#15 – Merci, la Radio

#15 - Merci, la Radio !📻
une histoire de transistor, de voix et de moustache 📻🎤

Cette semaine de Noel, j’ai envie de vous parler de quelque chose de personnel. En fait, j’ai envie de faire une déclaration. Et cette déclaration, c’est à la Radio que je veux l’adresser.

 

Il y a dix jours, j’ai eu le plaisir de participer à l’émission « Génération France Musique » animée par Clément Rochefort. Et je me suis dit comme à chaque fois que je mets les pieds dans une émission de radio, à quel point j’adore l’expérience de la radio : des échanges avec les attachés de production à la collaboration avec les équipes techniques, les réalisateurs, les producteurs, du moment de la « balance » au moment du direct, de l’interview ou de l’enregistrement. 

 

Avec mon complice musical, le pianiste Aurélien Pontier

C’est une expérience bien particulière et qui résonne pour moi toujours avec un goût d’enfance.

Car la radio est une présence absolument constante dans ma vie, et ce depuis aussi loin que je me souvienne.

Et je lui dois beaucoup !

Le foyer, c'est se regrouper autour d'un... transistor 📻

Pour moi ce qui anime un foyer, ce n’est pas un feu de cheminée, ce qui serait le sens littéral, assez improbable à Marseille… 

 

Mais c’est le transistor.

 

L’amour de la radio, cela vient de mon père qui l’écoutait constamment en travaillant à l’écriture d’articles médicaux. 

A la maison, les chaînes préprogrammées :
France Inter,
France Info,
France Musique,
France Culture,
Radio Classique,
RTL,
Europe 1 (et si !)

 

Et lorsqu’il rentrait du travail, bien tard le soir, impossible d’y couper. Le transistor était sur la table de la cuisine. Nous écoutions le bulletin d’info sur France Inter. 

 

***Ré ré do do ré… sol la ré***

Vous savez ces génériques…vraies Madeleines de Proust. 

 

Quelle puissance de l’ancrage dans la mémoire. 

 

Si c’était hors du créneau de 22h30, c’était sur France Info qui avait déjà résonné maintes fois dans la journée.

 

La radio rythme la vie, structure le temps et vous fait découvrir le monde.  

A chaque époque de vie, ses chaînes et ses émissions.

Radio et musique... sur la même longueur d'ondes

Il faut dire que la radio et la musique ont tant en commun. 

 

La transmission passe par les ondes, par le canal auditif. C’est l’art de l’évocation, de l’imaginaire. A la différence de la télévision, la radio laisse librement imaginer, elle n’impose pas… même si sa puissance est infinie. 

En effet, historiquement elle a vite constitué un instrument de propagande très utilisé pour ses capacités presque hypnotiques. J’en parlerai forcément dans mon cours à Sciences-Po Musique et Politiques au XXe siècle ce semestre. « Music & Politics at the age of the extremes” (1914-1953). J’y reviendrai. 

La création de la RTF est d’ailleurs liée à l’expérience de la BBC que fit le Général de Gaulle en 1940. 

La mission de l’ORTF (Juin 1964), c’est : « satisfaire les besoins d’information, de culture et de distraction du public ».

La radio, une « fenêtre sur le monde »🗺

Il est vrai que par des émissions diverses, c’est le monde que la radio fait entrer, à domicile : information, distraction et éducation comme autant d’introduction ou d’exposition aux sciences, à l’histoire, à la politique, aux voyages, aux sports, à la littérature, au cinéma, aux arts, à la musique…

Une éducation musicale 🎶

Pour moi, ce fut bien sûr une grande partie de mon éducation musicale.

 

Habitant en province et n’étant pas d’une famille de musiciens, la radio a joué un rôle essentiel. Mes parents achetaient des disques chez un disquaire (oui, je vous parle d’un temps lointain !) mais c’est la radio qui m’a permis de rentrer en contact avec tant de choses.

 

– Par exemple, enfant, j’ai été très marquée par une série d’émissions réalisées par Jean-Michel Molkhou sur les écoles de violon. Ma mère les avait enregistrées religieusement sur des K7. Et nous les écoutions l’été lors de stages de violon.  L’école russe, puis l’école soviétique, l’école franco-belge, l’école israélo-américaine…

Une mine d’or de documents d’archives et d’interviews avec des violonistes-concertistes qui racontaient maintes anecdotes de leurs rencontres avec les « Grands ».

Un trésor radiophonique qui m’a « contaminée » et ouverte à une forme de filiation. Une conscience que les savoirs sur le violon sont hérités et transmis de génération en génération.

– Plus tard, lors de mes études d’analyse et d’histoire de la musique au CNSMDP, je n’ai cessé d’écouter France Musique et Radio Classique, en essayant souvent de deviner compositeurs, style des œuvres diffusées à toute heure du jour et de la nuit. 

 

– Sur les ondes j’ ai aussi entendu pour la première fois des œuvres et des versions importantes. Je pense parmi mille choses au concerto de Berg « A la mémoire d’un ange » dans la version de Josef Suk qui fût un moment de révélation pour moi.

– Je me souviens aussi avoir été saisie au milieu de la nuit par la diffusion du trio op.70 nr.2 de Beethoven par le trio magique Stern/Istomin/Rose

 

Imaginez… 

 

dans un moment d’insomnie vers 4 heures du matin, vous appuyez sur la télécommande et vous entendez pour la première fois de votre vie ce mouvement. 

Vous entendez cet univers emprunt d’une mélancolie particulière, presque schubertien en fait… « Sehnsucht » allemand où le bonheur rêvé et la mélancolie sont si proches. Comment résister à la tonalité très « mouillée » de Lab Majeur ? 

 

On se demande si au travers d’un sourire on ne devine pas des larmes dans les yeux. Un peu comme ce que Bruno Walter disait à ses musiciens à propos de Mozart. « Il faut que cela soit si gai, si gai, que l’on ait envie de fondre en larmes. »

 

Voilà les rencontres musicales que la Radio peut provoquer.

Les grandes voix, figures imaginaires sans visage

Au-delà de la musique, ce sont aussi des personnes…enfin plutôt des voix.

 

J’ai toujours été particulièrement touchées par la puissance évocatrice de certaines voix, par la capacité à faire voir, à faire visualiser, à suggérer. 

 

Il n’y a parfois qu’un pas avec l’hypnose.

 

Et cette familiarité incomparable. Voix que l’on n’oublie pas, par exemple, celle des Matinales de Stéphane Paoli sur Inter ou celles des billets de Thierry Beauvert sur France Musique.

 

Et derrière ces voix, présences familières, quasi quotidiennes, enfant, je n’ai jamais songé à imaginer des visages. 

 

Plus tard, j’ai eu beaucoup d’émotions à rencontrer certaines des personnes dont je connaissais si bien la voix. 

 

Quelle drôle de manière de « connaître » quelqu’un. Comme des amis, des gens avec lesquels on pense partager tant mais…dont on ne connait pas leur visage. 

 

Par exemple, j’ai été très touchée de rencontrer la journaliste Marie-Eve Malouines récemment.

 

Adolescente, passionnée de politique et d’histoire, j’étais constamment scotchée à France Info. J’écoutais toutes ses chroniques politiques.

 

Je pourrais parler aussi de l’ami Frédéric Lodéon, merveilleux musicien et homme de radio adoré, avec lequel j’ai eu la chance de faire de nombreuses émissions mais aussi de faire mes débuts aux Flâneries musicales de Reims dans le Concerto de Mendelssohn. 

 

Les commentateurs de foot ⚽️

Et puis, si je vous parle des voix de la radio… impossible de ne pas parler des commentateurs sportifs.
Cela peut sembler paradoxal, suivre le football à la radio ?

