle école de confiance, de lâcher prise et encore la preuve que le processus d’intégration de nouvelles connaissances et d’un nouvel idiome est bien mystérieux. (Ah, les neuro-sciences, encore !)

 

C’est aussi une situation amusante et décalée pour moi car malgré tout, il s’agit bien de violon. 🎻
Je me retrouve à donner des conseils techniques de violon aussi bien aux élèves qu’aux profs… (on ne se refait pas…!)😅
Belle mentalité dans ce groupe car professeur ou élève, au fond, nous sommes tous des apprenants !

 

Et il y a aussi des moments incroyables dans les jam-sessions où la question « to drink or not to drink » (que je me posais lors de festivals de musique de chambre) ne se pose – vraiment – pas !!
Vous vous souvenez ?

 

Lors des jams, il ne s’agit pas d’ « essayer », on y va, on se lance. On prend le taureau par les cornes et on fonce !

 

C’est le « kick » d’adrénaline pure et le plaisir de jouer avec de super jazzmen, au clavier, à la basse…

“Apprendre à improviser”…
Oui et non !

Car au fond, comment apprendre à improviser ? Rien que de le formuler, cela ressemble à une contradiction dans les termes. Comment apprendre à nager hors de l’eau ?
Il faut d’abord et avant tout plonger !

 

Alors oui, on apprend des principes, des méthodes, des « trucs » (des « licks », ces tournures que l’on repique …même si ce n’est pas toujours très glorieux!).

 

Mais comme avec le reste, une fois sur scène – il faut tout oublier et faire confiance !
La scène encore une fois nous révèle … à nous-même !
Long sujet là encore, j’y reviendrai.

 

Bon, impossible de parler de Juillet 2018 sans parler de ⚽️
la Victoire des Bleus

France-Belgique :
le stress du match à l’extérieur 🇫🇷🇧🇪😱

D’ailleurs il se trouve que j’étais en Belgique justement lors de la fameuse 1/2 finale France-Belgique.
Imaginez un peu…

 

Mon coeur est tout acquis à nos Bleus nationaux, dont le match contre l’Argentine a tout fait décoller. Mes amis belges – sûrs de leur victoire – m’invitent à venir regarder le match sur grand écran avec eux, au milieu de la grande place.
Impensable !

 

Je me replie dans ma chambre, toute seule, en regardant le match sur mon smartphone. Prostrée, la boule au ventre, je me mets à jouer la grande fugue en Do Majeur de Bach pour faire passer mes nerfs.

 

Oui, je fais partie de ces fans qui sont tellement stressés pour leur équipe que je suis parfois incapable de regarder le match.

https://www.youtube.com/embed/joIvK0Z_o2k

 

Bon, je n’ai pas trop chambré mes amis belges après… (enfin, juste ce qu’il fallait)

 

Août 2018 💿 ㋇

Le plaisir d’enregistrer 🎙

Là encore, tout est question de contraste.
Après ces aventures dans le jazz, je replonge en plein dans un grand bain de répertoire classique.

 

Ce sont des sessions d’enregistrement intensives pour l’Application NomadPlay où j’enregistre tour à tour avec de merveilleux pianistes, mes amis de longue date :
Aurélien Pontier

https://www.youtube.com/embed/wIxMWAnGF3c

et Lidija Bizjak

 

Plusieurs jours en studio au rythme de 8 heures par jour et une quantité énorme de répertoire à « mettre en boîte ».

L’App NomadPlay : musique à domicile

L’application NomadPlay est une invention incroyable. Imaginé par l’équipe du label NomadMusic, le projet de l’App est récompensé par le Grand Prix de l’Innovation Digitale et au concours « Startup en Scène ».

 

NomadPlay est : “une application de pratique musicale interactive, à destination de tous les amateurs de musique. Elle permet de se substituer virtuellement à n’importe quel musicien d’un groupe ou orchestre, pour jouer à sa place en immersion audio.”

 

Imaginez !

 

Vous êtes dans votre salon et vous avez envie de jouer pour le plaisir une oeuvre de musique de chambre. Pas le temps d’appeler des amis ou juste, personne sous la main !

 

Eh bien, vous pouvez sélectionner l’oeuvre, la piste de l’instrument avec lequel vous voulez jouer ou a fortiori l’instrument que vous souhaitez « enlever », mettre le son à fond (si vous le souhaitez) et c’est parti !

 

Je ne manquerai pas de vous reparler de toutes les potentialités de cette App et de l’impact des innovations numériques dans la musique classique !

 

Pour moi, l’expérience est merveilleuse aussi car il s’agit d’enregistrer des grandes pages du répertoire de violon.
Tout y passe : des mouvements de sonates de Franck, Grieg, Schumann, Brahms, Debussy, Mozart, des pièces de Saint-Saens, Kreisler, Bach, Paganini, Dvorak
mais aussi des pièces « pédagogiques » comme des pièces de Portnoff ou des concertos de Rieding – que je jouais quand j’avais cinq-six ans !

 

Très émouvant …

https://www.youtube.com/embed/dhvIiXonxzI

 

Le rythme d’enregistrement est très soutenu.

 

Mais à la différence de l’enregistrement d’un disque, nous ne sommes pas dans une logique de perfection absolue, ce qui permet donc de « brasser » plusieurs heures de musique.
Quelle libération que d’ « envoyer » autant de littérature musicale en ces quelques jours !

 

Un moment de bilan aussi et d’ « empowerment » qui permet de réaliser le chemin parcouru depuis les débuts…

 

En effet il est grisant de « dérouler » du répertoire et un peu comme un « inventaire », de se rendre compte de tout ce que l’on a « dans les doigts », toutes ces oeuvres qui m’accompagnent depuis l’enfance et mes années d’études et que je joue sur scène régulièrement.
Nous enchaînons les oeuvres, les partitions s’empilent, cela fait beaucoup…mes amis présents me “chambrent”.
Non, je ne suis pas un jukebox ! 😅

Le répertoire... avoir dans les « doigts » 🖐

La notion de répertoire est très puissante pour un musicien. C’est un peu comme un comédien qui aurait en lui ou en elle les grands rôles du répertoire et les re-visiterait régulièrement.

 

On voit ainsi les pièces nous habiter, mûrir et se révéler toujours un peu différentes. Certaines choses se délient, une aisance s’installe.
Parfois on n’aime plus la pièce, alors il faut la laisser en jachère jusqu’au moment où l’on retombe amoureux et on retrouve la nécessité de la re-convoquer ! 💘

 

L’entretien du répertoire, c’est un peu comme l’entretien d’un jardin. Il faut y passer de temps en temps, y retirer quelques mauvaises herbes, venir respirer les fleurs que l’on aime tant…

 

D’un point de vue méthodique, c’est quelque chose que j’ai développé notamment lors de mes études avec Ana Chumachenco à Münich. Ana nous encourageait à reprendre régulièrement des grands concertos ou œuvres importantes.

 

Avec ma merveilleuse prof. Ana Chumachenco, femme remarquable !

 

Dorothy Delay, célèbre professeur à la Juilliard School de New York prônait le même principe d’entretien d’un fonds de répertoire que l’on revisite régulièrement.

 

Ainsi on le fait évoluer et on l’ “update” un peu comme un logiciel d’ordinateur ! (comparaison douteuse, je vous l’accorde…) 😉

 

Et aussi, cela donne la capacité de « sortir » tout cela au pied levé (j’adore cette expression, qui ne cessera de me faire rire…imaginez au sens littéral ! Vous visualisez ?) et de pouvoir, si besoin est, dégainer plus vite que son ombre.

 

dédicace pour mon père qui utilisait toujours Lucky Luke dans ses diapos de conférences médicales !

 

Cela nourrit une vraie confiance. Là encore, beaucoup se joue dans la conjonction entre un travail digital et un travail mental !
On dit avoir dans les doigts…mais c’est avant tout avoir dans sa tête et dans son cœur, dans sa bibliothèque musicale intérieure !

 

C’est d’ailleurs ainsi que j’ai fait mes débuts au théâtre des Champs Elysées en 2003 ou 2004 il me semble. C’était dans le concerto de Paganini Nr.1 avec l’ensemble orchestral de Paris (qui est maintenant Orchestre de Chambre de Paris).
Expérience que j’ai refaite avec le même concerto en festival d’été quelques années plus tard.

 

Une autre folle expérience où j’ai pu réaliser la force de ce type d’entraînement, c’est lorsque René Martin m’a invitée à jouer à la Folle Journée au Japon avec un programme… énorme.

 

avec le Yokohama Sinfonietta et Masato Suzuki pour les Quatre Saisons de Vivaldi à la Folle Journée du Japon

 

En dix jours, douze concerts avec

  • Concerto de Brahms,
  • Concerto de Beethoven,
  • Quatre saisons de Vivaldi,
  • des Sonates de Beethoven avec Abdel Rahman El Bacha,
  • un programme en violon solo avec Sonate de Bartok, Chaconne de Bach et des pièces de Kurtag,
  • un programme avec trios de Brahms et Dvorak avec Emmanuel Strosser et Henri Demarquette.

 

Et pour pimenter le tout, j’ai remplacé au pied levé (!) le premier violon dans le Quintette de Dvorak avec le titanesque Boris Berezovsky au piano.

 

Impensable sans une pratique et un entretien régulier du répertoire !

 

D’ailleurs cela fait partie des bénéfices secondaires de l’expérience d’enseignement dans une Hochschule ou un conservatoire supérieur où l’on revisite avec les élèves à chaque session des œuvres maîtresses du répertoire.

 

Septembre ✍️ ㋈

To blog or not to blog !

