#44 – La médiathèque imaginaire

#44 - La médiathèque imaginaire
Une histoire de mélodie, d'histoire juive et...de ver!

🗓Quelques liens en replay

🎶Playlist sur Apple Music « Mélodies sans parole » : Post-scriptum 💽 

📻 Emissions et itw sur le CD Post-scriptum à podcaster, enregistrées juste avant le confinement  :

Chers amis,
 

Ce matin je pensais à vous… D’habitude, les idées fusent. J’ai envie de vous raconter plein de choses, de partager mes expériences de concerts, de cours, d’émissions de radio, de voyages, de musiques que j’aime…

Et là, ce matin. Rien. Rien du tout.

Ma radio intérieure était silencieuse.


Voilà qu’en me lavant les dents, soudain, a surgi une musique dans ma tête. Et cette musique m’a apporté tant de réconfort, que je voulais absolument vous l’envoyer.

Une si belle mélodie de Brahms…et au violon…dans une version d’ Aaron Rosand, qui possédait cette chaleur sonore, cette élégance si sophistiquée que j’aime tant dans les grands violonistes du passé.

A la recherche de signes

Ce qui est fascinant dans le surgissement, en apparence fortuite d’une musique intérieure, c’est qu’elle vient parfois nous révéler ce par quoi notre psyché est traversée, nous faire sentir les émotions que nous peinons à nommer – comme un rêve, bien plus transparent… 

Expérience similaire qu’on se souvienne d’un livre,d’une scène de film ou d’un poème. 

 

En parlant de poésie, pour poursuivre les confidences, hier soir, j’ai donc ouvert un livre « au hasard ». Vous savez, comme quand on est « appelé » ou même convoqué par un livre, notre regard irrésistiblement attiré par un titre ou une couverture. 

Voici sur quoi je suis « tombée » : Thérapie existentielle d’Irvin Yalom.
Sans commentaires…

Mais attendez ! Ce n’est pas tout !

En ouvrant au hasard donc, je lis : « Isolement métaphysique » 

Et ces quelques vers du poète américain Robert Frost

« Ils ne m’effraient pas avec leurs espaces vides
Entre les étoiles, étoiles privées de vie.
Je les ai en moi, si proches
Mes propres déserts, qui me terrifient. »

Médiathèque imaginaire

Alors dans mes déserts intérieurs, ce matin, a résonné cette musique. 

Peut-on appeler « proustienne » une expérience si prosaique ? Peut-être bien ! 

Impossible pour moi de remonter les méandres de l’inconscient pour retrouver les associations d’idées, les perceptions conjuguées qui ont précisément allumé ma radio intérieure.

Car oui, je pense que nous portons en nous, par analogie au musée imaginaire de Michel Butor, une médiathèque imaginaire !

C’est un concept que j’adore et qui vient nous rappeler que nous transportons en nous ces oeuvres qui nous touchent et que nous pratiquons ou parcourons.

C’est d’ailleurs souvent à partir de cette bibliothèque intérieure, intériorisée, ce réseau unique, cet internet (ou intranet?) personnel que se pratiquent et se révèlent les plus belles intertextualités réelles ou subjectives, que des liens très intimes se forment et se tissent dans notre for intérieur.

C’est elle qu’on emporte précieusement en soi sur une île déserte !

Et si nos déserts intérieurs étaient plus riches (et potentiellement féconds) que nous ne le pensions ?

Trésors intérieurs

Cela me fait penser à une autre histoire juive (décidément 😉

je copie depuis ce site

 

« Une nuit, deux nuits, trois nuits, Eisik fils de Yekel fit le même rêve : un trésor l’attendait à Prague, sous un pont. Eisik, étant dans la pire misère qui soit, décida au matin de la troisième nuit de se mettre en route. Il gagna Prague à pied. Le pont était gardé jour et nuit par des sentinelles. Eisik faisait des manœuvres d’approche variées pour tenter de repérer où pouvait bien se cacher le trésor.

 

Le chef des gardes, intrigué par le manège de ce visiteur obstiné, descendit sur le quai et l’interpella: 

– Je vous ai repéré. Depuis trois jours vous rôdez constamment sous ce pont. Vous avez perdu quelque chose ou vous mijotez un mauvais coup ?

Eisik lui raconta son rêve. 

– Voilà toute la raison de ma présence ici. 

