#6 – Profession – musicien

#6 - Profession musicien. Peut on vivre de la musique ?
Une histoire de travail, feu sacré et... de chiffres 🤓🔥🔢

Cette semaine j’ai envie de vous parler du métier de musicien. Métier au sens de profession.

En effet, quand on ne vient pas d’une famille de musiciens, le fait que l’on puisse faire de la musique son métier ne semble pas couler de source.

Il faut dire qu’il y a quelques clichés ou malentendus à déconstruire.

Plusieurs de mes collègues partagent d’ailleurs la même histoire d’après-concert, où après avoir été félicités par un membre du public, enthousiaste, on leur demande : 

« Et sinon, vous faites quoi comme métier dans la vie ? »

Si, si ! Véridique ! 😅

Quand on vient d’une famille de non-musiciens

c’est mon cas. Mon père est médecin, ma mère infirmière a arrêté de travailler à ma naissance. Aucun des deux n’a pu pratiquer la musique, ils sont mélomanes.  

 

Il peut être difficile d’imaginer la réalité de la vie de musicien et encore plus, les possibilités d’en vivre. On peut être loin d’imaginer qu’être musicien puisse être une occupation à plein temps et aussi un moyen de gagner sa vie, économiquement. 💵

 

Au-delà des fantasmes et de la passion de la musique, c’est souvent l’inconnu.

Et cela peut être anxiogène pour des parents qui souhaitent assurer un futur le plus « sûr » possible à leurs enfants. 😱

 

Récemment une maman d’une jeune harpiste de 17 ans me confiait ses doutes quant à l’orientation professionnelle de sa fille après le Bac. 

Fallait-il laisser sa fille poursuivre dans la musique ou essayer de la « raisonner » à faire des classes prépa ? 

⁉️

Est-ce à dire que devenir musicien professionnel ne serait pas un choix raisonnable ? 🤓

 

Sans vouloir noircir le tableau, le parcours peut sembler semé d’embûches et bien incertain. Cela commence par la formation qui coûte cher – en temps et en argent – entre cours particuliers, achat d’instruments, discipline de la pratique : un parcours du combattant pour l’enfant comme pour les parents ?

Et les perspectives de débouchés ne seront pas systématiquement à la hauteur de l’investissement. Les chemins qui mènent à « percer » semblent bien mystérieux.

On sait que pour les solistes, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus. De même la compétition est rude dans les auditions d’orchestre. Selon les instruments, les débouchés peuvent sembler limités, notamment ceux qui ne font pas partie de l’orchestre…

Et on ne cesse de pointer du doigt une conjoncture difficile aujourd’hui. On parle de crise de la musique classique en quête de son public et aussi de la baisse des subventions et aides publiques, avec une logique de mécénat encore peu développée.

Angoissant, n’est-ce pas ? 👻

En même temps, il n’est pas rare d’entendre dire : 


« Quelle chance vous avez d’être musicien! Vous vivez de votre passion. Ce n’est donc pas du travail, ce n’est que du plaisir ! »

Alors,

… Musicien, un travail ? ou la différence entre amateurs et musicien pro

De manière provocatrice, on pourrait dire que les amateurs sont ceux qui aiment vraiment la musique ! 💘

 

Etymologie et association d’idée trop simpliste, peut-être.

Mais il est vrai que le fait d’avoir une relation « désintéressée » à la musique – désintéressée au sens kantien du terme et au sens de gratuité – permet de préserver un amour intact de la musique.

Faire de la musique juste pour l’amour de l’art et pour son plaisir propre, sans enjeu…économique !

 

Certes, on peut penser à la citation célèbre de Confucius :

« Choisissez un travail que vous aimez 

et vous n’aurez pas à travailler un seul jour de votre vie. »

Pourtant que faire les jours où l’on n’a pas envie de jouer, où l’on se sent trop fatigué pour monter sur scène, où les conditions de concert ou de travail ne sont pas bonnes (plein-air peu adapté, mauvaise acoustique, longs voyages) ou quand le corps a mal ?

 

C’est dans ces moments que rentre en jeu le professionnalisme. Être musicien pro ne relève pas du hobby ou même de la passion inconditionnelle. Car il faut « assurer ».

Lors des jours « sans », il n’y a pas de doute. 