 

Comme je l’ai raconté dans l’interview avec Anthony sur le blog d’ Andika, pendant l’été, je réalise que ma relation aux réseaux sociaux ne me convient pas. J’hésite à fermer tous mes comptes et envisage une détox digitale – de manière radicale !

 

 

Et au fil de conversations avec des amis entrepreneurs et notamment avec un merveilleux coach du monde digital, je repense ce que les réseaux sociaux peuvent apporter et produire comme valeur.

 

Ca y est : après avoir repris mon souffle, je commence à écrire ici sur des sujets qui me tiennent à cœur.

 

Et voilà !
L’aventure de « Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la vie d’un musicien pro » est lancée ! 😊

La saison musicale

C’est aussi le début de saison. Oui, les musiciens ne sont pas calés sur l’année civile mais bien sur le rythme des « saisons » de concerts.
Et c’est une belle série de concerts et voyages qui m’attend.

 

Prise dans un multi-tasking insensé pour organiser tout cela, je vous écris sur la préparation des concerts :

 

 

Et je voyage du Festival de Leicester dont je vous parle de manière détaillée dans l’article #2 sur le festival de musique de chambre, à Düsseldorf pour un récital avec Aurélien Pontier.

Octobre 🎻㋉

Les concerts s’enchainent, se suivent et ne se ressemblent pas. D’où l’importance d’avoir bien préparé la séquence d’un point de vue artistique et logistique !

 

Voici quelques vignettes pour illustrer tout cela :

 

– à l’Opéra de Dijon

 

– aux Invalides, concert avec l’Orchestre de Chambre de Toulouse (podcast Radio classique)

 

 

– récital à Poitiers avec Aurélien dans le cadre du Festival Vox Musica
où je donne également des masterclasses, joue avec l’orchestre du Conservatoire

 

Pas le temps de se poser,

 

– je repars en croisière musicale avec de merveilleux musiciens, Abdel Rahman El Bacha, avec lequel je joue Schumann et Beethoven, Tedi Papavrami, avec lequel je joue la sonate pour 2 violons de Prokofiev.

Avec Tedi nous répétons d’ailleurs dans une salle de fitness sur le bateau pour ne pas trop importuner les voisins de cabine !

 

 

 

Nous jouerons Prokofiev en plein d’air dans un amphithéâtre à l’acoustique impressionnante en Albanie !

 

Un grand moment !

 

Des retrouvailles avec le clarinettiste Florent Héau et de belles rencontre avec de nouveaux amis, les membres du groupe absolument génial – les Bons becs – (et leurs compagnes adorables !) !

https://www.youtube.com/embed/6Vkofe4cb3Q

Croyez-moi, j’ai hurlé de rire pendant le spectacle !

 

Je reviens de la croisière avec des souvenirs pleins la tête, moments d’amitié, d’inspiration et quelques jours de mal de terre 😅.
Et des recommandations de livres merveilleux dont le sublime Avril brisé de l’auteur albanais Ismail Kadaré …
dont la lecture m’hypnotise littéralement.

 

Novembre 🤓㋊

Enseigner et être enseigné,

pourquoi choisir ?

 

En Novembre, nourrie de tous ces concerts et rencontres, je revisite la question de l’enseignement et de la formation continue, qui selon moi, est inhérente à la vie de musicien !
En effet, nous sommes des éternels apprenants.

 

J’adore ce que je lis dans le livre « Apprendre au XXIe siècle » de Francois Taddei

 

« Chaque fois que nous apprenons, nous pouvons apprendre à autrui, qui pourra affiner ce savoir, le faire progresser, puis le transmettre à son tour ».

 

Rhétorique, rhétorique…
est-ce que j’ai une gueule de rhétorique ?

 

Ainsi je retrouve Marc Vanscheeuwijck, violoncelliste baroque, chef du département de musicologie d’Oregon University où je suis allée jouer et enseigner en Mars dernier.

 

Lors de son passage à Paris, il donne des workshops pour les étudiants en Musique Ancienne du CNSMDP sur la rhétorique musicale, un de mes sujets de prédilection, que j’ai abordé maintes fois dans différents cadres.

 

Par exemple, dans mes études de latin, de littérature mais aussi en esthétique, dans mes enseignements à Sciences Po et bien sûr, dans ma pratique de la musique ancienne.

 

La rhétorique, cet art d’organiser le discours infuse tout discours …musical aussi ! De manière révélée ou latente.

 

Qu’il est fascinant de « lire » un texte musical avec cette grille de lecture ! Et cela est incontestablement inhérent à la musique baroque.

 

Marc parcourt de manière impressionnante les différentes sources et traités, de Quantz, Leopold Mozart, ou CPE Bach.
Puis dans une session de travail improvisée, nous discutons à bâtons rompus autour des Sonates et Partitas de Bach pour violon seul.

 

Il n’y a sans doute rien de plus galvanisant que de faire « parler » la partition d’une musique… qui parle.

« Coacher » une équipe ⚽️
ou l’art d’unifier un discours

Cet amour de l’analyse musical au service d’une œuvre, je le pratique lors de séances de coaching d’un jeune quatuor, le quatuor d’Aix composés de jeunes musiciens talentueux issus du CNSMDP.

 

Je les accompagne dans la préparation d’un concert qu’ils donnent en Décembre 2018 aux Invalides.

 

Il s’agit de fédérer les énergies de chacun. Et c’est justement autour d’un discours musical commun que les énergies deviennent cohérentes et se rassemblent. Un discours qui respecte le style et la partition de l’œuvre, pierre angulaire du travail.

 

Que j’aime ces séances où l’enjeu est à la fois humain et artistique !
Il n’y a rien de tel que de réfléchir ensemble sur la lecture d’un texte musical.

 

J’ai des souvenirs de séances inoubliables auprès du compositeur Gyorgy Kurtag, du pianiste Ferenc Rados ou du pianiste Pierre-Laurent Aimard !
Je vous parlerai de mes mentors dans un article prochain. Promis !

Décembre 🎅🎄 ㋋

Le résultat sera d’ailleurs aussi magnifique qu’émouvant.
Comme je le disais avant, la scène a cette puissance de nous projeter au-delà de nous-même, ou au cœur de ce que nous pouvons être.

La scène révèle.

Répétition générale du quatuor Aix aux Invalides

Lors de la répétition générale, il faut faire les derniers réglages (placement, acoustique, lumières), trouver les mots…les bons pour « motiver » les troupes et faire que chacun va vouloir servir un but commun…
Servir la musique, communiquer et transmettre cette œuvre que l’on adore au public.

En tant que coach, il faut trouver le mot juste pour chacun, individuellement et communiquer de la confiance.
Je suis persuadée que c’est ce que fait D.D. avant les matchs !

Ah, D.D. !!!!

D’ailleurs lors du concert, le quatuor « apparaît »
un peu comme pour une équipe de foot qui se trouve lors d’un match-référence !

Vous vous souvenez…
le match France-Argentine ! 🇫🇷🇦🇷

https://www.youtube.com/embed/6C6oOcDFmLY

Il y aurait encore tant de choses à raconter…

L’année se clôture sur une belle série de concert avec

  • les Invalides encore, un lieu que j’adore ! – avec une dream-team de musiciens et de chanteurs autour d’un programme d’Airs d’Opéra italien.

avec the one and only Alex Dana

et pour finir en musique,

  • l’émission Génération France Musique animée par le brillant Clément Rochefort (dont je vous parlais déjà de l’impressionnante moustache !) et c’est le bonheur de retrouver la radio, médium que j’aime tant ( et dont je vous parle longuement dans l’article #15 « Merci, la Radio ! »)

Alors, 2019 … ?

Plein de projets excitants qui s’annoncent:

  • l’enregistrement d’un nouvel album,
  • des ateliers à Sciences Po « Music & Politics »,
  • des tribunes et itw pour des journaux musicaux et
  • des rendez-vous de concerts dans des festivals comme les Flâneries Musicales de Reims, le festival de Radio-France Montpellier en résidence autour du compositeur Magnus Lindberg, le festival de Cordes-sur-Ciel avec une de mes pièces favorites : le Septuor de Beethoven, des récitals avec Abdel Rahman El Bacha …

 

Promis, je vous tiens au courant et j’espère vous croiser en vrai lors de concerts !
En attendant, je continue bien sûr de vous retrouver régulièrement ici, dans ce blog.

Avant de refermer cet article-bilan, j’en profite pour vous adresser à nouveau mes voeux les meilleurs pour 2019, chers ami.e.s Facebook ! 🎇

 

🎬

 

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Je me réjouis toujours autant de discuter avec vous en commentaires !

#16 – Bilan d’une année en musique (1ère partie)

#16 - Bilan d'une année en musique (1ère partie)
une histoire d’improvisation, de pédagogie et de…blog 🎷🤓✍️

Cette semaine, tout le monde se pose pour faire un bilan.
Logique, la fin d’année – c’est l’heure des bilans.

 

Traditionnellement, c’est le moment où l’on réfléchit au temps qui passe et aux choses accomplies dans l’année qui se referme.

 

✍️💻Armé d’un carnet ou d’un ordinateur, autour d’un café, d’un verre de vin ou accoudé sur le comptoir d’un bar avec un ou plusieurs verres d’alcool fort selon l’état des lieux…🍷🍶

 

Sur les réseaux sociaux, il y a toutes les formes de rétrospective possibles; Facebook qui vous propose une compilation de vos meilleurs moments et meilleures photos, Instagram avec ses #bestnine… 📸

 

Bref ! Je me suis dit que j’allais m’y coller moi aussi.

 

Et en dressant la liste des événements et en repassant les différents moments de cette année 2018, j’ai pu voir réapparaitre toutes les thématiques que j’aborde avec vous au fil des semaines dans ce blog :

 

Alors, je me suis dit que j’allais partager avec vous quelques expériences marquantes de mon année 2018 – mois par mois – pour vous montrer à quoi une année de la vie d’un musicien pro peut ressembler.