 

Le capitaine lui dit, hilare : 

– Alors, c’est pour un rêve, mon pauvre vieux, que tu es là ? A ce compte-là, j’aurais pu, moi, aller à Cracovie… J’ai rêvé que chez un certain Eisik, fils de Yekel, qui vit à Cracovie, un trésor fabuleux repose sous le fourneau ! » 

 

Eisik remercia le chef des gardes d’avoir su le remettre dans le droit chemin. Il revint chez lui et déterra son trésor. « 

Vers poétiques et …musicaux !

De vers poétiques à cette expérience de mémoire musicale brahmsienne (cf.plus haut), cela m’a fait penser à cette expression allemande si drôle qui vient désigner une belle mélodie qui s’imprime dans notre mémoire si fortement qu’on ne peut se l’enlever de la tête.

On dit : un Ohrwurm. Littéralement un ver d’oreille. Pas très « glamour », je vous l’accorde…

Et voilà que je recois à l’instant, un souvenir du temps d’avant.

C’est une vidéo de la Sicilienne attribuée à Maria-Theresa von Paradis, même s’il s’agit d’un pastiche du violoniste Samuel Dushkin que nous avons joué fin Février dans l’émission Générations France Musique le live pour parler de notre album Post-scriptum.

Lorsqu’Aurélien (Pontier) et moi avions conçu le programme de notre disque, Aurélien avait remis la main sur cette pièce que nous nous étions étonnés d’avoir « oubliée ».  En la « lisant », nous avions tout de suite décidé de l’enregistrer et de la mettre dans notre programme de miniatures. 

Et je dois vous dire que ce petit bijou mélancolique ne nous avait pas quittés pendant des semaines. Un vrai Ohrwurm dans les règles de l’art…

Marina Chiche & Aurélien Pontier – Sicilienne de Maria Theresa von Paradis / Samuel Dushkin – captation France Musique Générations France Musique le Live 29.02.2020

 

Peut-être que ces « vers » d’oreille sont précieux dans la vie de nos jardins poétiques intérieurs ? 

P.-S. :  
 

J’espère que vous allez…du mieux possible. Prenez bien soin de vous !
 

Très affectueusement,

Marina 🎻

🎬 

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#43 – Artistes en période de COVID-19

#43 - Nourritures diverses
Une histoire de poésie, de playlists et ... de blague juive!

🗓Quelques liens en replay

📻 Emissions et itw sur le CD Post-scriptum à podcaster, enregistrées juste avant le confinement  :

Chers amis,

 

Il m’est toujours aussi difficile de prendre la plume dans cette période déstabilisante. Tout peut sembler dérisoire face à la situation sanitaire actuelle.

J’ai tout de même décidé de vous écrire aujourd’hui, d’abord, pour vous remercier pour les nombreux messages suite à la lettre sur le silence.
Cela m’a beaucoup touchée et je vous répondrai individuellement, promis !

Médecine versus musique

Le silence m’a poussée dans des retranchements interrogatifs, et a fait émerger la question vertigineuse du sens

A quoi sert un musicien – en général et dans une telle période ?

Je viens d’une famille de médecins et maintes fois, mon grand frère, pour me taquiner, n’a manqué de me rappeler, que lui en étant médecin, il avait un « vrai » métier : un métier qui servait à quelque chose.

J’ai parfois réussi à le désarçonner au bout de longues joutes oratoires …
Mais là, en période de Corona-virus, j’avoue que je m’incline…

Je suis infiniment reconnaissante…

Que j’aimerais pouvoir (et savoir ) contribuer !

Non pas des remèdes, mais des nourritures

Si j’ai décidé de vous écrire aujourd’hui, c’est aussi parce que soudain j’ai repensé à cette si belle phrase de Walter Benjamin dans ses « Lettres sur la littérature » :

(Benjamin est à Paris à la fin des années 30 quand il écrit cela)

 » La conscience morale affaiblie de l’humanité a surtout besoin de nourriture – et non de remède. »

Evidemment nous avons absolument besoin de remèdes et de soins de la part de nos médecins.  

Mais à défaut de pouvoir apporter des remèdes, peut-être que l’artiste peut justement proposer des nourritures ?

Je partage donc avec vous modestement un petit buffet personnel, quelques petits mets choisis à consommer pour cette nouvelle semaine de confinement. 

A vous de piocher dans ce qui vous fait du bien, selon vos besoins et vos envies du moment

  • pour ceux qui ont besoin de laisser le silence encore résonner

Le poème de Paul Valéry « Palme »,
extrait du recueil « Charmes »
en particulier ces strophes 

Ces jours qui te semblent vides
Et perdus pour l’univers
Ont des racines avides
Qui travaillent les déserts
[…]Patient, patience,
Patience dans l’azur!
Chaque atome de silence
Est la chance d’un fruit mûr!