 

Alors, bien sûr, il y a aussi les moments de grâce sur scène, des rencontres passionnantes, des collaborations magiques, des répétitions galvanisantes, des salles sublimes, des sessions d’enregistrement où on se dépasse, des œuvres qu’on a rêvé de jouer enfant. 🌟

Et là, on se dit qu’on a une chance incroyable d’être payé à faire ce que l’on aime par dessus tout. 🙏

Musicien, vocation et feu sacré 🔥

D’ailleurs, choisit-on consciemment la musique comme métier ou bien devient-on juste musicien? 

 

Beaucoup de collègues, issus de familles de non-musiciens en particulier, partagent l’expérience de ne pas avoir vraiment eu conscience des enjeux de professionnalisation avant la fin de leurs études. 

 

Souvent un certain talent est repéré et si la motivation – le « feu sacré » – se manifeste, il y a une sorte de vocation – là encore, au sens étymologique, un « appel » à suivre la voie. 🔥

 

On adore la musique par-dessus tout et donc logiquement on va vouloir « continuer ». 

 

Et parfois, ce n’est pas le choix le plus pragmatique.
Le « test » de motivation extrême est d’ailleurs de se demander si l’on peut vivre sans. 

 

C’est en somme ce que recommande Rilke dans ses célèbres Lettres à un jeune poète . De préférence, se poser la question au milieu de la nuit…🌙

 

Ne pas pouvoir faire autrement, voilà la condition de la vocation, celle qui pousse à s’engager totalement et à persévérer au travers des épreuves.

 

On pourrait dire que c’est une vision assez romantique de la chose.

Cela dépend beaucoup du milieu d’où l’on vient…

Car il faut pouvoir se permettre de ne pas (trop) penser à la professionnalisation pendant ses études. Avoir des parents qui soutiennent, obtenir des bourses ; certains se dépêchent d’obtenir des postes pour assurer leurs arrières et être indépendant financièrement dès que possible.

Le statut du musicien : imaginaire et sociologie

Il faut dire que selon les pays et les époques, être musicien représente soit un idéal absolu soit …un symbole de décadence. 

 

Dans le Jeu des perles de verre de Hermann Hesse (un de mes livres favoris), la musique est la discipline ultime. Être musicien s’assimile à un sacerdoce, une pratique monastique dans un cadre protégé, hors du monde, la Castalie.  

 

Chez Thomas Mann, dans les Buddenbrooks, être artiste-musicien, c’est une forme de décadence face à la bourgeoisie. Mann oppose l’artiste au bourgeois qui fait des affaires et maintient le patrimoine familial. Bien sûr les choses sont complexes pour Mann lui-même…

 

Et je ne parle pas de l’imaginaire (bien réel parfois) de l’artiste maudit, du compositeur sans le sou et du musicien errant. Il est intéressant de noter tout de même que, dans l’inconscient collectif, musique et argent ne font pas souvent bon ménage.
N’est-ce pas ? 🎶💵

Faire médecine, faire son droit peut sembler nettement plus rassurant. Soit pour maintenir un niveau social bourgeois soit pour permettre une ascension sociale. 

 

Avec la musique, l’ascension espérée est peut-être plus d’ordre symbolique et culturelle.

 

Mais bon, encore une fois, tout cela dépend…

 

On pourrait dérouler aussi l’histoire de la professionnalisation des musiciens à travers les siècles : des musiciens attachés à la cour jusqu’à la constitution d’orchestres philharmoniques; des castrats, chanteurs « vedettes » aux virtuoses célébrissimes tels que Liszt ou Paganini au XIXe siècle jusqu’aux « stars » de l’âge d’or du disque vinyle puis du CD, de la mise en place d’une vraie industrie de la musique jusqu’aux réseaux sociaux ! 

 

Il y a aussi de différences sensibles entre les pays selon la place de la musique classique en général dans la société. Par exemple en Asie, la musique classique est très valorisée comme au Japon, en Corée du Sud.

 

Un autre exemple frappant dans la valorisation du métier de musicien selon les pays : les postes de professeurs de musique dans les Hochschule en Allemagne (les Conservatoires supérieurs de musique) sont nettement mieux rémunérés qu’en France. Et le statut social qui est associé au titre de professeur y est incomparable.