 

Mode de vie d’une musicienne freelance et polyactive : slasheuse ! 😅

 

Alors bien sûr, ce que je vais décrire là n’est pas représentatif de toutes les manières d’exercer la profession de musicien classique.
Loin de là.
Peut-être que cela vous donnera une idée de la diversité des expériences et de la mobilité que la musique peut amener !

 

Apparemment je suis ce qu’on appelle une “slasheuse” : violoniste concertiste / chambriste / professeur / musicologue / prof à Sciences Po / blogueuse …☺️

 

 

Dans mon cas, il s’agit bien de polyvalence voire de “pluriactivité” dont je vous parlais déjà dans l’article #6 Profession-Musicien.

 

La nécessité de faire un bilan 🤔

D’ailleurs cet exercice de bilan, j’en ai bien besoin. Car dans une vie à 300 km/h, tendue vers l’avant et très diversifiée, il est salutaire de prendre le temps de regarder en arrière, de prendre acte du chemin parcouru, des étapes, des escales et des rencontres.

 

La mémoire fonctionne de manière étonnante parfois. Quelle surprise de se “re-souvenir” soudain de voyages ou de concerts que j’avais déjà sagement « archivés » dans ma tête.

 

Que ce soit le répertoire appris, les musiciens rencontrés, les concerts donnés, rien de tel que de réaliser les « heures de vol » parcourues.

 

D’autant que l’année 2018 aura été pour moi riche en découverte, déplacements et en changements !

Janvier 2018 🎶㋀

Du jazz et de l’ improvisation 🎸🎻🎺

Suite à un superbe concert aux Ducs des Lombards du violoniste Mathias Lévy avec le guitariste/violoncelliste Sébastien Giniaux, le contrebassiste Jean-Philippe Viret et le violoncelliste Francois Salque en guest, je réalise que je veux absolument m’essayer à l’improvisation.

 

 

Superbe album intitulé Revisiting Grappelli !

 

Vous savez, ce moment un peu enfantin, où voyant quelque chose à la télévision ou dans un spectacle, vous vous dites :

 

« Moi, quand je serai grand.e, je veux faire ca ! »

 

Eh bien…voilà !
Je suis ressortie du concert en me disant :
« Je ne sais absolument pas comment me lancer, ni par où commencer mais il est temps ! »

 

Comment faire quand on est une violoniste classique, éduquée au respect strict du texte et vaccinée à la « fausse » note ?

 

Comme me répondit si bien Sébastien, guitariste manouche et violoncelliste classique de formation, dans sa sagesse légendaire 😎

 

« Pour se lancer…eh bien, il faut se lancer. »

 

Rendez-vous pris avec Mathias, quelques essais d’improvisation, quelques standards de base plus tard, je ramène mon violon en jam-session.

 

C’est ce qui s’appelle se jeter à l’eau.

Cette démarche m’amène à rencontrer le merveilleux violoniste manouche Tcha Limberger. Là c’est une révélation sur une autre manière de faire de la musique, une autre manière de s’exprimer avec un instrument.

 

Tcha chante, joue de la guitare et du violon. Il a aussi joué de la clarinette. Au fond, quel que soit l’instrument, ce qui compte, c’est son urgence à s’exprimer et l’authenticité avec laquelle il le fait. Une vraie leçon d’humilité et une grande source d’inspiration. 🙏

Avec l’improvisation et l’incursion dans un autre style, c’est aussi la relation à la notation, au respect du texte qui est en question.
Plein de portes mentales s’ouvrent pour la musicienne classique que je suis. Et cela se « transporte », quel que soit le style !
Il faudra que je vous en reparle plus longuement.

 

Ces découvertes s’accompagnent de lectures et relectures de livres inspirés comme :

  • Le violon intérieur de Dominique Hoppenot

 

Livre incontournable à lire, relire…et re-relire !

  • Effortless Mastery de Kenny Werner

 

Sublime texte qui inspire tout musicien !

 

Et ma discothèque idéale s’agrandit largement. Là encore, j’en parlerai dans un prochain article.

« Par coeur » sur scène

Une autre expérience marquante, c’est le concert en récital avec le pianiste Abdel Rahman El Bacha au théâtre de Cholet lors de la Folle Journée en région.

Magnifique théâtre de Cholet

 

Au programme, la première sonate de Prokofiev et les danses roumaines de Bartok.

 

La préparation est hyper intense car je relève le challenge d’apprendre ces pièces par cœur en un peu moins d’un mois.
Mois chargé de cours à la Hochschule de Trossingen où je suis prof de violon et chef du département Cordes et rempli d’autres programmes de concerts. Dont un récital à Hamburg avec mon amie pianiste roumaine Alina Azario.

 

 

Le langage de Prokofiev est rude à mémoriser. Il faut tout décortiquer, comprendre la construction de chaque phrase, intégrer les carrures changeantes, la notation du rythme et faire sens de la grande forme pour porter une narration puissante.

 

Car cette œuvre est aussi sombre que sublime.

 

Je passe de longues heures à pratiquer en utilisant les techniques Pomodoro et Smart, en renforçant le travail digital par une grande dose de travail mental.

 

Vous vous souvenez ?

 

Je vous en parlais déjà dans l’article #9 par exemple des objectifs SMART

La méthode SMART est très souvent utilisée en coaching

 

et de la technique de gestion du temps et d’optimisation du travail

Je suis « fan » de la méthode Pomodoro – technique de gestion du temps ! Pomodoro, c’est le minuteur en forme de tomate que l’on trouve en cuisine ! 🙂

 

Certains m’ont peut-être surprise dans des trains et RER à solfègier à voix basse des sections de la pièce, telle une lunatique… 😅

 

Avant de rentrer sur scène, énorme crise de trac, mais j’arrive à trouver les ressources intérieures grâce à différentes techniques que je vous dévoilais dans l’article #3 sur la gestion du trac) pour me recentrer sur l’enjeu purement musical et le plaisir de jouer cette musique sublime avec un partenaire extraordinaire.

 

Une fois la première note jouée, la récompense est là. J’ai la sensation de décoller sur scène, d’être dans le texte, dans la musique, rien que dans la musique.

 

Aucun doute, mes articles sur l’apprendre par cœur #7/#8/#9 se fondent en partie sur cette expérience.

Février 🤓㋁

Réflexions sur une pédagogie innovante

C’est la première réunion du groupe de travail « Learning & Teaching » de l’AEC à Gênes, Italie.
L’AEC est une association qui réunit les principales écoles et conservatoires de musique à l’échelle européenne et qui œuvre pour l’enseignement supérieur de la musique depuis Bruxelles.

 

Au printemps 2017, j’avais été donner une conférence lors d’un congrès de l’AEC à Anvers. Le thème y était « artistic studies », on y parlait notamment du développement du doctorat d’interprète et de la relation qui existe entre la pratique de la scène et les recherches plus théorico-musicologiques.

 

Mon intervention était intitulée « Mon intervention était intitulée « The (re)searching performer ».

 

En résumé, l’idée était de montrer qu’il existe bel et bien dans la pratique une synergie entre la scène et la salle de classe et de répétition qui sont, en quelque sorte, des espaces de laboratoire complémentaires où l’interprète expérimente et réfléchit constamment.
Tout à fait dans la veine de mon doctorat en Arts: théorie et pratiques obtenu à Lille 3 en Décembre 2016. 🤓

 

Suite à cette intervention, j’ai été justement invitée à prendre part au groupe de travail
« Learning & teaching » pour repenser des pratiques innovantes à mettre en place dans l’enseignement supérieur européen de la musique.

 

Le groupe des 7 personnes est très divers avec des spécialistes de Norvège, Italie, Hollande et Allemagne. Les discussions ont lieu au Conservatoire Paganini à Gênes.

 

Il est fascinant, instructif et parfois attristant de comprendre que la réflexion sur l’innovation pédagogique se heurte souvent à des logiques de professionnalisation et de marketing de la musique. L’enseignement supérieur ne sort pas indemne de ces problématiques. (je vous en parlais déjà dans l’article #14 “La musique classique en procès”)

Atelier à Sciences Po

En Février autre expérience pédagogique forte. Je commence à donner un atelier « Opéra et politique » à Sciences Po Paris.

 

 

Expérience que je suis heureuse de retrouver dix ans après mon premier atelier dans cette école prestigieuse !

 

Oui, j’étais bien jeune alors, guère plus âgée que les élèves et fraîchement diplômée de la classe d’esthétique du CNSMDP. Une expérience marquante !

 

La mission est passionnante et stimulante pédagogiquement car les élèves ont des backgrounds en musique hétérogènes. Certains ont une formation de conservatoire avancée, d’autres ne lisent pas la musique. Et il est fascinant d’oeuvrer à créer des expériences communes et partagées autour de la musique face à un public aussi divers.

 

La thématique Opéra se révèle une voix royale pour décliner la relation musique et politique au travers des siècles puisque l’Opéra est dès sa genèse d’essence politique avec l’Orfeo de Monteverdi à la cour de Mantoue. Et cette relation s’exprime aussi dans des problématiques très contemporaines comme celle de l’architecture et l’emplacement des salles d’Opéra dans la Cité ou du financement publique des maisons d’opéra.

Mars ✈️㋂

Direction : la Côte Ouest ! 🇺🇸

En Mars, je suis invitée à donner un concert et une semaine de masterclasses à Oregon University à Eugene.