  • pour ceux qui veulent de la musique au-delà des mots

quelques « baumes » puissants : parce que parfois on a besoin de sentir son coeur se resserrer …

 Rachmaninoff Cello sonata, 3e mouvement par Daniil Shafran et Felix Gottlieb 

C’est d’ailleurs une version extraordinaire par un des plus grands violoncellistes du XXe siècle, trop peu connu du grand public : l’immense Daniil Shafran (1923-1997)

Voici le lien vers la sonate en entier :
cliquez ici

Cette sonate de Rachmaninoff est un vrai voyage émotionnel, une oeuvre à la dramaturgie puissante qui se termine par une résolution des tensions jubilatoire ! 
Une tornade d’émotions et un vrai remède à la mélancolie 

– Deux « I cried for you » par deux des plus grandes divas du jazz
 !! Version à choisir selon votre « mood »

  • et enfin, pour ceux qui veulent un peu de légèreté et d’humour


Blague juive pour nous faire anticiper des jours meilleurs…

En pensant au confinement, une histoire juive m’est revenue.

C’était un professeur russe, Alexei Mikhlin (fantastique violoniste, élève de David Oistrakh, 1er prix du Concours de la Reine Elisabeth 1963 !) qui me l’a racontée quand j’étais gamine, je devais avoir dix ans.
Il me montrait que parfois pour maitriser un passage techniquement difficile, il fallait le travailler en le rendant, de manière intentionnelle, encore plus complexe.
Une fois qu’on revenait à la situation initiale, quel soulagement ! 


C’est Moshé qui va voir le Rabbin et qui lui dit : 
« Cela fait maintenant trois ans que je travaille dur pour avoir de l’argent pour acheter une grande maison où vivre avec ma femme et mes enfants mais je n’y arrive pas, je fais tout mais rien à faire. Je n’en peux plus. Nous sommes tellement à l’étroit ! » 

Alors le Rabbin lui répond : 
« écoute, tu vas prendre une vache et la faire vivre avec vous dans ta maison. » 

Alors Moshé prit la vache et la mit dans sa maison. 

Deux semaines plus tard il retourne voir le rabbin et lui dit :
« Je ne comprend pas, je veux une maison plus grande et vous me dites d’y rajouter une vache ? Là, j’en peux plus ! je veux une maison plus grande ! « 

Alors le rabbin lui dit : 
« D’accord, Moshé. Maintenant tu vas faire vivre avec vous, en plus de la vache, un mouton, et un cheval ! « 

Alors la Moshé ne comprend plus rien, il se dit : 
« Mais il est fou ou quoi ?  » 
Pourtant, par respect, il s’exécute.

Au bout de quelques jours, il craque. 
Alors il retourne voir le Rabbin et lui dit : 
« M. le Rabbin je ne comprends pas. Je vous dit que je voudrais une maison plus grande, que nous sommes,moi et ma famille, à l’étroit et vous me dites de mettre plein d’animaux ! Je ne comprends vraiment pas !  » 

Alors le Rabbin lui dit : 
« Voilà maintenant tu vas sortir les animaux de ta maison et tu vas voir ! » 

Alors Moshé rentre chez lui, il sort tous les animaux et se dit : 

« Merci mon Dieu de nous avoir donnés, moi et ma famille, une maison aussi grande ! »

P.-S. :  

En attendant des jours meilleurs, surtout portez vous bien !

Bien affectueusement,
Marina 🎻

🎬 

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Atelier de Marina

L’Atelier de Marina

Pendant cette période de confinement prolongée, retrouvons-nous tous les jours de 18H à 18H30 sur ma page Facebook pour un moment musical, sympathique et interactif !
Je vous ouvre les portes de mon « atelier » de violoniste, joue quelques morceaux et vous montre ce qui se passe en cuisine !

C’est aussi l’occasion d’échanger ! Posez-moi toutes vos questions !

Hâte de vous y voir !
M*

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#MerciAuxSoignants

A l’initiative de la merveilleuse association Musique et Santé, j’ai enregistré une vidéo pour envoyer des ondes positives au personnel soignant.
En attendant de pouvoir partager à nouveau des moments musicaux dans les services hospitaliers comme à l’automne dernier à l’Hôpital Trousseau…c’était magique.

Likez, commentez et partagez ! Cela soutient l’Association <3

Dose de musique classique

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