 

Un poste de professeur en Hochschule en Allemagne est indexé sur des côtes de salaires de fonctionnaires. Un professeur avec une W3 (la côte la plus haute) part sur une base salariale de 6.000 ou 6.500€ bruts/mois selon les Hochschule. 

 

Là où un professeur au CNSM de Paris ne visera pas plus de 3700€ brut/mois.

 

Bien sûr, c’est juste pour donner un ordre de grandeur car cela est à pondérer. La charge de travail  correspondant à ces salaires n’est pas la même (nombre d’heures) et en Allemagne, le Professeur participe à la vie administrative de l’école. 

Les débouchés

Alors, oui. On peut gagner sa vie avec la musique.

 

Et même, bien parfois ! 😅

 

On peut gagner sa vie en étant soliste, chambriste (par exemple quartettiste). Dans ces cas-là, la rémunération se fait au cachet selon les engagements avec parfois l’intermédiaire d’agents, qui prennent souvent entre 10 et 20% du cachet négocié. 

 

C’est un marché de l’offre et de la demande, un marché dérégulé. 

 

Pour vous donner une idée, on voit tous les extrêmes : les cachets peuvent aller du simple défraiement à 100.000€ voire 250.000€ par concert. Mais là, je vous parle plutôt de « super-stars » comme Lang Lang ou Anne-Sophie Mutter. 

 

Pour un même artiste, le même type de prestation, selon le lieu, la jauge de la salle et plein d’autres facteurs, on peut être payé de 1 à 10 fois le prix. 

 

L’artiste-musicien freelance 2.0 se doit d’être un entrepreneur et apprendre à négocier ses cachets. 

 

Il existe le fameux statut d’intermittent du spectacle qui est un régime qui répond aux spécificités des métiers du spectacle. Entre deux concerts où on est engagé sur un CDD, l’intermittent est indemnisé par l’Assurance-chômage. Le statut n’est pas toujours simple à obtenir. Il faut pouvoir justifier de 507 heures travaillées sur 12 mois ou 43 cachets. 

 

Non, je ne vous en dirai pas plus… Je vous laisse lire
 https://www.journaldunet.fr/management/guide-du-management/1200121-le-statut-de-l-intermittent-du-spectacle/

 

Il y a aussi les revenus générés par l’enregistrement. 

 

N’allez pas croire que la plupart de musiciens vivent de leurs « royalties ».

 

Il existe des systèmes de redistributions et un cadre juridique complexe qui vise à une « rémunération équitable ».

Pour les copies privées sonores, la répartition est de : 50% pour les auteurs, 25% pour les interprètes et 25% pour les producteurs.
Pour les copies privées audiovisuelles, 33% pour les auteurs, 33% pour les interprètes et 33% pour les producteurs.

Ah, ce bonheur administratif ! 😱

Il y a aussi les postes fixes qui assurent une stabilité de revenus et un rythme de vie potentiellement plus stable, que ce soit dans l’enseignement ou avec un poste d’orchestre. 

Les rémunérations des enseignants dans des structures relevant du public (Conservatoire de région, conservatoires de la ville de Paris…) sont indexées sur les échelles correspondantes aux statuts (fonctionnaires ou autres).

Il existe des conventions collectives qui définissent l’ensemble des conditions d’emploi, de formation et de travail, ainsi que les garanties sociales des employés.

Quelques exemples pour vous donner un ordre de grandeur. 

Pour les entreprises de secteur privé du spectacle vivant :

Pour la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles :

Je vous renvoie à l’excellent article sur le site de la philharmonie de Paris.
👉

https://metiers.philharmoniedeparis.fr/conventions-collectives-salaires-musicien.aspx

 

Souvent les musiciens ont des pratiques mixtes et développent une certaine polyvalence. Il n’est pas rare de voir des musiciens d’orchestre enseigner et se produire dans des festivals. Ou bien, des solistes enseigner. 

 

Pour autant, le cumul d’activités est réglementé.

Beaucoup de combinaisons sont possibles pour répondre aussi bien à des aspirations artistiques qu’à des besoins économiques.
Certains préfèrent la régularité d’un poste fixe, d’autres la liberté de la vie de free-lance. Chacun selon son tempérament.