 

Tant de choses à raconter : des rencontres merveilleuses et improbables où on se dit que la physique quantique et la synchronicité sont des concepts qui se vivent dans le réel. 🙏

 

Ma fascination pour les campus américains datent de très loin. Je n’ai toujours pas réussi à identifier d’où exactement cela me vient. Sans doute, j’ai idéalisé le campus universitaire en lisant le Jeu des perles de verre de Hermann Hesse, un de mes livres-culte. Je ne cesse d’en parler…

 

En tout cas, j’ai toujours eu envie d’étudier sur un campus, où j’imaginais les bibliothèques ouvertes jour et nuit et j’imaginais qu’il aurait été possible de « butiner » dans différents cours, d’histoire de l’art à la physique quantique, de littérature comparée, de musique, de théâtre et de danse. La transversalité incarnée !
A chacun, ses fantasmes ! 🤓😅

 

Le campus d’Oregon University est immense et très vert. Un régal !

 

Les masterclasses à l’étranger sont pour moi encore et toujours un terrain d’exploration de l’interculturalité.
On dit souvent qu’avec la globalisation, tout est semblable aux quatre coins du monde.
Pourtant les élèves de l’université portent un bagage qui n’est pas le même que les élèves formés en Europe.

 

De manière anecdotique mais assez symptomatique, je me retrouve face à des étudiants jouant le quatuor américain de Dvorak qui ne sont pas sûr de la nationalité de Dvorak. Et ils ne savent pas où localiser la république tchèque (ou Tchécoslovaquie).

 

Travail sur la posture avec une étudiante d’Oregon University

 

Etonnant… et pourtant, est-ce vraiment inconcevable ?
Je ne peux pas me targuer de pouvoir localiser beaucoup d’Etats américains sur une carte !!

 

J’adore ces moments de décalage où il est si tentant de juger, mais avec un pas de côté, avec un peu d’empathie, on prend conscience que notre vision du monde est profondément le résultat d’un conditionnement culturel qui nous dépasse largement.

 

Les masterclasses dans le College of Music sont aussi pour moi l’occasion d’échanger avec des élèves fantastiques dont une, MiYa Saito-Beckmann qui, en plus d’être une excellente violoniste classique, participe depuis son plus jeune âge à des championnats de fiddle et de violon country.
Le rêve !

 

Un peu comme ce que je vous ai décrit à propos du jazz…

 

Je réussis à convaincre Miya de me donner un cours de fiddle. J’en ressors avec un air et l’accompagnement d’une Polska jouée par le groupe Väsen, un groupe de folk suédois.

 

Miya a été formée par la méthode Suzuki qu’elle enseigne également. Cette méthode reste très pratiquée aux Etats-Unis. Et de manière finalement similaire, l’enseignement du fiddle se fait principalement par la répétition et l’oralité.

 

Fascinant de réfléchir aux conclusions à tirer par rapport à la pédagogie.
Ne pourrait-on pas réintroduire cette évidence de la transmission par l’imitation et l’oralité aussi dans le classique parfois ?

 

Lors de ce séjour, je rencontre aussi un instructeur passionnant de Feldenkrais, Colin Pip Dixon qui m’offre une session de découverte fantastique. Une méthode de prise de conscience corporelle.
Mon corps fatigué par le jetlag et le long vol en avion lui en est encore reconnaissant !

 

Souvenez-vous…le corps et la santé du musicien

 

Je fais également la connaissance d’un couple de professeurs d’université extraordinaire. Gina est professeur de littérature italienne, spécialiste de Dante. Marc est professeur de violoncelle baroque et de musicologie. Autour d’un dîner gargantuesque après une longue balade en forêt, s’engagent de longues conversations sur la pratique de la musique baroque, des sources, du répertoire, des instruments.

 

 

L’Oregon est une région sublime, portée par un esprit bien particulier. On y mange bio et on y pense…différemment !

 

Je termine ce séjour américain par un passage à San Francisco.

 

Le Golden Gate, what else ?

 

Et là, c’est la magie encore de la synchronicité. Précisément cette semaine le Quatuor Ebène s’y produit. Je me régale de les écouter dans un concert sublime avec notamment le 2e Razumovsky et de casser la croûte avec eux après le concert.

 

 

Le monde est petit pour la communauté des musiciens-voyageurs.

 

Mars se termine par des masterclasses au Conservatoire Royal de Bruxelles.
Là encore, une expérience très riche.
Comment faire avancer durablement les étudiants en un minimum de temps ? Choix des mots, choix des thématiques, j’adore cet exercice qui relève plus du les étudiants en un minimum de temps ? Choix des mots, choix des thématiques, j’adore cet exercice qui relève plus du coaching que de l’enseignement traditionnel.

Avril 🎤㋃

Le jazz encore

En Avril, j’alterne les cours à Trossingen et poursuis mon exploration du jazz en suivant le stage d’improvisation au CMDL, le centre de musique Didier Lockwood.

 

Le décès de Lockwood survenu de manière si subite teinte d’une profonde tristesse la semaine. Il aurait dû être là et nous donner cours…tout le monde est sous le choc. Il manque. 😢

 

Infinie tristesse…

 

La semaine est très intense.

 

Les cours de rythme avec le batteur André Charlier sont fantastiques.
Le rythme, c’est le geste, c’est le corps. On tape dans les mains, on tape des pieds. On se tord le cerveau avec des polyrythmies jusqu’à ce que le corps intègre de manière quasi miraculeuse un 3 contre 2 puis un 5 contre 4.

 

(La polyrythmie … vous n’y êtes peut-être jamais allés #lesinconnus #polygamie #polynésie 😆

https://www.youtube.com/embed/43d3rMlr4ik

 

C’est quand par exemple vous tapez en 3 avec les mains pendant que vos pieds tapent en 2.

 

Et la joie profonde de faire bouger son corps et de ressentir la puissance du rythme comme une danse, une expérience tribale.

 

De même avec Benoît Sourisse au clavier, on parcourt les harmonies et les modes jazz, pour appréhender les « couleurs ». Evidemment impossible de ne pas faire le lien avec des années de formation en analyse et de réviser Debussy ou Ravel. Du coup, je ré-analyse la sonate de Debussy avec un langage jazz. Limpide !

 

Conclusion :
il n’y a pas de musique jazz ou de musique classique, il y a juste de la musique !

Mai 🎻㋄

En Mai, changement de registre.
Je prends tour à tour différentes casquettes : de l’orchestre que je ne pratique pas si souvent, du solo avec orchestre à la musique de chambre en passant par le récital – dans un cadre diplomatique !

 

C’est d’abord une série d’orchestre en tant que concertmaster invitée de l’Opéra de Hamburg pour la Flûte Enchantée. Vous savez cette production qui avait fait tant parler par le retrait par la production de la soprano Julie Fuchs, enceinte. 😳

 

 

Le chef d’orchestre est Kent Nagano. Il veut insuffler un nouveau style à l’orchestre, amener un vent de fraîcheur et construire une culture stylistique historiquement informée.
Il fait appel à moi sur la recommandation de Thomas Hengelbrock.
A Berlin j’ai étudié la musique ancienne et j’ai travaillé avec Hengelbrock comme concertmaster de l’ensemble Balthasar-Neumann à plusieurs reprises.
L’ensemble Balthasar-Neumann, c’est un ensemble magnifique qui se produit sur instruments anciens et joue souvent avec un chœur associé extraordinaire.

 

 

A Hamburg c’est ma première expérience de fosse. Absolument fascinant de voir de mes propres yeux ce que je sais de mes collègues qui sont membres d’orchestre d’opéra.
Très peu de répétitions, des musiciens d’orchestre différents chaque soir.

 

Le fonctionnement dépend des maisons d’opéra ! Assez affolant pour moi comme concept car les répétitions ont lieu mais ce ne sont pas forcément les mêmes personnes présentes au moment du concert… 😱

 

Quelques moments de sueurs froides et un savoir-faire collectif d’une efficacité remarquable pour deviner quand « planter » tel ou tel accord dans un récitatif, une musique irrésistible et un show très réussi !

Triple de Beethoven 🇬🇧

Sans transition, je me mets en route vers Leicester pour jouer le Triple Concerto de Beethoven avec un super équipe made in Britain : Tom Poster, pianiste et Guy Johnston, violoncelliste, que je connais bien car nous avons plusieurs fois joué ensemble au Leicester Music Festival.
Meghan et Harry sont sur le point de se marier… #omg

 

 

La salle De Montfort Hall est sublime.

 

Le triple de Beethoven est vraiment une œuvre merveilleuse, incroyablement galvanisante à jouer et qui permet de prendre à la fois le rôle de soliste et de chambriste. Idéal dans un contexte d’amitié musicale.

 

Bakou 🔥

Puis, Bye, England, en route vers Bakou, Azerbaïdjan. C’est ma première fois dans ce pays de la région du Caucase. Anciennement occupée par la Russie et puissance du pétrole et du gaz naturel, l’Azerbaïdjan présente un visage culturel complexe.

 

Je suis invitée à me produire au côté de Murad Huseynov, pianiste azéri lors du déplacement du ministre des affaires étrangères Mr Le Drian. Il s’agit du centenaire de la première république démocratique de l’Azerbaidjan.

 

 

Je vous en parlais dans l’article #12
La musique est parfois une vitrine diplomatique.
La musique est parfois une vitrine diplomatique. Vous vous souvenez, le soft-power ?

 

 

Nous jouons Debussy, Saint-Saens et Garayev devant un parterre d’officiels.

 

A peine rentrée de Bakou, je suis en route pour St-Emilion. 🍷

 

Etonnant contraste entre des concerts si différents.
Là, il ne s’agit pas de politique. Quoique…le programme est organisé autour du sublime Quatuor pour la fin du Temps de Messiaen, que Messiaen a composé lors de sa captivité dans un Stalag lors de la 2e Guerre Mondiale.

 

J’en parlerai d’ailleurs dans mon atelier Musique-Politique au XXe siècle à Sciences Po cette année !