 

Et bien, rien de tel pour vibrer ! 

 

D’ailleurs les soirées de multiplex de ligue 1 en France où – soyons honnêtes ! – il ne se passe pas toujours grand chose… sont toujours excitantes sur les ondes. Dur après de regarder certains matchs où le rythme n’est pas au rendez-vous ! 😅

 

Je me dois de citer deux immenses commentateurs sportifs : 

 

Jacques Vendroux sur France Inter/Info que j’ai d’ailleurs rencontré lors d’une émission Carte blanche sur France Musique. Voix incontournable du paysage radiophonique français ! 

Et bien sûr, l’unique et l’irremplaçable Eugène Saccomano

 

C’est un commentateur qui m’a quand même fait changer de radio lors de son passage d’Europe 1 sur RTL. On en a « refait » des matchs… Ceux qui l’écoutaient savent de quoi je parle. 

 

Sacco m’a fait rêver et m’a tenu compagnie toute ma scolarité au CNSMDP et bien après. 

Sa voix parcourait à peu près tous les registres en une seconde et ses hurlements étaient à faire pâlir les meilleurs commentateurs brésiliens qui lancent d’interminables « Goooooooooooooal ! »

 

Je me souviens d’un match OM-Monaco où le footballeur de l’OM Titi Camara marque et Sacco hurle pendant presqu’une minute et demi : Titi Titi CAMARA Titi Titi CAMARA 

 

« Il l’a miiiiiiiiiiiis ! »

 

Ecoutez ca, pour le plaisir, je vous assure :
https://www.youtube.com/watch?v=kx_zmf0emRU

Les conversations au coin du feu : solitudes partagées et compagnie

« Tenir compagnie » car si vous écoutez la radio, vous n’êtes jamais vraiment seul. 

 

La radio arrive à créer du lien, on a l’impression qu’on ne s’adresse qu’à nous.

 

Rien de tel que des entretiens radiophoniques pour avoir l’impression de rentrer dans l’intimité d’une personnalité. Que de confidences se font derrière un micro ! Comme si l’absence d’image amenait à un lâcher prise, à des moments de sincérité.

 

Et puis, la radio a ceci de magique qu’elle laisse l’espace pour un dialogue intérieur. Une parole provoque une réflexion, vous décrochez… vous argumentez intérieurement…puis vous revenez. Un peu comme la lecture silencieuse d’un livre. L’imaginaire y est libre. 

 

Certes vous pouvez être captivé et « scotché », vous buvez les paroles.

 

Mais vous pouvez aussi faire du « multi-tasking ». 

 

Dans un environnement sonore rassurant, quel stimulant incroyable pour travailler ! 

 

Un peu comme si le flux de la radio occupant une partie de votre cerveau, cela libérait le mental.
Combien de dissertations ai-je pu écrire accompagnée par la radio !
Qu’en disent les neurosciences ?! Je vous en parlais dans les articles #7 #8 et #9 sur la mémorisation.

 

J’ai même pendant une courte période travaillé certains « passages » de violon en écoutant des matchs, pour développer des automatismes.

 

Pas toujours très recommandable mais…
Pas si étonnant, en fait.
On raconte que le pianiste Glenn Gould avait réussi à « débloquer » un passage d’une fugue de Bach en travaillant pendant que sa femme de ménage passait l’aspirateur

 

Les rendez-vous réguliers, rythme de vie et formation continue

Outre « On refait le match », les « Matinales », les « flash infos », on peut s’y créer d’autres rendez-vous réguliers. Par exemple, il me suffit d’entendre le générique du Masque et la plume pour que je me sente « à la maison un Dimanche soir » , quel que soit l’endroit de la planète ou l’heure réelle où je l’écoute. Il s’agit d’ailleurs de la Fileuse de Mendelssohn interprétée par Christian Ivaldi, un de mes professeurs de musique de chambre au CNSMDP!

Et puis, c’est quand même l’émission idéale pour pitcher un film que vous n’avez pas encore vu. Attention aux spoilers toutefois ! Les intervenants arrivent rarement à se retenir de raconter la fin ! 😱😆

 

Il y a aussi les chroniques qui rendent accro, quelles soient géopolitiques (vous vous souvenez forcément de la voix de Bernard Guetta) ou humoristiques. 

 

Et pour parler de démocratisation, il y a aussi des émissions magistrales sur France Culture ou autres – que ce soit en philosophie, histoire de l’art, neurosciences, en jazz ou gastronomie ! 

 

A l’écoute de la radio, on peut se faire une jolie formation à la carte.

 

Et maintenant avec la révolution numérique, on a presque tout à disposition avec les podcasts, les replays !

 

Certes, cela apporte d’autres changements comme le fait de filmer les studios de radio. Dommage ?

 

En tout cas, je peux vous dire que la moustache de Clément Rochefort vaut le détour. 

 

Venez donc au théâtre de l’Alliance pour les directs le Samedi après-midi de 16h à 18h. Vous ne le regretterez pas. 

Et bientôt, la moustache de Clément fera pâlir le footballeur marseillais Adil Rami !

 

Sur les ondes

Comme musicienne, la Radio m’accompagne depuis longtemps.

J’ai d’ailleurs fait mes débuts avec orchestre suite aux Tournois du Royaume de la Musique.

Ce concours fondé par Mme Raynaud-Zurflüh. Des enregistrements en public étaient faits dans les écoles et conservatoires de musique des villes de France. Tous les jeunes musiciens pouvaient s’y inscrire.  Les lauréats recevaient un beau diplôme et ceux de la dernière catégorie montaient à Paris pour jouer avec l’orchestre de la Garde Républicaine. 

J’y ai donc joué en 1997 la Havanaise de Saint-Saens sous la direction du Colonel Boulanger au Studio 104. Pièce que j’ai d’ailleurs enregistrée en live avec la même formation et le même chef dix ans après !

La Radio, c’est aussi la diffusion de concerts. La présence des micros rend le concert encore plus périlleux. Paradoxe d’être dans l’instant, dans l’éphémère du concert mais de savoir que tout est capté, gravé à jamais ! 

 

Je me souviens être tétanisée avant d’entrer sur scène pour ma première fois dans le concerto de  Tchaikovsky avec l’orchestre de Picardie. Le concert était enregistré par France Musique. Quel stress avant de jouer et pourtant, quelle joie de diffuser auprès d’un public plus large et d’avoir une telle trace d’archive après ! 

 

Récemment le concert aux Invalides sur Radio Classique.

 

Et puis, ce sont des émissions en direct magiques parfois. Après la sortie de mon premier disque Brahms chez Intrada, j’ai participé de nombreuses fois au Mardi idéal d’Arièle Butaux et aux émissions de Frédéric Lodéon. 

 

A chaque fois, c’est l’occasion de belles rencontres, entre musiciens et artistes invités. Samedi dernier cela n’a pas échappé à la règle.

 

Et quelle joie de retrouver les équipes du son et du plateau !

 

J’ai adoré aussi les Matins des musiciens menés par Jean-Pierre Derrien, où nous ouvrions les portes de nos « ateliers », nous partagions nos analyses, nos associations d’idées autour de la partition que nous illustrions musicalement. 