 

On peut aussi voir le cas de pluriactivité. En effet, au-delà de la pratique musicale comme interprète il existe une étonnante variété des professions liées à la musique dans lesquelles exprimer d’autres facettes, élargir ses activités ou éventuellement se reconvertir : que ce soit directeur artistique de festival, régisseur d’orchestre, journaliste, musicologue, chargé de production dans une maison de disque, action et médiation culturelles…

Être musicien, …plus qu’un métier ‼️

Alors, a t’on des garanties quand on s’engage dans cette voie professionnelle ? Eh bien, non. Moins  que dans certaines filières ? Peut-être…

Quoique ?

Est-ce vraiment plus rassurant se suivre une filière plus traditionnelle ? Est-ce que les autres domaines sont moins compétitifs et plus épanouissants ?

C’est vrai que l’on parle souvent de carrière dans la musique aussi. 

Mais ce qu’on oublie souvent de dire, c’est que le chemin est long avec la musique. 

Il n’y a a priori pas de limite d’âge pour jouer, tant que le corps fonctionne – à la différence des danseurs ou des footballeurs. 

Regardez le grand Nathan Milstein. 👉

 

Et l’enjeu, c’est – au-delà d’un métier – de tracer son chemin, de grandir avec un instrument, avec les œuvres – autrement dit, de durer.


Donc vivre de la musique, c’est aussi un développement de toute une vie.

Musique : passion, vocation ou profession ? 🔥💘💀

Oui, la musique peut être un métier. Il y a un aspect économique.
Il y a aussi l’aspect de labeur, d’exercice, de quotidienneté de la pratique. Donc métier, comme remettre chaque jour sur le métier son savoir-faire.

 

C’est aussi un travail, un job.
Une profession – aussi comme une profession de foi. Une pratique de dépassement de soi.

 

On pourrait dire aussi que c’est un métier-vocation. 

J’aime beaucoup le fait qu’en allemand il y ait un lien étymologique si clair entre Beruf (métier, profession) et Berufung (vocation). 

 

Faire de sa vocation sa profession ?

Une contradiction, parfois…

Une bénédiction, souvent !

🎬

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#5 – La santé du musicien (2e partie)

#5 - La santé du musicien (2e partie)
ou l’histoire de pieds et de mains… en passant par le pouce de César

Cette semaine je reprends la thématique de la santé du musicien dont j’ai commencé l’exploration lors de mon dernier article. 

Santé physique… et mentale

Bien sûr après avoir annoncé le thème la semaine dernière, je me suis tout de suite lancée sur la santé physique. Mais comme le précisait avec grande justesse Anthony en commentaire, cette thématique est indissociable de la santé mentale.

Vous vous souvenez peut-être, dans l’article consacré au « trac », je vous parlais déjà de la relation entre le corporel, l’émotionnel et le mental. Parfois, l’enjeu de la santé du musicien se décline de manière indéniablement psychosomatique.

 

Mauvaise nouvelle : je n’ai pas fini de décliner les challenges de la vie de musicien pour sa santé.

 

Car certes, la musique est à consommer sans modération. 🍷 

 

Mais on peut se demander si être musicien ne nuirait pas parfois à la santé  !

Un rythme (de vie)… d’enfer 👹

Aux challenges liés au corps très sollicité du musicien que nous avons déjà vus, s’ajoute un aspect à ne pas sous-estimer : un rythme de vie parfois effréné. 

 

Les musiciens ne sont pas en reste face à la thématique généralisée de nos sociétés qu’est le burn-out.  Sans aller jusque là, il n’est pas rare que les musiciens alternent des phases d’activités irrégulières et le surmenage guette lors de tournées très intenses, où on dort chaque soir dans un hôtel différent, où les voyages se succèdent. 

 

Entre trains et avions, on ne sait littéralement plus où on habite, ni dans quelle ville on décolle ou atterrit. Les nuits sont aussi souvent trop courtes après les concerts pour permettre une bonne récupération physique. 

L’art des pauses⏱🏃

Dans cette course contre la montre, il est rare d’arriver à « prendre le temps » de faire des pauses après avoir joué, de faire des gestes nécessaires qui vont permettre de rééquilibrer le corps, compenser les asymétries ou les déséquilibres que nous avons créés et entretenus en jouant. 

 

Il serait pourtant important de « sortir l’instrument de son corps », de se « démouler ».