 

Là, je suis entourée d’une dream-team de musiciens. Florent Boffard au piano et Anssi Karttunen, violoncelle que je retrouve régulièrement pour faire du trio. Et à la clarinette le fantasque et fantastique Philippe Berrod.

 

De gauche droite : Philippe Berrod, Anssi Karttunen, moi-même et Florent Boffard

 

A St-Emilion c’est une terre magnifique et l’accueil des organisateurs, amis chers, Mr et Mme Querre que je retrouve à chaque fois avec tant de joie est incomparable de générosité et de convivialité.

 

Le seul vrai challenge est de trouver la discipline intérieure pour renoncer à boire avant le concert ! 🍷
Un supplice…

 


Qui pourrait penser qu’être musicien est ennuyeux et routinier?

 

Certes, dans des moments de fatigue et de doute, quel musicien freelance ne s’est pas souhaité des horaires de bureau réguliers et un endroit fixe pour travailler ?

 

Mais c’est justement de là que provient une telle sensation de liberté et de créativité !

 

J’ai encore tant de choses à vous raconter pour 2018…

 

Je pose la plume, reprends une gorgée de thé… Je vous retrouve la semaine prochaine pour finir mon bilan en musique de l’année 2018. ✍️🍵

 

🎬

 

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#15 – Merci, la Radio

#15 - Merci, la Radio !📻
une histoire de transistor, de voix et de moustache 📻🎤

Cette semaine de Noel, j’ai envie de vous parler de quelque chose de personnel. En fait, j’ai envie de faire une déclaration. Et cette déclaration, c’est à la Radio que je veux l’adresser.

 

Il y a dix jours, j’ai eu le plaisir de participer à l’émission « Génération France Musique » animée par Clément Rochefort. Et je me suis dit comme à chaque fois que je mets les pieds dans une émission de radio, à quel point j’adore l’expérience de la radio : des échanges avec les attachés de production à la collaboration avec les équipes techniques, les réalisateurs, les producteurs, du moment de la « balance » au moment du direct, de l’interview ou de l’enregistrement. 

 

Avec mon complice musical, le pianiste Aurélien Pontier

C’est une expérience bien particulière et qui résonne pour moi toujours avec un goût d’enfance.

Car la radio est une présence absolument constante dans ma vie, et ce depuis aussi loin que je me souvienne.

Et je lui dois beaucoup !

Le foyer, c'est se regrouper autour d'un... transistor 📻

Pour moi ce qui anime un foyer, ce n’est pas un feu de cheminée, ce qui serait le sens littéral, assez improbable à Marseille… 

 

Mais c’est le transistor.

 

L’amour de la radio, cela vient de mon père qui l’écoutait constamment en travaillant à l’écriture d’articles médicaux. 

A la maison, les chaînes préprogrammées :
France Inter,
France Info,
France Musique,
France Culture,
Radio Classique,
RTL,
Europe 1 (et si !)

 

Et lorsqu’il rentrait du travail, bien tard le soir, impossible d’y couper. Le transistor était sur la table de la cuisine. Nous écoutions le bulletin d’info sur France Inter. 

 

***Ré ré do do ré… sol la ré***

Vous savez ces génériques…vraies Madeleines de Proust. 

 

Quelle puissance de l’ancrage dans la mémoire. 

 

Si c’était hors du créneau de 22h30, c’était sur France Info qui avait déjà résonné maintes fois dans la journée.

 

La radio rythme la vie, structure le temps et vous fait découvrir le monde.  

A chaque époque de vie, ses chaînes et ses émissions.

Radio et musique... sur la même longueur d'ondes

Il faut dire que la radio et la musique ont tant en commun. 

 

La transmission passe par les ondes, par le canal auditif. C’est l’art de l’évocation, de l’imaginaire. A la différence de la télévision, la radio laisse librement imaginer, elle n’impose pas… même si sa puissance est infinie. 

En effet, historiquement elle a vite constitué un instrument de propagande très utilisé pour ses capacités presque hypnotiques. J’en parlerai forcément dans mon cours à Sciences-Po Musique et Politiques au XXe siècle ce semestre. « Music & Politics at the age of the extremes” (1914-1953). J’y reviendrai. 

La création de la RTF est d’ailleurs liée à l’expérience de la BBC que fit le Général de Gaulle en 1940. 

La mission de l’ORTF (Juin 1964), c’est : « satisfaire les besoins d’information, de culture et de distraction du public ».

La radio, une « fenêtre sur le monde »🗺

Il est vrai que par des émissions diverses, c’est le monde que la radio fait entrer, à domicile : information, distraction et éducation comme autant d’introduction ou d’exposition aux sciences, à l’histoire, à la politique, aux voyages, aux sports, à la littérature, au cinéma, aux arts, à la musique…

Une éducation musicale 🎶

Pour moi, ce fut bien sûr une grande partie de mon éducation musicale.

 

Habitant en province et n’étant pas d’une famille de musiciens, la radio a joué un rôle essentiel. Mes parents achetaient des disques chez un disquaire (oui, je vous parle d’un temps lointain !) mais c’est la radio qui m’a permis de rentrer en contact avec tant de choses.

 

– Par exemple, enfant, j’ai été très marquée par une série d’émissions réalisées par Jean-Michel Molkhou sur les écoles de violon. Ma mère les avait enregistrées religieusement sur des K7. Et nous les écoutions l’été lors de stages de violon.  L’école russe, puis l’école soviétique, l’école franco-belge, l’école israélo-américaine…

Une mine d’or de documents d’archives et d’interviews avec des violonistes-concertistes qui racontaient maintes anecdotes de leurs rencontres avec les « Grands ».

Un trésor radiophonique qui m’a « contaminée » et ouverte à une forme de filiation. Une conscience que les savoirs sur le violon sont hérités et transmis de génération en génération.

– Plus tard, lors de mes études d’analyse et d’histoire de la musique au CNSMDP, je n’ai cessé d’écouter France Musique et Radio Classique, en essayant souvent de deviner compositeurs, style des œuvres diffusées à toute heure du jour et de la nuit. 

 

– Sur les ondes j’ ai aussi entendu pour la première fois des œuvres et des versions importantes. Je pense parmi mille choses au concerto de Berg « A la mémoire d’un ange » dans la version de Josef Suk qui fût un moment de révélation pour moi.

– Je me souviens aussi avoir été saisie au milieu de la nuit par la diffusion du trio op.70 nr.2 de Beethoven par le trio magique Stern/Istomin/Rose

 

Imaginez… 

 

dans un moment d’insomnie vers 4 heures du matin, vous appuyez sur la télécommande et vous entendez pour la première fois de votre vie ce mouvement. 

Vous entendez cet univers emprunt d’une mélancolie particulière, presque schubertien en fait… « Sehnsucht » allemand où le bonheur rêvé et la mélancolie sont si proches. Comment résister à la tonalité très « mouillée » de Lab Majeur ? 

 

On se demande si au travers d’un sourire on ne devine pas des larmes dans les yeux. Un peu comme ce que Bruno Walter disait à ses musiciens à propos de Mozart. « Il faut que cela soit si gai, si gai, que l’on ait envie de fondre en larmes. »

 

Voilà les rencontres musicales que la Radio peut provoquer.

Les grandes voix, figures imaginaires sans visage

Au-delà de la musique, ce sont aussi des personnes…enfin plutôt des voix.

 

J’ai toujours été particulièrement touchées par la puissance évocatrice de certaines voix, par la capacité à faire voir, à faire visualiser, à suggérer. 

 

Il n’y a parfois qu’un pas avec l’hypnose.

 

Et cette familiarité incomparable. Voix que l’on n’oublie pas, par exemple, celle des Matinales de Stéphane Paoli sur Inter ou celles des billets de Thierry Beauvert sur France Musique.

 

Et derrière ces voix, présences familières, quasi quotidiennes, enfant, je n’ai jamais songé à imaginer des visages. 

 

Plus tard, j’ai eu beaucoup d’émotions à rencontrer certaines des personnes dont je connaissais si bien la voix. 

 

Quelle drôle de manière de « connaître » quelqu’un. Comme des amis, des gens avec lesquels on pense partager tant mais…dont on ne connait pas leur visage. 

 

Par exemple, j’ai été très touchée de rencontrer la journaliste Marie-Eve Malouines récemment.

 

Adolescente, passionnée de politique et d’histoire, j’étais constamment scotchée à France Info. J’écoutais toutes ses chroniques politiques.

 

Je pourrais parler aussi de l’ami Frédéric Lodéon, merveilleux musicien et homme de radio adoré, avec lequel j’ai eu la chance de faire de nombreuses émissions mais aussi de faire mes débuts aux Flâneries musicales de Reims dans le Concerto de Mendelssohn. 

 

Les commentateurs de foot ⚽️

Et puis, si je vous parle des voix de la radio… impossible de ne pas parler des commentateurs sportifs.
Cela peut sembler paradoxal, suivre le football à la radio ?

 

Et bien, rien de tel pour vibrer ! 

 

D’ailleurs les soirées de multiplex de ligue 1 en France où – soyons honnêtes ! – il ne se passe pas toujours grand chose… sont toujours excitantes sur les ondes. Dur après de regarder certains matchs où le rythme n’est pas au rendez-vous ! 😅

 

Je me dois de citer deux immenses commentateurs sportifs : 

 

Jacques Vendroux sur France Inter/Info que j’ai d’ailleurs rencontré lors d’une émission Carte blanche sur France Musique. Voix incontournable du paysage radiophonique français ! 

Et bien sûr, l’unique et l’irremplaçable Eugène Saccomano

 

C’est un commentateur qui m’a quand même fait changer de radio lors de son passage d’Europe 1 sur RTL. On en a « refait » des matchs… Ceux qui l’écoutaient savent de quoi je parle. 