 

Avec Jean-Pierre, nous avons parcouru le Concerto de Tchaikovsky, le Concerto de Sibelius, la sonate de Strauss, la 3e sonate de Grieg, la 3e sonate de Beethoven ou la sonate de Debussy

 

https://www.francemusique.fr/emissions/le-matin-des-musiciens/sonate-pour-violon-et-piano-de-claude-debussy-par-marina-chiche-et-florent-boffard-21808

 

Et aussi, des moments de confidences et de franche rigolade lors d’interview

 

par exemple avec Lionel Esparza, Boris Berezovsky et Nathalie Stutzmann:
https://www.francemusique.fr/emissions/le-magazine/boris-berezovsky-nathalie-stutzmann-et-marina-chiche-26979

 

ou avec Thierry Beauvert – On y entend Jacques Vendroux ! https://www.francemusique.fr/emissions/au-diable-beauvert/marina-chiche-2717

J’ai aussi eu la joie immense de faire des chroniques foot-musique sur France Musique. C’était lors de la Matinale d’été avec Stéphane Grant. Le mondial 2006 se refermait de manière douloureuse, Coup de boule de Zizou…

 

J’y montrais des parallèles plus ou moins inattendus entre foot et musique. Par exemple, les supporters qui se répondent de part et d’autre du stade…comme dans le Vaisseau fantôme de Wagner.

La Do Ré

Vous l’aurez compris, j’adore la Radio !

 

Alors, l’amour de la radio peut sembler anachronique à l’heure du numérique. Mais je reste profondément convaincue que ce médium conserve toute sa puissance. Il peut propager de belles choses, des savoirs multiples et reste un outil puissant de démocratisation (dont je vous parlais la semaine dernière !)

 

On dit enfant de la télé….

et bien, moi, je suis une fille de la radio !

🎬

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#14 – La musique classique en procès

#14 - La musique classique en procès
une histoire de démocratisation, de clichés et de partage 📸🎶💫

Cette semaine j’aimerais vous parler d’une très belle expérience que j’ai faite Vendredi dernier. J’ai joué à Paris dans un théâtre près de République devant 300 entrepreneurs lors d’une journée dédiée à la passion dans l’entrepreneuriat.

 

Cette expérience fut si belle qu’elle est venue raviver et alimenter une réflexion plus large sur la place de la musique classique dans notre société.

 

Question – brûlante – qui m’occupe depuis un moment déjà.

Ouverture

Lorsque Alexandre Dana de LiveMentor m’a proposé de jouer pour la journée consacrée à l’entrepreneuriat et à la passion d’entreprendre, j’ai été enchantée. Connaissant Alexandre, je me doutais que la journée serait mémorable. J’ai donc tout de suite accepté.

 

 

Mais ce que je ne lui ai pas dit, c’est que je me suis aussitôt demandé ce que j’allais bien pouvoir jouer. Et ce questionnement qui peut sembler normal, habituel, a commencé à prendre une drôle de résonance.

 

En effet… quoi jouer pour ce public probablement non mélomane (intéressant, ce présupposé !) hors d’un cadre habituel ? Face aux attentes que mon intervention semblait susciter, j’ai commencé à me demander intérieurement si jouer un morceau de musique classique trouverait un écho, si ce serait adéquat , si ce serait suffisamment divertissant !

 

Vendredi matin, la journée s’est donc ouverte en musique après quelques mots d’introduction de la part d’Alexandre. La lumière s’est éteinte puis rallumée et j’ai joué un morceau toute seule sur scène avec mon violon.

Et c’est probablement un des plus beaux moments de communion, de silence, de méditation collective que j’ai eu sur scène. Magique !

 

 

Cela m’a donné aujourd’hui envie de vous parler de manière plus large de ce qui se dit sur la musique classique de nos jours et de la place qu’elle occupe dans notre société.

 

Attention, aujourd’hui, c’est sérieux ! 🤓

La musique classique sur le banc des accusés

Alors, oui. On accuse la musique d’être (gros mot ultime, semble-t’il en France !) « élitiste », inactuelle, ennuyeuse, non divertissante. Elle doit constamment s’excuser.

 

Les oeuvres sont trop longues, trop complexes … Son apprentissage fastidieux, coûteux (effectivement, c’est pas faux !).
Et imaginez-vous, il faut du silence pour l’écouter !

 

De plus, la musique classique est en crise. Elle ne trouverait plus de public. En témoignent de nombreuses études sur le vieillissement et le non-renouvellement du public. Ce constat préoccupe les différents acteurs du champ culturel. Il faut donc aller à la « conquête » du public.

 

Verdict : Acquittement partiel et liberté sous conditionnelle.
Acquittement partiel et liberté sous conditionnelle.
Il faut la démocratiser !

 

Alors de magnifiques actions, ambitieuses et courageuses sont mises en place et on repense activement le concert classique.
Les orchestres multiplient les actions « jeune public », le projet DEMOS est mis en place, la folle Journée propose des concerts de 45 minutes. On réfléchit sur les lieux de concert, les formats.

 

Stimulant et pertinent !

 

Pourtant, au nom de la démocratisation, visée hautement louable, il arrive que l’on mélange différentes problématiques et qu’aux intentions philanthropiques affichées viennent se mêler d’autres intentions nettement moins pures, d’un autre ordre en tout cas (logique de marché, récupération politique).

 

Et derrière ces différentes propositions, se cachent des messages latents qui posent problème.

 

Laissez-moi vous expliquer et faire un peu de tri !

Réfléchir aux codes et à l’accessibilité de la musique classique, Oui !

Un des enjeux importants est de lever toutes les barrières symboliques qui entourent la musique classique et les lieux de concerts pour les rendre accessible à tous.

 

Outre la réflexion sur les lieux de diffusion et les formats du concert, plusieurs pistes sont explorées : codes vestimentaires, la durée, interdisciplinarité, interaction avec le public.

 

Comme ne pas citer le succès de la Philharmonie de Paris placée en périphérie, dans un geste fort de politique urbaine et qui amène effectivement un nouveau public aux concerts.

 

En finir avec le shaming du public,
Oui !
( et tout de suite svp !)

 

Parlons-en d’ailleurs !
Souvenez vous de la récente polémique sur l’autorisation des applaudissements à la Philharmonie justement.
Certains spectateurs se sont offusqués d’applaudissements entre les mouvements d’une symphonie.

 

Outre le fait que les applaudissements sont des conventions historiques qui ont évolué avec le temps, il faut définitivement sortir de cette culture de shaming face à un public néophyte.

 

Le shaming, c’est le fait de faire ressentir un mélange de honte et d’humiliation. C’est ce qui fait qu’au concert classique, certaines personnes peu habituées ne se sentent pas à leur place et se font toiser du regard.
Ceci est impensable.

 

Alors, oui. Il peut arriver d’être agacé en tant que spectateur par des voisins qui déplient le plus lentement possible des papiers de bonbons ou qui éternuent de manière intempestive. 🍬
Mais n’est-ce pas le risque de toute expérience collective ? N’a-t’on pas la même problématique dans une salle de cinéma ?

 

Et en tant que musicienne, laissez moi vous dire qu’ à la fin du 1er mouvement du Concerto de violon de Tchaikovsky ou de Brahms par exemple, après une vingtaine de minutes de marathon musical, il est tellement satisfaisant de relâcher la pression et de recevoir des applaudissements. Et au fond, si « logique » émotionnellement – pour le spectateur comme pour le musicien !
Alors, s’il vous plait, oui – applaudissez et surtout ne dites pas « Chut ». 😉🙏

 

Mais en fait, en filigrane, la vraie question qui se profile est plutôt celle de la place de la musique dans l’éducation pour tous, non ?
J’y reviens plus tard. Comptez sur moi !

La responsabilisation de l’artiste-interprète, Oui !

Se poser la question de la démocratisation de la musique est stimulante pour les artistes-interprètes qui se doivent de réfléchir à leur programmation et à la réception de leur programme, et sortir d’un « entre-soi ».

 

Ainsi, idéalement, l’interprète élabore avec le programmateur un « menu » et propose un « parcours ». Ainsi le fait de composer un programme devient un acte de « curation » comme on dit pour une exposition.