 

Il n’est pas rare de voir un violoniste continuer à « porter » virtuellement son instrument sur l’épaule gauche, même lorsqu’il marche dans la rue.

 

Facteur aggravant : il n’est pas dans les cultures des musiciens de faire des pauses. Souvent porté par la musique, on se laisse … emporter. Et il est bien connu que quand on aime, on ne compte pas…

 

Et puis, le mental, toujours le mental. A cela s’ajoute les tensions musculaires qui viennent faire écho à une attitude volontaire. Dur d’intégrer le « Less is more » dans sa pratique…

La pratique sportive 🏃🚴🏊

Un autre obstacle lié au rythme de vie irrégulier et aux déplacements fréquents, est le fait de ne pas arriver à installer une pratique sportive régulière. Et là, je parle en connaissance de cause. 

 

J’avoue, certains de mes collègues y arrivent de manière remarquable. Je les admire ! 👏

 

Car non seulement, un musicien a besoin de s’étirer, de développer sa conscience corporelle mais aussi d’avoir une sacrée endurance pour avoir le souffle et être capable de tenir dans de longs programmes très physiques.

Le jetlag 😴😱

Et je ne préfère même pas aborder en détail la gestion du jetlag, sujet qui pourrait faire à lui tout seul l’objet d’un article !

 

Par exemple, il m’est arrivé de jouer le Concerto de Brahms ( 40 minutes de musique de haute densité musicale et de haute voltige – épreuve d’effort comme disent les cardiologues ! ) le surlendemain de mon arrivée au Japon pour un concert programmé à midi. 

 

Ce qui voulait donc dire qu’il était 6 heures du matin pour mon horloge interne. 

 

Un sacré challenge physique et mental ! 😨

Quand lever le pied… n’est pas de tout repos

Un autre cas où il est impossible de bien « doser » son travail et où on peut y laisser des « plumes »,  est le remplacement au pied levé. Quand par exemple, un soliste programmé doit annuler quelques jours ou même quelques heures avant un concert, il faut le remplacer en dernière minute. 

 

J’avoue, j’ai toujours adoré cette expression…étrangement visuelle. Comme si on allait finir par jouer sur scène avec un pied en l’air. 😅

 

Pas si absurde, en fait, si on pense à l’intensité de ce genre de préparation en quatrième vitesse où on a effectivement l’impression d’avancer sur un fil. Funambulisme musical…

La tétanie de Wagner

Un cas de figure qui me vient comme exemple de corps de musicien mis en danger, c’est celui du musicien d’orchestre qui va jouer pendant quatre à cinq heures un opéra de Wagner. Au violon par exemple on trouve de longues pages d’arpèges injouables et de trémolos. 

 

Le trémolo, c’est cette technique d’archet où on frotte la corde dans un mouvement très rapide, cela produit l’effet d’un tremblement, d’où le nom ! 

 

Le bras de l’archet risque d’être tétanisé par les mouvements de tremblements répétés sur une durée…inhumaine.

 

Les compositeurs et les interprètes: une relation amour-haine 🎼💞

D’autres situations peuvent être extrêmes telles que le fait de devoir apprendre une pièce très rapidement, dans un temps record. Par exemple lors d’une création de pièce contemporaine, il n’est pas rare que le compositeur tarde à « rendre sa copie ». 

 

Ah, les compositeurs… !

 

Alors on doit apprendre en catastrophe une partition parfois à la limite du jouable la veille du jour J., le jour de la création.

 

La création (on dit die Premiere en allemand), c’est le concert où la pièce sera exécutée en public de manière officielle pour la première fois. 

 

Grosse responsabilité, où on dépasse ses limites et on sacrifie des heures de sommeil et les fameux temps de pause dont le corps aurait besoin… État d’urgence ! 😱

Beethoven, Rachmaninov et les autres …

Il faut dire que les compositeurs ont parfois eu peu d’égard par rapport aux interprètes et à leurs limites techniques et donc… physiques. 

Je pense à Beethoven qui disait au violoniste Schuppanzigh qui se plaignait de la difficulté d’un quatuor : 

« Croyez vous que je pense à vos misérables cordes, quand l’Esprit me parle? »

Au XIXe siècle, avec le développement de la virtuosité instrumentale autour de Liszt au piano et Paganini au violon, même combat.