 

Sacco m’a fait rêver et m’a tenu compagnie toute ma scolarité au CNSMDP et bien après. 

Sa voix parcourait à peu près tous les registres en une seconde et ses hurlements étaient à faire pâlir les meilleurs commentateurs brésiliens qui lancent d’interminables « Goooooooooooooal ! »

 

Je me souviens d’un match OM-Monaco où le footballeur de l’OM Titi Camara marque et Sacco hurle pendant presqu’une minute et demi : Titi Titi CAMARA Titi Titi CAMARA 

 

« Il l’a miiiiiiiiiiiis ! »

 

Ecoutez ca, pour le plaisir, je vous assure :
https://www.youtube.com/watch?v=kx_zmf0emRU

Les conversations au coin du feu : solitudes partagées et compagnie

« Tenir compagnie » car si vous écoutez la radio, vous n’êtes jamais vraiment seul. 

 

La radio arrive à créer du lien, on a l’impression qu’on ne s’adresse qu’à nous.

 

Rien de tel que des entretiens radiophoniques pour avoir l’impression de rentrer dans l’intimité d’une personnalité. Que de confidences se font derrière un micro ! Comme si l’absence d’image amenait à un lâcher prise, à des moments de sincérité.

 

Et puis, la radio a ceci de magique qu’elle laisse l’espace pour un dialogue intérieur. Une parole provoque une réflexion, vous décrochez… vous argumentez intérieurement…puis vous revenez. Un peu comme la lecture silencieuse d’un livre. L’imaginaire y est libre. 

 

Certes vous pouvez être captivé et « scotché », vous buvez les paroles.

 

Mais vous pouvez aussi faire du « multi-tasking ». 

 

Dans un environnement sonore rassurant, quel stimulant incroyable pour travailler ! 

 

Un peu comme si le flux de la radio occupant une partie de votre cerveau, cela libérait le mental.
Combien de dissertations ai-je pu écrire accompagnée par la radio !
Qu’en disent les neurosciences ?! Je vous en parlais dans les articles #7 #8 et #9 sur la mémorisation.

 

J’ai même pendant une courte période travaillé certains « passages » de violon en écoutant des matchs, pour développer des automatismes.

 

Pas toujours très recommandable mais…
Pas si étonnant, en fait.
On raconte que le pianiste Glenn Gould avait réussi à « débloquer » un passage d’une fugue de Bach en travaillant pendant que sa femme de ménage passait l’aspirateur

 

Les rendez-vous réguliers, rythme de vie et formation continue

Outre « On refait le match », les « Matinales », les « flash infos », on peut s’y créer d’autres rendez-vous réguliers. Par exemple, il me suffit d’entendre le générique du Masque et la plume pour que je me sente « à la maison un Dimanche soir » , quel que soit l’endroit de la planète ou l’heure réelle où je l’écoute. Il s’agit d’ailleurs de la Fileuse de Mendelssohn interprétée par Christian Ivaldi, un de mes professeurs de musique de chambre au CNSMDP!

Et puis, c’est quand même l’émission idéale pour pitcher un film que vous n’avez pas encore vu. Attention aux spoilers toutefois ! Les intervenants arrivent rarement à se retenir de raconter la fin ! 😱😆

 

Il y a aussi les chroniques qui rendent accro, quelles soient géopolitiques (vous vous souvenez forcément de la voix de Bernard Guetta) ou humoristiques. 

 

Et pour parler de démocratisation, il y a aussi des émissions magistrales sur France Culture ou autres – que ce soit en philosophie, histoire de l’art, neurosciences, en jazz ou gastronomie ! 

 

A l’écoute de la radio, on peut se faire une jolie formation à la carte.

 

Et maintenant avec la révolution numérique, on a presque tout à disposition avec les podcasts, les replays !

 

Certes, cela apporte d’autres changements comme le fait de filmer les studios de radio. Dommage ?

 

En tout cas, je peux vous dire que la moustache de Clément Rochefort vaut le détour. 

 

Venez donc au théâtre de l’Alliance pour les directs le Samedi après-midi de 16h à 18h. Vous ne le regretterez pas. 

Et bientôt, la moustache de Clément fera pâlir le footballeur marseillais Adil Rami !

 

Sur les ondes

Comme musicienne, la Radio m’accompagne depuis longtemps.

J’ai d’ailleurs fait mes débuts avec orchestre suite aux Tournois du Royaume de la Musique.

Ce concours fondé par Mme Raynaud-Zurflüh. Des enregistrements en public étaient faits dans les écoles et conservatoires de musique des villes de France. Tous les jeunes musiciens pouvaient s’y inscrire.  Les lauréats recevaient un beau diplôme et ceux de la dernière catégorie montaient à Paris pour jouer avec l’orchestre de la Garde Républicaine. 

J’y ai donc joué en 1997 la Havanaise de Saint-Saens sous la direction du Colonel Boulanger au Studio 104. Pièce que j’ai d’ailleurs enregistrée en live avec la même formation et le même chef dix ans après !

La Radio, c’est aussi la diffusion de concerts. La présence des micros rend le concert encore plus périlleux. Paradoxe d’être dans l’instant, dans l’éphémère du concert mais de savoir que tout est capté, gravé à jamais ! 

 

Je me souviens être tétanisée avant d’entrer sur scène pour ma première fois dans le concerto de  Tchaikovsky avec l’orchestre de Picardie. Le concert était enregistré par France Musique. Quel stress avant de jouer et pourtant, quelle joie de diffuser auprès d’un public plus large et d’avoir une telle trace d’archive après ! 

 

Récemment le concert aux Invalides sur Radio Classique.

 

Et puis, ce sont des émissions en direct magiques parfois. Après la sortie de mon premier disque Brahms chez Intrada, j’ai participé de nombreuses fois au Mardi idéal d’Arièle Butaux et aux émissions de Frédéric Lodéon. 

 

A chaque fois, c’est l’occasion de belles rencontres, entre musiciens et artistes invités. Samedi dernier cela n’a pas échappé à la règle.

 

Et quelle joie de retrouver les équipes du son et du plateau !

 

J’ai adoré aussi les Matins des musiciens menés par Jean-Pierre Derrien, où nous ouvrions les portes de nos « ateliers », nous partagions nos analyses, nos associations d’idées autour de la partition que nous illustrions musicalement. 

 

Avec Jean-Pierre, nous avons parcouru le Concerto de Tchaikovsky, le Concerto de Sibelius, la sonate de Strauss, la 3e sonate de Grieg, la 3e sonate de Beethoven ou la sonate de Debussy

 

https://www.francemusique.fr/emissions/le-matin-des-musiciens/sonate-pour-violon-et-piano-de-claude-debussy-par-marina-chiche-et-florent-boffard-21808

 

Et aussi, des moments de confidences et de franche rigolade lors d’interview

 

par exemple avec Lionel Esparza, Boris Berezovsky et Nathalie Stutzmann:
https://www.francemusique.fr/emissions/le-magazine/boris-berezovsky-nathalie-stutzmann-et-marina-chiche-26979

 

ou avec Thierry Beauvert – On y entend Jacques Vendroux ! https://www.francemusique.fr/emissions/au-diable-beauvert/marina-chiche-2717

J’ai aussi eu la joie immense de faire des chroniques foot-musique sur France Musique. C’était lors de la Matinale d’été avec Stéphane Grant. Le mondial 2006 se refermait de manière douloureuse, Coup de boule de Zizou…

 

J’y montrais des parallèles plus ou moins inattendus entre foot et musique. Par exemple, les supporters qui se répondent de part et d’autre du stade…comme dans le Vaisseau fantôme de Wagner.

La Do Ré

Vous l’aurez compris, j’adore la Radio !

 

Alors, l’amour de la radio peut sembler anachronique à l’heure du numérique. Mais je reste profondément convaincue que ce médium conserve toute sa puissance. Il peut propager de belles choses, des savoirs multiples et reste un outil puissant de démocratisation (dont je vous parlais la semaine dernière !)

 

On dit enfant de la télé….

et bien, moi, je suis une fille de la radio !

🎬

Likez, partagez et diffusez cet article s’il vous a plu et surtout venez discuter avec moi dans les commentaires !

#14 – La musique classique en procès

#14 - La musique classique en procès
une histoire de démocratisation, de clichés et de partage 📸🎶💫

Cette semaine j’aimerais vous parler d’une très belle expérience que j’ai faite Vendredi dernier. J’ai joué à Paris dans un théâtre près de République devant 300 entrepreneurs lors d’une journée dédiée à la passion dans l’entrepreneuriat.

 

Cette expérience fut si belle qu’elle est venue raviver et alimenter une réflexion plus large sur la place de la musique classique dans notre société.

 

Question – brûlante – qui m’occupe depuis un moment déjà.

Ouverture

Lorsque Alexandre Dana de LiveMentor m’a proposé de jouer pour la journée consacrée à l’entrepreneuriat et à la passion d’entreprendre, j’ai été enchantée. Connaissant Alexandre, je me doutais que la journée serait mémorable. J’ai donc tout de suite accepté.

 

 

Mais ce que je ne lui ai pas dit, c’est que je me suis aussitôt demandé ce que j’allais bien pouvoir jouer. Et ce questionnement qui peut sembler normal, habituel, a commencé à prendre une drôle de résonance.

 

En effet… quoi jouer pour ce public probablement non mélomane (intéressant, ce présupposé !) hors d’un cadre habituel ? Face aux attentes que mon intervention semblait susciter, j’ai commencé à me demander intérieurement si jouer un morceau de musique classique trouverait un écho, si ce serait adéquat , si ce serait suffisamment divertissant !