 

C’est ainsi que j’ai développé un programme intitulé Violon+, où je joue et je présente des oeuvres du répertoire pour violon seul en donnant des clés d’écoute sur un répertoire réputé exigeant.
C’est un programme que j’adore faire.
Lorsque je l’ai donné dans le festival Vox Musica près de Poitiers il y a plusieurs années, quelle joie profonde que de voir des spectateurs reconnaissants me dire après le concert qu’ils avaient l’impression de « comprendre » et surtout de « pouvoir mieux entendre » !

 

On a ainsi l’impression de se poser activement en médiateur, en passeur, d’agir sur la réception de l’oeuvre. Autrement dit, de reprendre de manière consciente la fonction première de l’interprète – lien entre l’oeuvre, le compositeur et le public – en réfléchissant activement aux outils de médiation vers le public.

 

Mais attention !

« Crise de la musique classique » : un formulation trompeuse

Selon moi parler d’une présumée « crise de la musique classique » est problématique. Car c’est une expression réductrice qui opacifie des phénomènes complexes sans en rendre compte.

 

Il faut avant tout démêler des enjeux parfois divergents et observer l’étau dans lequel la musique classique se trouve prise quand elle est réduite à un produit mercantile ou fait le jeu de récupérations multiples.

 

Dit de manière polémique, il ne me semble pas que Bach, Mozart, Beethoven ou Schoenberg aient à nous rendre des comptes et à s’expliquer, pas plus que Proust, Thomas Mann ou Joyce, d’ailleurs.

 

A y regarder de plus près, on se rend compte que « crise de la musique classique » contient une cascade de crises réelles, masquées, cachées et tues ; on fait souvent un amalgame.

 

Crise du marketing et du business de la musique,
voilà !
Il s’agit, en fait, de crise du marché de la musique classique, crise du public en tant que part de marché, crise du modèle du concert classique, crise de l’éducation à la musique classique, plus largement, crise de la transmission et de l’éducation par les humanités et, finalement, crise de la société démocratique.

 

La musique classique est alors le bouc-émissaire d’une situation bien plus large.

 

Et on lui demande de se racheter au nom d’une culpabilité provoquée par les ambiguïtés du marché : entre luxe et action sociale.

 

D’ailleurs sous le terme de « conquête de nouveaux publics », on peut aussi entendre une réaction devant l’effondrement du marché du disque à l’ère du numérique et à la baisse de fréquentation du public « traditionnel ».

 

Autrement dit, il s’agit de trouver une solution marketing, une opération commerciale pour séduire de nouveaux auditeurs-spectateurs-consommateurs.

 

On fait alors porter la responsabilité aux oeuvres et aux artistes.
Vous vous souvenez : le musicien classique ne serait pas assez divertissant, les oeuvres seraient bien trop longues… Au point que le fait de conjuguer logique de marché avec popularisation de la musique vient parfois affecter de manière pernicieuse l’intégrité même de la pratique artistique.

 

📺Lors d’émissions télévisées parfois, on présente – au nom d’une « démocratisation » de la musique classique – des oeuvres tronquées, on veut produire du « spectacle ». Mais, en fin de compte, c’est un avatar méconnaissable – musique classique taillée sur un lit de Procuste économique et démagogique – que l’on donne en partage. Mais au final, n’y a-t’il pas erreur sur la marchandise…

 

Drôle de calcul…

Ne tirez pas sur …le musicien classique ! 🙏

Je me demande d’ailleurs si le shaming du musicien classique ne serait pas l’autre face d’une même pièce avec le shaming du public.
Il est exaspérant d’entendre dire que le musicien classique n’est pas assez glamour, pas assez divertissant.

 

Et derrière des incitations à la « médiation » (encore une fois, louable !) se glisse parfois un message latent culpabilisant.

 

Lisez plutôt !

 

“si les musiciens classiques d’aujourd’hui ne font pas l’effort de la médiation pour faire vivre leur art, alors la musique classique risquerait fort de ne plus être un art «vivant». “

 

Mais si les salles de concert ne sont pas pleines, est ce donc (seulement?) la faute des musiciens classiques ?

 

Que dire de l’espace médiatique consacré à la musique classique et de la place de la musique dans l’éducation nationale ?

 

Et que dire des injonctions répétées d’investir l’espace de cross-over ?
Et ce, non par plaisir (ce qui me semble tout à fait légitime) mais comme pour « s’excuser »; dit de manière prosaïque, pour faire passer la pilule. 💊

 

Comme si la musique classique présentée telle quelle n’était pas « assez ».

 

Je me souviens d’un organisateur d’événements qui m’a contactée pour jouer lors d’un événement VIP. Il insistait pour que je joue des airs de pop ou de musique de film arrangés en classique.

 

Mais …pourquoi ?
Et d’ailleurs pourquoi faire appel à moi ?
Pourquoi ne pas inviter un groupe de variétés dont c’est la compétence ?

 

Ah mais il fallait le label « rouge » de la musique classique…Dans ces événements-là, trop souvent l’interprétation musicale ne joue qu’un rôle décoratif. La musique classique y est ambassadrice de la haute culture légitime, ambassadrice d’une forme de luxe que l’on achète, qui confère son standing à la soirée.

 

Quel paradoxe !

 

Cette allergie pour une forme de cross-over mercantile m’a d’ailleurs longtemps freinée dans un désir sincère d’ouverture. Heureusement que des rencontres magiques m’ont permis de franchir le pas.

 

 

J’ai ainsi pu m’aventurer vers le jazz swing et vers le fiddle. Quel plaisir !

 

Et je suis heureuse de voir que des professeurs passionnés et innovants offrent la possibilité à leurs élèves et leurs étudiants de s’ouvrir au violon au sens le plus large possible. Je pense aux journées du violon organisées au CRR de Paris par Stéphanie Moraly autour du fiddle notamment, journées animées par le brillant et fantaisiste Raphael Maillet.

 

Et cela fait du bien de penser que la communauté du violon réunit des univers plus larges.

 

fiddle, jazz, classique avec Raphael Maillet et Mathias Levy

 

Bref, Ouverture, Oui ! Mais cross-over pour se faire pardonner de jouer des pièces exigeantes, non !

Plaidoyer
Pourquoi nous avons besoin de musique classique ?

Pourquoi la musique classique ne serait-elle pas adaptée à l’air du temps ?

 

C’est, en réalité, qu’elle puise ses racines dans le temps long, temps de la maturation de l’artiste, temps long de l’apprentissage, temps long des oeuvres.

 

Elle véhicule des valeurs essentielles telles que le silence, la contemplation, la perception du son, l’imagination. Elle vit aussi de valeurs telles que héritage, autorité, hiérarchie – mots tabous tant ils sont taxés de conservatisme.
La musique classique, dans sa supposée inactualité, n’incarnerait-elle pas une alternative qu’il conviendrait d’explorer en profondeur ?

 

Il est vrai que, comme l’a démontré Bourdieu après 68, la musique classique incarne la domination bourgeoise.

 

Mais, « faut il brûler tous les pianos parce qu’ils vont bien dans les salons bourgeois ? » (in Bourdieu, La distinction, critique sociale du jugement. )

 

Autrement dit, la remise en cause formulée par Bourdieu était nécessaire et certainement salutaire, il s’agissait de dénoncer la « distinction » sociale qui s’opère autour de la musique classique, la puissance de ségrégation ; l’assimilation de la musique classique avec un Autrement dit, la remise en cause formulée par Bourdieu était nécessaire et certainement salutaire, il s’agissait de dénoncer la « distinction » sociale qui s’opère autour de la musique classique, la puissance de ségrégation ; l’assimilation de la musique classique avec un habitus de classe dominante.