Le virtuose est presqu’un héros qui doit vaincre et laisser quelques gouttes de sang sur scène. 

 

Je ne résiste pas à partager ici avec vous le fameux sketch sur le pianiste-compositeur russe Rachmaninov (1873-1943) intitulé « Rachmaninov had big hands »

En vrai, l’écriture de Rachmaninov peut être une torture pour des pianistes n’ayant pas des mains de géants…

Et puis au XXe siècle, la virtuosité passe justement par une exploration voire une explosion de plusieurs paramètres. Le corps de l’instrumentiste est vraiment mis à contribution de manière parfois radicale. 

Bon, assez pour cette fois !  Je poursuivrai (peut-être) un peu d’histoire de la musique une prochaine fois. 🤓

 

Revenons à … 🐑🐑🐑

notre corps de musicien !

Vous vous souvenez de ma question à 1000 euros de la semaine dernière ?

>> D’où part le pouce ?

Et bien, oui. Raphael Maillet, c’est là où je voulais en venir !

Il est important de comprendre que la base du pouce n’est pas là où le doigt semble rejoindre la paume de la main mais bien qu’il va jusqu’à la jonction du poignet et donc qu’on peut dénombrer trois os. 

Il est vrai que selon les ouvrages, on trouve différentes formulations quant aux phalanges. Je vous mets ci-dessous un schéma que je trouve très parlant quant à la  mobilisation du pouce.

Ce schéma est d’ailleurs extrait d’un livre remarquable intitulé « What every pianist needs to know about the body » de Thomas Mark. GIA Publications, p.95

Du Pouce de César … au body-mapping

Alors, oui. Le pouce est essentiel dans notre capacité de préhension, c’est-à-dire notre capacité à saisir des objets …comme un stylo, ✍️une banane ou un archet par exemple.

 

C’est d’ailleurs une de nos spécialités communes, nous et les primates ! 🙈

 

Alors, vous me direz : quel est le rapport avec le pouce de César ?

 

Tout d’abord, laissez moi préciser que je ne vous parle pas du pouce de César, l’empereur. Le pouce qui se lève vers le haut 👍ou vers le bas pour décider du sort des gladiateurs dans l’arène : non, Facebook n’a rien inventé avec le Like !

Mais je vous parle du pouce du sculpteur marseillais César Baldaccini, dit César.  

 

Imaginez vous que j’ai vu cette sculpture imposante, toute mon enfance sur le rond-point de Bonneveine à Marseille. Et donc, depuis petite, mon  « imaginaire » du pouce, est faussé ! Puisqu’on a l’impression que le pouce part de la phalange Nr.2. 

 

Je n’irais pas jusqu’à dire que César a une responsabilité dans le fait que longtemps j’ai porté en moi une conception fausse de l’anatomie du pouce…

quoique 🤔

Et là, vous vous dites, comme les deux vieux du Muppet Show:

«The question is : who cares ? »

 

(version longue : https://www.youtube.com/watch?v=Dfmur6IkM7U)

 

Et bien, le pouce a un impact énorme sur la tenue d’un archet par exemple, pour le jeu d’un pianiste, sur la manière de taper au clavier (de piano ou d’ordinateur d’ailleurs !!).

 

Le fait d’imaginer que l’on tient un objet à partir du poignet ou seulement de la 2e phalange peut être une source de tension musculaire extrême.

🗺🌎

De plus cet exemple, je le prends pour aborder ici un concept que je trouve fascinant : le « body-mapping ». 

 

Le body-mapping, c’est le fait de définir une cartographie intérieure de notre corps et ce, à travers notre perception propre, nos sensations et un imaginaire intériorisé, parfois conscientisé ou non. 

 

En français, on utilise aussi souvent des mots tels que proprioception et kinesthésie.

 

Bon…gardons body-mapping pour l’instant !

 

On pourrait dire qu’il sous-tend toutes les méthodes qui permettent de développer une meilleure conscience corporelle, méthodes que j’ai citées dans mon article précédent, que ce soit le yoga, la technique Alexander ou l’Antigym. 

 

Je vous en dis plus la semaine prochaine ! 

🎬

D’ici là, belle méditation sur le pouce ( geeks inclus ) et portez-vous bien 👍

 

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