 

Vendredi matin, la journée s’est donc ouverte en musique après quelques mots d’introduction de la part d’Alexandre. La lumière s’est éteinte puis rallumée et j’ai joué un morceau toute seule sur scène avec mon violon.

Et c’est probablement un des plus beaux moments de communion, de silence, de méditation collective que j’ai eu sur scène. Magique !

 

 

Cela m’a donné aujourd’hui envie de vous parler de manière plus large de ce qui se dit sur la musique classique de nos jours et de la place qu’elle occupe dans notre société.

 

Attention, aujourd’hui, c’est sérieux ! 🤓

La musique classique sur le banc des accusés

Alors, oui. On accuse la musique d’être (gros mot ultime, semble-t’il en France !) « élitiste », inactuelle, ennuyeuse, non divertissante. Elle doit constamment s’excuser.

 

Les oeuvres sont trop longues, trop complexes … Son apprentissage fastidieux, coûteux (effectivement, c’est pas faux !).
Et imaginez-vous, il faut du silence pour l’écouter !

 

De plus, la musique classique est en crise. Elle ne trouverait plus de public. En témoignent de nombreuses études sur le vieillissement et le non-renouvellement du public. Ce constat préoccupe les différents acteurs du champ culturel. Il faut donc aller à la « conquête » du public.

 

Verdict : Acquittement partiel et liberté sous conditionnelle.
Acquittement partiel et liberté sous conditionnelle.
Il faut la démocratiser !

 

Alors de magnifiques actions, ambitieuses et courageuses sont mises en place et on repense activement le concert classique.
Les orchestres multiplient les actions « jeune public », le projet DEMOS est mis en place, la folle Journée propose des concerts de 45 minutes. On réfléchit sur les lieux de concert, les formats.

 

Stimulant et pertinent !

 

Pourtant, au nom de la démocratisation, visée hautement louable, il arrive que l’on mélange différentes problématiques et qu’aux intentions philanthropiques affichées viennent se mêler d’autres intentions nettement moins pures, d’un autre ordre en tout cas (logique de marché, récupération politique).

 

Et derrière ces différentes propositions, se cachent des messages latents qui posent problème.

 

Laissez-moi vous expliquer et faire un peu de tri !

Réfléchir aux codes et à l’accessibilité de la musique classique, Oui !

Un des enjeux importants est de lever toutes les barrières symboliques qui entourent la musique classique et les lieux de concerts pour les rendre accessible à tous.

 

Outre la réflexion sur les lieux de diffusion et les formats du concert, plusieurs pistes sont explorées : codes vestimentaires, la durée, interdisciplinarité, interaction avec le public.

 

Comme ne pas citer le succès de la Philharmonie de Paris placée en périphérie, dans un geste fort de politique urbaine et qui amène effectivement un nouveau public aux concerts.

 

En finir avec le shaming du public,
Oui !
( et tout de suite svp !)

 

Parlons-en d’ailleurs !
Souvenez vous de la récente polémique sur l’autorisation des applaudissements à la Philharmonie justement.
Certains spectateurs se sont offusqués d’applaudissements entre les mouvements d’une symphonie.

 

Outre le fait que les applaudissements sont des conventions historiques qui ont évolué avec le temps, il faut définitivement sortir de cette culture de shaming face à un public néophyte.

 

Le shaming, c’est le fait de faire ressentir un mélange de honte et d’humiliation. C’est ce qui fait qu’au concert classique, certaines personnes peu habituées ne se sentent pas à leur place et se font toiser du regard.
Ceci est impensable.

 

Alors, oui. Il peut arriver d’être agacé en tant que spectateur par des voisins qui déplient le plus lentement possible des papiers de bonbons ou qui éternuent de manière intempestive. 🍬
Mais n’est-ce pas le risque de toute expérience collective ? N’a-t’on pas la même problématique dans une salle de cinéma ?

 

Et en tant que musicienne, laissez moi vous dire qu’ à la fin du 1er mouvement du Concerto de violon de Tchaikovsky ou de Brahms par exemple, après une vingtaine de minutes de marathon musical, il est tellement satisfaisant de relâcher la pression et de recevoir des applaudissements. Et au fond, si « logique » émotionnellement – pour le spectateur comme pour le musicien !
Alors, s’il vous plait, oui – applaudissez et surtout ne dites pas « Chut ». 😉🙏

 

Mais en fait, en filigrane, la vraie question qui se profile est plutôt celle de la place de la musique dans l’éducation pour tous, non ?
J’y reviens plus tard. Comptez sur moi !

La responsabilisation de l’artiste-interprète, Oui !

Se poser la question de la démocratisation de la musique est stimulante pour les artistes-interprètes qui se doivent de réfléchir à leur programmation et à la réception de leur programme, et sortir d’un « entre-soi ».

 

Ainsi, idéalement, l’interprète élabore avec le programmateur un « menu » et propose un « parcours ». Ainsi le fait de composer un programme devient un acte de « curation » comme on dit pour une exposition.

 

C’est ainsi que j’ai développé un programme intitulé Violon+, où je joue et je présente des oeuvres du répertoire pour violon seul en donnant des clés d’écoute sur un répertoire réputé exigeant.
C’est un programme que j’adore faire.
Lorsque je l’ai donné dans le festival Vox Musica près de Poitiers il y a plusieurs années, quelle joie profonde que de voir des spectateurs reconnaissants me dire après le concert qu’ils avaient l’impression de « comprendre » et surtout de « pouvoir mieux entendre » !

 

On a ainsi l’impression de se poser activement en médiateur, en passeur, d’agir sur la réception de l’oeuvre. Autrement dit, de reprendre de manière consciente la fonction première de l’interprète – lien entre l’oeuvre, le compositeur et le public – en réfléchissant activement aux outils de médiation vers le public.

 

Mais attention !

« Crise de la musique classique » : un formulation trompeuse

Selon moi parler d’une présumée « crise de la musique classique » est problématique. Car c’est une expression réductrice qui opacifie des phénomènes complexes sans en rendre compte.

 

Il faut avant tout démêler des enjeux parfois divergents et observer l’étau dans lequel la musique classique se trouve prise quand elle est réduite à un produit mercantile ou fait le jeu de récupérations multiples.

 

Dit de manière polémique, il ne me semble pas que Bach, Mozart, Beethoven ou Schoenberg aient à nous rendre des comptes et à s’expliquer, pas plus que Proust, Thomas Mann ou Joyce, d’ailleurs.

 

A y regarder de plus près, on se rend compte que « crise de la musique classique » contient une cascade de crises réelles, masquées, cachées et tues ; on fait souvent un amalgame.

 

Crise du marketing et du business de la musique,
voilà !
Il s’agit, en fait, de crise du marché de la musique classique, crise du public en tant que part de marché, crise du modèle du concert classique, crise de l’éducation à la musique classique, plus largement, crise de la transmission et de l’éducation par les humanités et, finalement, crise de la société démocratique.

 

La musique classique est alors le bouc-émissaire d’une situation bien plus large.

 

Et on lui demande de se racheter au nom d’une culpabilité provoquée par les ambiguïtés du marché : entre luxe et action sociale.

 

D’ailleurs sous le terme de « conquête de nouveaux publics », on peut aussi entendre une réaction devant l’effondrement du marché du disque à l’ère du numérique et à la baisse de fréquentation du public « traditionnel ».

 

Autrement dit, il s’agit de trouver une solution marketing, une opération commerciale pour séduire de nouveaux auditeurs-spectateurs-consommateurs.

 

On fait alors porter la responsabilité aux oeuvres et aux artistes.
Vous vous souvenez : le musicien classique ne serait pas assez divertissant, les oeuvres seraient bien trop longues… Au point que le fait de conjuguer logique de marché avec popularisation de la musique vient parfois affecter de manière pernicieuse l’intégrité même de la pratique artistique.

 

📺Lors d’émissions télévisées parfois, on présente – au nom d’une « démocratisation » de la musique classique – des oeuvres tronquées, on veut produire du « spectacle ». Mais, en fin de compte, c’est un avatar méconnaissable – musique classique taillée sur un lit de Procuste économique et démagogique – que l’on donne en partage. Mais au final, n’y a-t’il pas erreur sur la marchandise…

 

Drôle de calcul…

Ne tirez pas sur …le musicien classique ! 🙏

Je me demande d’ailleurs si le shaming du musicien classique ne serait pas l’autre face d’une même pièce avec le shaming du public.
Il est exaspérant d’entendre dire que le musicien classique n’est pas assez glamour, pas assez divertissant.

 

Et derrière des incitations à la « médiation » (encore une fois, louable !) se glisse parfois un message latent culpabilisant.

 

Lisez plutôt !

 

“si les musiciens classiques d’aujourd’hui ne font pas l’effort de la médiation pour faire vivre leur art, alors la musique classique risquerait fort de ne plus être un art «vivant». “

 

Mais si les salles de concert ne sont pas pleines, est ce donc (seulement?) la faute des musiciens classiques ?

 

Que dire de l’espace médiatique consacré à la musique classique et de la place de la musique dans l’éducation nationale ?

 

Et que dire des injonctions répétées d’investir l’espace de cross-over ?
Et ce, non par plaisir (ce qui me semble tout à fait légitime) mais comme pour « s’excuser »; dit de manière prosaïque, pour faire passer la pilule. 💊

 

Comme si la musique classique présentée telle quelle n’était pas « assez ».

 

Je me souviens d’un organisateur d’événements qui m’a contactée pour jouer lors d’un événement VIP. Il insistait pour que je joue des airs de pop ou de musique de film arrangés en classique.

 

Mais …pourquoi ?
Et d’ailleurs pourquoi faire appel à moi ?
Pourquoi ne pas inviter un groupe de variétés dont c’est la compétence ?