 

Pour autant, cette dénonciation est liée à son contexte historique des années 70 et il peut sembler d’ailleurs ironique d’affirmer aujourd’hui de la musique classique qu’elle est la culture légitime, quand elle doit constamment justifier sa place dans notre société.

 

D’ailleurs ne serait-il pas temps d’en finir avec certains clichés tenaces ?

 

Certes dans certains grands festivals la politique tarifaire est affolante. Mais est-ce que le prix des places dans un stade ou dans un concert pop sont vraiment plus abordables que les prix d’une place à la maison de la Radio ou à la philharmonie de Paris?

 

D’autre part, l’ère du numérique offre de vraies possibilités pour l’accessibilité à la musique classique. Ne trouve t’on pas des ressources gratuites et illimitées sur Youtube ?

 

De plus, ne pourrait-on pas réactualiser l’image du musicien classique ? Les médias semblent toujours surpris de se rendre compte que les musiciens classiques peuvent être « cool », des personnes de leur temps.

 

Et au fond, s’arrêter à une vision sociologique, ne serait-ce pas réduire la musique classique à l’usage que l’on en fait ? Or c’est justement cet usage qui est à remettre en cause, et non, l’essence de la musique classique et des oeuvres.

 

Donc désacraliser les codes de la musique classique, oui ! Il est important d’enlever les obstacles culturels et socio-économiques qui viennent faire écran ; déconstruire ce que l’on pourrait appeler les shaming du public, qui ne sent pas à la hauteur, pas concerné et qui pensent que les musiciens classiques ne s’adressent pas à lui.

 

Continuer de réfléchir aux codes associés au concert classique, que ce soit dans le fait de favoriser l’interdisciplinarité ou de proposer des formats plus courts, de mener une réflexion sur la politique tarifaire ou sur la localisation des salles de concert. Enlever tout ce qui peut faire obstacle, barrières symboliques ou réelles.

 

Mais vouloir désacraliser la musique classique en tant que telle me semble être un malentendu.

Not for Profit : L’éducation à la musique

La « crise de la musique classique », disons-le, c’est avant tout la question de l’éducation au sens de droit à la culture pour tous. Principe de l’école républicaine, celle de la 3e République, s’entend.

 

Car cette mise en question des oeuvres et du patrimoine est symptomatique d’un phénomène plus large qui touche l’enseignement des arts et des humanités dans notre société. Logique de profit appliquée à tous les domaines et qui n’a au fond rien à voir avec l’essence des arts et des humanités. C’est ce que développe la philosophe américaine Martha Nussbaum dans son essai dans son essai Not for profit – Why democracy needs the humanities .

Ce livre défend ardemment la nécessité de la prise de conscience que les sociétés démocratiques qui ne soutiennent pas activement l’éducation des humanités et veulent faire plier l’éducation de la littérature ou de la musique classique à une logique de marché se coupent elles-mêmes les ailes.

 

Dans La musique classique a-t-elle un avenir ? Charles Rosen ne manque pas d’établir un lien direct entre éducation de la musique, baisse de la pratique musicale et décroissance du public.

 

« Si le public de la musique classique ne croît pas assez vite pour que cet art fasse de gros profits – en fait, il n’a jamais vraiment rapporté, ce n’est pas à cause du moindre intérêt pour la musique sérieuse, mais parce que bien moins d’enfants apprennent à jouer du piano. Apprendre la musique par les disques au lieu de la jouer a radicalement transformé notre perception de cet art. »

 

Au-delà d’une réflexion sociologique, c’est donc d’une philosophie de l’éducation, de l’émancipation, de la Bildung au sens de formation des êtres à l’échelle de la société dont la musique classique a besoin.

La musique comme expérience partagée 🌎

Mais, élargissons encore la perspective.
Face à la musique, nous ne sommes pas que des citoyens, nous ne sommes pas que des consommateurs, des gens pauvres ou riches, des bourgeois…nous sommes des êtres humains.

 

La musique classique est un des creusets dans lesquels les hommes s’exercent à façonner leur humanité, à la fortifier et à l’élever. Et c’est là que la musique classique, en dépit de – et justement – par son inactualité apparente, est essentielle.

 

Car elle nous parle et nous met en contact avec l’essentiel : nos filiations, nos héritages. C’est cet effort d’élévation que l’acte interprétatif et performatif est chargé de réactualiser en permanence, dans une action vitale, renouvelée, asymptotique.

 

Et si être un artiste engagé aujourd’hui, c’était développer une réflexion critique et responsable sur les formes du concert classique sans renier son intégrité et sans oublier l’essence de son art ? Cultiver la relation avec les êtres auxquels on s’adresse, faire du concert un moment « sacré », entre humains.

C’est ce qu’exprime le néologisme „reliance“, une notion portée dans un premier temps par le sociologue Marcel Bolle de Bal. Selon son acception première, c’est la „création de liens entre des acteurs sociaux séparés dont l’un au moins est une personne.“

 

Dans ce sens, réfléchir sur la médiation sans systématiquement céder à la tentation d’expliquer et de simplifier pour rendre accessible mais plutôt tenter de préparer les conditions du mystère, celui qui ne se perçoit que dans le silence de l’être et dans la résonance imprévisible et incontrôlable de l’instant éphémère du concert.

 

Plus que vouloir éduquer, il s’agit d’élever – de s’élever ensemble. Dans ses lettres sur la littérature, Walter Benjamin écrit dans Lettres sur la littérature :

« La conscience morale de l’humanité a surtout besoin de nourriture – et non de remède. »

 

Pour paraphraser Benjamin, on pourrait dire qu’il faut puiser dans les oeuvres de musique classique comme dans autant de nourritures spirituelles nécessaires à notre société et qu’elles n’ont pas à tenir lieu de remèdes. C’est, au fond, l’expérience intense de reliance au moment du concert qui constitue le véritable engagement :
expérience partagée avec des « solitudes acceptées » qui permet la connexion à soi et aux autres.

Reliance également de la pratique de chercheur qui crée des ponts et des liens à travers les époques et les cultures. Reliance, une notion si porteuse…
Comme le disait Edgar Morin dans un entretien avec Marcel Bolle de Bal,
« cette notion, j’en avais besoin ! »

 

Et bien, moi aussi !

 

Et Vendredi dernier, en jouant « a cappella » dans un théâtre devant 300 entrepreneurs , j’ai eu la preuve que la musique classique n’avait pas à s’excuser. Que l’acte de communion autour d’une prise de parole sonore qui vise à toucher l’âme a sa place et sa fonction profonde, primordiale. 🔥

 

Et qu’elle vise à du divertissement au sens le plus léger ou à un divertissement existentiel au sens pascalien du terme, en étant plus « sérieuse » et savante, la musique classique a une fonction essentielle dans notre « être-au-monde » et reste, dans notre société, une possibilité magique d’établir un lien mystérieux au-delà des mots.

 

Alors… vive la musique et la magie de l’expérience partagée !

 

🎬

 

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#13 – La discothèque idéale

#13 - La discothèque idéale
une histoire d’idoles, de bibliothérapie, et de… cassettes-audio ! 🐮📚🎤

Avant de commencer,
📷 Petit rappel
*** 1er stage sur Paris : Gestion du trac au service de l’expression sur scène ***

les 19 et 20 Janvier ainsi que les 26 et 27 Janvier 2019 de 10h à 13h.
Pour ceux qui ne seraient pas libres à ces dates, un atelier unique le Samedi 2 Février 2019 de 14h30 à 17h30.
Nombre limité de places
Date d’inscription: jusqu’au 31 Décembre 2018.
Toutes les infos, conditions et contact ici : http://ateliersviolon-marinachiche.strikingly.com
***

✍️Cette semaine j’aimerais d’abord partager avec vous une interview que j’ai donnée pour le site Akadem. C’était l’excellent Frédéric Hutman qui menait l’entretien.

C’est toujours un plaisir de parler avec lui car en plus d’être quelque de très bienveillant, Frédéric, avocat de profession, est un mélomane exceptionnel. Il a une connaissance infinie sur les grandes interprétations et sur les gravures discographiques. Ce dont nous adorons parler…

Et d’ailleurs, cela n’a pas manqué. Lors de cet entretien, nous avons parlé, entre autres, de mes idoles violonistiques et nous avons forcément évoqué the one and only, le grand Jascha Heifetz.

Suite à cette interview, je me suis dit qu’il était temps que je vous parle de Jascha H. et de ses disques qui ont tant compté pour moi. En effet, Heifetz, c’est un peu mon idole…absolue. Ceux qui me connaissent le savent…c’est celui auquel je ne peux renoncer, celui auquel je reviens encore et toujours. 💘

La fréquentation de ses disques a littéralement alimenté ma formation musicale et violonistique, elle a déterminé mon imaginaire sonore. Dans ma discothèque idéale, il est omniprésent.

L’objet-disque 💽

J’aimerais aussi vous parler de l’objet-disque. A l’ère du tout digital, cela peut sembler extrêmement « rétro » voire à contre-courant.

 

Pourtant, n’en croyez rien ! Cela n’est pas contradictoire.

 

Sans être une geek (mais alors, vraiment pas !), je suis fascinée par les nouvelles technologies et ce qu’elles apportent au monde de la musique classique. Evidemment j’écoute la plupart du temps des MP3 et de la musique en streaming.
Et en ce moment, cela bouillonne du côté des App musicales, dont certaines avec un potentiel pédagogique incroyable ! Je vous en reparlerai très bientôt d’ailleurs #NomadPlay

 

Pour autant, la découverte de certaines œuvres et de certaines interprétations reste à tout jamais pour moi liée à certains objets : un CD voire même une cassette-audio (si si, je vous assure !) avec une couverture bien particulière.

 

J’en ai usée des cassettes…j’ai même rayé des CDs !

De la bibliothérapie à la discothérapie

En littérature, j’aime beaucoup le concept de bibliothérapie que développe Marc-Alain Ouaknin dans son livre éponyme (M-A. Ouaknin dont je parle d’ailleurs dans l’interview pour Akadem).
L’idée-phare de ce livre, c’est que la lecture a des vertus thérapeutiques, dans la mesure où elle remet l’âme en mouvement quand on trouve le bon livre au bon moment.

 

On est au niveau de la « Seelenbehandlung » dont parle Freud au début de la psychanalyse…littéralement le traitement de l’âme !

 

👉Je vous recommande chaleureusement ce merveilleux livre (mise en abîme du concept – j’ai lu ce livre au bon moment!)

 

Lire, c’est guérir ! J’ai l’intime conviction qu’il en est de même avec les disques.

Écouter le bon disque au bon moment… quelle bénédiction !

 

Bien sûr, on parle souvent de musicothérapie. Ce terme générique fait souvent référence à l’effet de la musique au sens large. Il existe par exemple des études en milieu hospitalier sur l’impact positif dans le processus de guérison de certains patients.
Fantastique !

 

Mais j’aimerais y ajouter ici la précision que ce n’est pas seulement l’œuvre musicale qui produit cet effet, ni l’onde musicale en général mais précisément cette interprétation gravée avec une certaine prise de son et que l’on peut écouter dans un moment d’intimité, un moment choisi – hors d’une salle de concert.
Une dégustation musicale, à répétition parfois.

 

On pourrait ainsi dire qu’il s’agit alors de On pourrait ainsi dire qu’il s’agit alors de discothérapie !

 

Et oui, cela peut sembler sacrilège de donner tant d’importance aux interprétations et aux interprètes.
Car pour moi, la hiérarchie est claire : les Dieux sont les compositeurs et les interprètes, leurs (plus ou moins) humbles serviteurs.

 

Aren’t they the champions (too) ? 🏆

 

Mais ne peut-on pas concéder dans cette hiérarchie « cosmogonique » que c’est par la médiation de l’interprète que le mélomane reçoit l’œuvre, que ce soit au concert ou au disque d’ailleurs ?

Peut-on vraiment dissocier l’interprète – de l’œuvre qu’il joue et évaluer distinctement la réception de l’un et de l’autre ?

 

De plus, comment ne pas être saisi d’admiration pour des interprètes qui arrivent à porter des œuvres à leur maximum et peut-être parfois au-delà d’elles-mêmes ?
On dit d’ailleurs d’un interprète qui « porte » une pièce, qu’il la « défend », qu’il en fait son « cheval de bataille » ! 🐎

 

En anglais, on dit même « to champion a Concerto ».
Et c’est cette sensation que laissent les « grands » interprètes-virtuoses (au sens littéral, de vertu et de « bravoure » !)
Heifetz est incontestablement le champion de nombreuses oeuvres dont la sonate de Strauss ou du concerto de Korngold. 

Je vous en reparle plus tard.

Les disques-révélations !

Revenons encore au livre Bibliothérapie de Ouaknin.
En exergue, Ouaknin cite Vernon Proxton. Avant-propos à Fynn, Anna et Mister God, Éd. du Seuil, 1976, p.7.



Lisez-donc ! 🤓

 

« Il y a de bons livres, des livres quelconques et de mauvais livres. Parmi les bons, il y en a d’honnêtes, d’inspirants, d’émouvants, de prophétiques, d’édifiants. Mais dans mon langage il y en a d’une autre catégorie, celle des livres-ha !

 

Les livres-ha! sont ceux qui déterminent, dans la conscience du lecteur, un changement profond. Ils dilatent la sensibilité d’une manière telle qu’il se met à regarder les objets les plus familiers comme s’il les observait pour la première fois.

 

Les livres-ha! galvanisent. Ils atteignent le centre nerveux de l’être, et le lecteur en reçoit un choc presque physique. Un frisson d’excitation le parcourt de la tête aux pieds. »

 

Et bien, pour moi, il y a bien eu des « disques-ha! »
Des disques que l’on écoute et dont on « ressort » galvanisé, prêt à grimper l’Everest pieds nus (ou presque…).

 

Il y a aussi eu les disques qui ont – en plus de leur rôle d’objets-fétiches, ont constitué une forme d’attache émotionnelle. Lors de mon départ de Marseille à Paris à l’âge de 16 ans et demi, ils ont sans doute constitué un point d’ancrage.

 

Sur les murs de mon studio d’étudiante, j’avais d’ailleurs affiché, au milieu des Unes de foot l’Équipe et des posters de joueurs de l’équipe de France 98, de nombreux posters d’Heifetz et ses disques occupaient une place essentielle dans mon petit espace.

 

Au delà du côté thérapeutique de ces écoutes, il y a eu pour moi indéniablement un côté pédagogique.

 

To listen or not to listen !

 

C’est Jean Ter Merguerian, mon professeur à Marseille qui m’a introduite aux enregistrements d’Heifetz (et d’Oistrakh aussi !!).

Avant, c’était Perlman que nous écoutions à la maison, et Ivry Gitlis aussi. Violonistes que j’ai continué d’adorer.

 

Ivry…of course !

 

La découverte d’Heifetz pour moi a marqué un avant et un après.
Et à cette époque, je me suis mise à l’écouter, jour et nuit.

Qui était Heifetz ?