 

Ah mais il fallait le label « rouge » de la musique classique…Dans ces événements-là, trop souvent l’interprétation musicale ne joue qu’un rôle décoratif. La musique classique y est ambassadrice de la haute culture légitime, ambassadrice d’une forme de luxe que l’on achète, qui confère son standing à la soirée.

 

Quel paradoxe !

 

Cette allergie pour une forme de cross-over mercantile m’a d’ailleurs longtemps freinée dans un désir sincère d’ouverture. Heureusement que des rencontres magiques m’ont permis de franchir le pas.

 

 

J’ai ainsi pu m’aventurer vers le jazz swing et vers le fiddle. Quel plaisir !

 

Et je suis heureuse de voir que des professeurs passionnés et innovants offrent la possibilité à leurs élèves et leurs étudiants de s’ouvrir au violon au sens le plus large possible. Je pense aux journées du violon organisées au CRR de Paris par Stéphanie Moraly autour du fiddle notamment, journées animées par le brillant et fantaisiste Raphael Maillet.

 

Et cela fait du bien de penser que la communauté du violon réunit des univers plus larges.

 

fiddle, jazz, classique avec Raphael Maillet et Mathias Levy

 

Bref, Ouverture, Oui ! Mais cross-over pour se faire pardonner de jouer des pièces exigeantes, non !

Plaidoyer
Pourquoi nous avons besoin de musique classique ?

Pourquoi la musique classique ne serait-elle pas adaptée à l’air du temps ?

 

C’est, en réalité, qu’elle puise ses racines dans le temps long, temps de la maturation de l’artiste, temps long de l’apprentissage, temps long des oeuvres.

 

Elle véhicule des valeurs essentielles telles que le silence, la contemplation, la perception du son, l’imagination. Elle vit aussi de valeurs telles que héritage, autorité, hiérarchie – mots tabous tant ils sont taxés de conservatisme.
La musique classique, dans sa supposée inactualité, n’incarnerait-elle pas une alternative qu’il conviendrait d’explorer en profondeur ?

 

Il est vrai que, comme l’a démontré Bourdieu après 68, la musique classique incarne la domination bourgeoise.

 

Mais, « faut il brûler tous les pianos parce qu’ils vont bien dans les salons bourgeois ? » (in Bourdieu, La distinction, critique sociale du jugement. )

 

Autrement dit, la remise en cause formulée par Bourdieu était nécessaire et certainement salutaire, il s’agissait de dénoncer la « distinction » sociale qui s’opère autour de la musique classique, la puissance de ségrégation ; l’assimilation de la musique classique avec un Autrement dit, la remise en cause formulée par Bourdieu était nécessaire et certainement salutaire, il s’agissait de dénoncer la « distinction » sociale qui s’opère autour de la musique classique, la puissance de ségrégation ; l’assimilation de la musique classique avec un habitus de classe dominante.

 

Pour autant, cette dénonciation est liée à son contexte historique des années 70 et il peut sembler d’ailleurs ironique d’affirmer aujourd’hui de la musique classique qu’elle est la culture légitime, quand elle doit constamment justifier sa place dans notre société.

 

D’ailleurs ne serait-il pas temps d’en finir avec certains clichés tenaces ?

 

Certes dans certains grands festivals la politique tarifaire est affolante. Mais est-ce que le prix des places dans un stade ou dans un concert pop sont vraiment plus abordables que les prix d’une place à la maison de la Radio ou à la philharmonie de Paris?

 

D’autre part, l’ère du numérique offre de vraies possibilités pour l’accessibilité à la musique classique. Ne trouve t’on pas des ressources gratuites et illimitées sur Youtube ?

 

De plus, ne pourrait-on pas réactualiser l’image du musicien classique ? Les médias semblent toujours surpris de se rendre compte que les musiciens classiques peuvent être « cool », des personnes de leur temps.

 

Et au fond, s’arrêter à une vision sociologique, ne serait-ce pas réduire la musique classique à l’usage que l’on en fait ? Or c’est justement cet usage qui est à remettre en cause, et non, l’essence de la musique classique et des oeuvres.

 

Donc désacraliser les codes de la musique classique, oui ! Il est important d’enlever les obstacles culturels et socio-économiques qui viennent faire écran ; déconstruire ce que l’on pourrait appeler les shaming du public, qui ne sent pas à la hauteur, pas concerné et qui pensent que les musiciens classiques ne s’adressent pas à lui.

 

Continuer de réfléchir aux codes associés au concert classique, que ce soit dans le fait de favoriser l’interdisciplinarité ou de proposer des formats plus courts, de mener une réflexion sur la politique tarifaire ou sur la localisation des salles de concert. Enlever tout ce qui peut faire obstacle, barrières symboliques ou réelles.

 

Mais vouloir désacraliser la musique classique en tant que telle me semble être un malentendu.

Not for Profit : L’éducation à la musique

La « crise de la musique classique », disons-le, c’est avant tout la question de l’éducation au sens de droit à la culture pour tous. Principe de l’école républicaine, celle de la 3e République, s’entend.

 

Car cette mise en question des oeuvres et du patrimoine est symptomatique d’un phénomène plus large qui touche l’enseignement des arts et des humanités dans notre société. Logique de profit appliquée à tous les domaines et qui n’a au fond rien à voir avec l’essence des arts et des humanités. C’est ce que développe la philosophe américaine Martha Nussbaum dans son essai dans son essai Not for profit – Why democracy needs the humanities .

Ce livre défend ardemment la nécessité de la prise de conscience que les sociétés démocratiques qui ne soutiennent pas activement l’éducation des humanités et veulent faire plier l’éducation de la littérature ou de la musique classique à une logique de marché se coupent elles-mêmes les ailes.

 

Dans La musique classique a-t-elle un avenir ? Charles Rosen ne manque pas d’établir un lien direct entre éducation de la musique, baisse de la pratique musicale et décroissance du public.

 

« Si le public de la musique classique ne croît pas assez vite pour que cet art fasse de gros profits – en fait, il n’a jamais vraiment rapporté, ce n’est pas à cause du moindre intérêt pour la musique sérieuse, mais parce que bien moins d’enfants apprennent à jouer du piano. Apprendre la musique par les disques au lieu de la jouer a radicalement transformé notre perception de cet art. »

 

Au-delà d’une réflexion sociologique, c’est donc d’une philosophie de l’éducation, de l’émancipation, de la Bildung au sens de formation des êtres à l’échelle de la société dont la musique classique a besoin.

La musique comme expérience partagée 🌎

Mais, élargissons encore la perspective.
Face à la musique, nous ne sommes pas que des citoyens, nous ne sommes pas que des consommateurs, des gens pauvres ou riches, des bourgeois…nous sommes des êtres humains.

 

La musique classique est un des creusets dans lesquels les hommes s’exercent à façonner leur humanité, à la fortifier et à l’élever. Et c’est là que la musique classique, en dépit de – et justement – par son inactualité apparente, est essentielle.

 

Car elle nous parle et nous met en contact avec l’essentiel : nos filiations, nos héritages. C’est cet effort d’élévation que l’acte interprétatif et performatif est chargé de réactualiser en permanence, dans une action vitale, renouvelée, asymptotique.

 

Et si être un artiste engagé aujourd’hui, c’était développer une réflexion critique et responsable sur les formes du concert classique sans renier son intégrité et sans oublier l’essence de son art ? Cultiver la relation avec les êtres auxquels on s’adresse, faire du concert un moment « sacré », entre humains.

C’est ce qu’exprime le néologisme „reliance“, une notion portée dans un premier temps par le sociologue Marcel Bolle de Bal. Selon son acception première, c’est la „création de liens entre des acteurs sociaux séparés dont l’un au moins est une personne.“

 

Dans ce sens, réfléchir sur la médiation sans systématiquement céder à la tentation d’expliquer et de simplifier pour rendre accessible mais plutôt tenter de préparer les conditions du mystère, celui qui ne se perçoit que dans le silence de l’être et dans la résonance imprévisible et incontrôlable de l’instant éphémère du concert.

 

Plus que vouloir éduquer, il s’agit d’élever – de s’élever ensemble. Dans ses lettres sur la littérature, Walter Benjamin écrit dans Lettres sur la littérature :

« La conscience morale de l’humanité a surtout besoin de nourriture – et non de remède. »

 

Pour paraphraser Benjamin, on pourrait dire qu’il faut puiser dans les oeuvres de musique classique comme dans autant de nourritures spirituelles nécessaires à notre société et qu’elles n’ont pas à tenir lieu de remèdes. C’est, au fond, l’expérience intense de reliance au moment du concert qui constitue le véritable engagement :
expérience partagée avec des « solitudes acceptées » qui permet la connexion à soi et aux autres.

Reliance également de la pratique de chercheur qui crée des ponts et des liens à travers les époques et les cultures. Reliance, une notion si porteuse…
Comme le disait Edgar Morin dans un entretien avec Marcel Bolle de Bal,
« cette notion, j’en avais besoin ! »

 

Et bien, moi aussi !

 

Et Vendredi dernier, en jouant « a cappella » dans un théâtre devant 300 entrepreneurs , j’ai eu la preuve que la musique classique n’avait pas à s’excuser. Que l’acte de communion autour d’une prise de parole sonore qui vise à toucher l’âme a sa place et sa fonction profonde, primordiale. 🔥

 

Et qu’elle vise à du divertissement au sens le plus léger ou à un divertissement existentiel au sens pascalien du terme, en étant plus « sérieuse » et savante, la musique classique a une fonction essentielle dans notre « être-au-monde » et reste, dans notre société, une possibilité magique d’établir un lien mystérieux au-delà des mots.

 

Alors… vive la musique et la magie de l’expérience partagée !

 

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