Né en 1901 (même plusieurs sources disent qu’il se serait rajeuni de deux ans !), élève du grand pédagogue russe d’origine hongroise Léopold Auer, il a démarré comme enfant prodige en Lituanie puis en Russie.
Prodige…une « maladie » dont il a « survécu » dit-il. En 1917 il fuit la Russie lors de la révolution bolchévique…puis il s’installe aux Etats-Unis.
…une « maladie » dont il a « survécu » dit-il. En 1917 il fuit la Russie lors de la révolution bolchévique…puis il s’installe aux Etats-Unis.
Je vous laisse chercher pour la suite!

 

Pour résumer l’importance d’Heifetz dans la planète-violon, on a souvent dit :
, on a souvent dit :
There are violinists and there is Heifetz
Il y a des violonistes et puis, il y a Heifetz.

Souvent on l’a accusé à tort de froideur, probablement car il affichait un visage imperturbable et ne bougeait pas d’un demi-centimètre en jouant.

Moi ce que j’y ai trouvé, entre autres, c’est une incandescence sonore incomparable, un tranchant sidérant dans ces interprétations combiné avec un charme fou.

Bien sûr, il y a aussi son intransigeance dans les choix de tempo par exemple qui le rend si moderne par rapport à d’autres interprètes de son époque. Et oui, il en « impose » à l’orchestre, quitte à être (légèrement ou vraiment) « devant ».

Quelle équipe avec Toscanini !!

Ce que l’on tend à ne pas assez souligner, c’est que Heifetz était un musicien complet, au sens le plus large du terme. Génial arrangeur, il jouait magnifiquement du piano, s’y connaissait en jazz et composait des chansons !

En fait, le malentendu sur sa personnalité musicale, que l’on a qualifiée de froide, réside aussi selon moi dans le fait que son style est un savant mélange de pudeur et d’audaceLa classe ! 😎

Et puis il faut mentionner son humour pince-sans-rire avec ses airs de Buster Keaton.

Ressemblant, non ?

Comment douter du sens de la dérision de cet homme quand on regarde cette vidéo ?
Heifetz y fait une parodie, imitation caricaturale mettant en scène une série de défauts d’élèves, communément répandus.

La Jascha-mania : c’est grave ? 😱

 

Vous comprenez bien que ma Jascha-mania me rend intarissable sur le sujet.
D’ailleurs, si un jour nous nous croisons, ne me lancez pas là-dessus !
Vous pourriez le regretter ! 😅

 

D’ailleurs dans ma phase de consommation à haute dose, j’ai rendu folle certains de mes professeurs. Notamment Gérard Poulet lors de ma première année d’études au CNSMDP qui m’accusait de jouer « trop vite » et de faire trop de « glissades ». Vous savez, cette manière de relier deux notes en modulant l’expressivité du chemin de l’intervalle.
Il est vrai que je relevais chacune des glissades que le grand Jascha faisait.

 

Il faut dire que certaines glissades d’Heifetz sont à tomber parterre.
Tout un art !

Alors, oui. A trop écouter un interprète, il y a un risque certain de mimétisme.
Comment construire une interprétation si on pense que l’ultime a déjà eu lieu ? Cela voudrait dire que la pièce est figée à jamais. Or (espérons!), il n’en est rien.
En tout cas, c’est le rôle de l’interprète de remettre l’œuvre en mouvement, de la faire parler à neuf à chaque fois, de la « relire ».
Mais dans le cas d’Heifetz, quelle source d’inspiration !

La force de l’exemple

D’ailleurs dans les beaux-arts, les artistes apprentis commencent par imiter, par reproduire. Faut-il parler du jazz ? Il en va de même dans le yoga ou d’autres disciplines d’ailleurs.
Alors, certes, il peut y avoir une fixation obsessionnelle, adolescente. Il faut à un moment s’émanciper.
Mais qui n’a pas besoin de modèles, de figures sur lesquelles on cristallise et dont on s’inspire ?

 

Comment ne pas vouloir transposer cette phrase de Ruskin citée par Proust dans Sur la lecture :

 

« La lecture est exactement une conversation avec des hommes beaucoup plus sages et plus intéressants que ceux que nous pouvons avoir l’occasion de connaître autour de nous ».

 

Et bien, écouter Heifetz…c’est… 😉 (je vous laisse poursuivre)

Jardin secret, imaginaire…et retour à Ithaque

Là encore, comme avec la lecture, c’est ainsi que l’on développe un savoir parfois non conscientisé. On développe son goût, on cultive son imaginaire dans « un rendez-vous privé avec un autre monde ».

 

Finalement après une longue phase de sevrage où je me suis interdit d’écouter Heifetz, je me suis autorisée à le réécouter à doses homéopathiques. Non sans inquiétude.

 

Car j’avais peur de ne pas y retrouver ce que j’y avais tant aimé. Et effectivement, j’ai éprouvé un certain malaise lors des premières ré-écoutes. Déception presque car je n’y trouvais plus les mêmes choses. Un peu quand on revisite après de longues années une ville que l’on a adorée.

 

Ce que dit magnifiquement la conclusion du merveilleux poème Ithaque de Cavafy (traduction de la merveilleuse Marguerite Yourcenar) :

 

“Ithaque t’a donné le beau voyage :
sans elle, tu ne te serais pas mis en route.
Elle n’a plus rien d’autre à te donner.
Même si tu la trouves pauvre, Ithaque ne t’a pas trompé.
Sage comme tu l’es devenu à la suite de tant d’expériences,
tu as enfin compris ce que signifient les Ithaques.”

 

Et enfin, je me suis retrouvée à adorer à nouveau ses interprétations. Mais sans doute pour d’autres raisons.

Des disques-pépites ! 👑

Avant de clore le sujet (pour cette fois), laissez moi partager avec vous quelques Cds et documents que j’adore par dessus tout for sentimental reasons.

#1- CD des miniatures ou “petites pièces”

 

 

Ce disque présentait une sélection de pièces de genre et transcriptions savoureuses. Je l’écoutais probablement tous les jours pendant ma première année d’études à Vienne après le CNSMDP et j’en connaissais l’ordre des pièces par coeur. A trop l’écouter, j’ai réussi à rayer le CD !!
par exemple,

#2- CD Concerto de Castelnuovo-Tedesco I Profeti

 

 

Là il s’agit d’un coup de cœur. Je l’ai longtemps écouté sur une K7 à Marseille !


Castelnuovo-tedesco était un compositeur dont je connaissais la musique pour guitare car ma sœur est guitariste (le Concerto et la Sonate en particulier -sont magnifiques !).

 

Castelnuovo-Tedesco fut un exilé de l’Italie antisémite de Mussolini en 1939. Il s’est installé à Hollywood où il a écrit de la musique de film.
Ce concerto « I Profeti », qui sonne bien comme de la musique de film d’ailleurs, a été écrit pour Heifetz en 1933. Ne dirait-on pas la musique de Ben-Hur ou autre péplum ? 💘

 

Et sur la K7 que j’avais, il y avait une merveille absolue, d’un autre compositeur exilé à Hollywood : le concerto de Korngold

#3 La Sonate de Franck avec Rubinstein 

que j’ai écoutée quotidiennement tout un été en lisant de la littérature française. Une vraie madeleine de Proust…La K7 y est restée 😅

#4 CD- Trios de Mendelssohn (op.69) et de Tchaikovsky

 

 

Et bien sûr, impossible de ne pas parler également du film autour du « one-million-dollar trio » composé de Heifetz au violon, du pianiste Arthur Rubinstein et du violoncelliste Gregor Piatigorski.

#5 Mais impossible de ne pas vous faire entendre la Sonate de Strauss :

Cette sonate portera pourtant malheur à Heifetz car quand il ira la jouer en Israël en 1953, il échappera à une tentative d’assassinat commise par un extrémiste juif.

Richard Strauss était un compositeur soupçonné de sympathies avec le nazisme et “banni” en Israël.

Heifetz avait refusé de céder à l’interdiction et décida de le jouer quand même. Il en ressortira avec une grave blessure à l’épaule…

Allez, un bonus !

 

Le 2e concerto de Prokofieff (le 2e mouvement : joyau des joyaux !)

Ah mais je ne peux pas ne pas mentionner la Fantaisie écossaise de Bruch.

En fait, vous l’aurez compris…je pourrais parler des heures d’Heifetz (et d’autres violonistes ! Si, il y a en quelques autres !) de mon panthéon personnel. Je reprendrai le sujet, c’est inévitable !

 

Pour l’instant je vous laisse déguster !
Et n’oubliez pas : Bibliothérapie de Marc-Alain Ouaknin d’où sont extraites la plupart des citations que j’ai mentionnées.

Et vous, Heifetz, vous pratiquez ?
Qui a-t’il dans votre discothèque idéale ?

🎬

 

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#12 – Carnets de voyage (2ème partie)

#12 - Carnets de voyage (2ème partie)
Une histoire de jeu de société, d’ivoire et de …kebab ! 🤖🐘🍖

Cette semaine je reprends le chapitre « voyages des musiciens ».

 

Souvenez vous la semaine dernière, je vous avais parlé de la musique comme soft-power et objet de diplomatie culturelle. Je vous avais aussi parlé de l’obtention du visa, procédure parfois périlleuse.

 

En espérant avoir eu un réveil qui fonctionnait et un trajet sans entrave, nous étions sur le point d’arriver à l’aéroport.

 

Reprenons notre périple !

 

En y réfléchissant je me suis dit que cette succession d’étapes que le musicien traverse à l’aéroport ressemblait à un jeu de société, un escape-game ou encore mieux, à un livre-jeu dans la série « Livre dont vous êtes le héros ».

 

 

En effet le passage à l’aéroport pour un musicien correspond à une série de choix et de rencontres qui font que ce moment va être agréable voire même un moment de traitement privilégié ou bien, un pur désastre.

 

Imaginez un instant !

 

Dans ce jeu, vous disposez de cartes, de bonus ou de handicaps et d’items qui peuvent selon les cas soit bloquer votre avancée soit vous faire sauter des cases et vous servir de bonus (avancer plus vite, obtenir un surclassement). Un peu comme un capital de “points” de vie et d’un équipement.

 

🎯Le but étant d’arriver à l’heure avec votre instrument en bon état et avec le moral.

C’est parti !

 

Épreuve #1 : l’arrivée à l’aéroport

BONUS
.Vous trouvez un bon café Latte – hors de prix (+)

.Vous croisez un ami musicien que vous ne voyez jamais ! (++)
Vous êtes sur le même vol. (+++ : …à part si vous avez terriblement besoin de dormir /travailler)

 

. Vous enregistrez votre bagage en soute sans oublier de prendre vos partitions, votre ordinateur avec chargeur etc… (+)

Épreuve #2 : le passage du contrôle sécurité

🍭vous êtes en possession d’un ITEM à double effet : par ex. la boîte de violon

 

+ agent de la sécurité mélomane et connaisseur !! (+20 points / statistiquement assez rare)

 

– agent de sécurité indifférent ou terrifié par une boîte à violon (-5 à -100 points)
Retard estimé : entre 15 minutes et plusieurs heures (aéroport de Tel Aviv)

 

Il faut dire que la boîte de violon semble être dans l’inconscient collectif un objet de fantasme. On imagine qu’y sont cachés soit des billets soit des armes.

 

Regardez plutôt !

une boîte remplie de billets ou bien une arme !

 

Bien sûr, n’allez pas dire cela à voix haute sous forme de boutade au risque de finir à la case « prison ». 😱

 

Souvent il faut aussi veiller à ce que la boîte ne soit pas maltraitée, posée à l’envers.
Et on jette toujours un œil inquiet pour quelques secondes ou minutes. Le temps de passer soi-même sous le portique, détecteur à métaux, et si quelqu’un partait avec la boîte ?

🃏JOKER capital sympathie (+10 points) : votre boîte de violon est rose !

 

 

Oui, c’est ma boîte de violon. Je l’ai customisée avec du vernis à ongles !

Handicap 1 (-10 points) : vous transportez une sourdine en plomb

 

C’est une chose à laquelle je n’échappe quasiment jamais : ouvrir ma boîte pour montrer ma sourdine en plomb.

 

Vous savez, la sourdine d’hôtel, c’est cet objet que l’on pose sur le chevalet, le petit pont. Ainsi les vibrations sont absorbées et le violon ne résonne plus autant. Ceci permet aux violonistes studieux et/ou pressés, obligés de travailler tard dans leur chambre d’hôtel ou respectueux de leurs pauvres voisins de travailler.

 

Cela peut aussi s’utiliser pour soulager les oreilles, quand les tympans sont saturés dans une salle à l’acoustique trop résonnante.

Handicap (-5 points) : le métronome électronique

 

Un petit boîtier électronique qui éveille des soupçons, alors que dans le meilleur des cas, il ne peut que provoquer un meilleur sens du rythme.

 

Handicap (de -10 à -500 points) : les cordes.
Lisez plutôt !

 

 

Souvent nous transportons un jeu de cordes de rechange bien nécessaire, mais les cordes semblent faire peur aux agents de sécurité…Allez savoir ce qu’un musicien enragé pourrait décider de faire avec !

 

Handicap (-5 points): un coupe-ongle

Épreuve #3: L’embarquement

BONUS
.Vous avez une carte de voyageur fréquent GOLD ou autre.
Ainsi vous avez accès au lounge et vous coupez la queue à l’embarquement.

 

.Si vous ne disposez pas d’une carte de grands voyageurs assez performante, vous rencontrez un collègue ayant une gold card qui vous fait rentrer avec lui/elle.

 

BONUS ++
.Vous expliquez au comptoir que vous allez jouer des concerts importants, dès votre arrivée.
On vous accorde un surclassement. (+1000 points / statistique… très faible)

 

🔔Politique des compagnies aériennes

 

(0) vous n’avez droit qu’à un bagage à main.
(+ 5 points) Vous faites un séjour-éclair, vous mettez vos sous-vêtements dans votre boîte à violon.

 

(-20 points) vous payez un supplément et devez enregistrer en soute votre sac à main (en pensant à retirer clés, argent…)

 

Ryanair : vous boycottez. sinon, GAME OVER 💀
Idem avec Vueling apparemment

 

Auquel cas, vous finissez dans les journaux :
Parce que

1. (-500 points) On vous force à mettre votre violon dans un sac plastique ou à voyager avec l’instrument sans protection😱

 

 

2. On veut vous forcer à mettre en soute votre violon
a. vous avez gain de cause

 

b. impossible de ramener les personnes de la compagnie aérienne à la raison
(-10 000 points)

 

Vous êtes obligé.e de dormir sur le sol à l’aéroport parce qu’on veut mettre votre violon (un Del gesu de $20 M) en soute 😱

 

 

Bon, si votre ITEM de départ est un violoncelle, vous êtes au niveau SUPER avancé.

Multipliez par 100 les chances de galère.
Vous aurez de toute façon dû acheter un deuxième billet.
Vous avez intérêt à être le premier à embarquer.
Mais va t’on vous demander la carte d’identité de l’instrument? Va t’on savoir l’attacher correctement 

 

En tout cas, peu de chances pour qu’on vous donne un deuxième plateau-repas pour Mr CELLO …(même si vous avez bien payé deux billets)

Epreuve #4 : le vol en avion

BONUS ++
l’hôtesse de l’air à l’entrée de l’appareil vous reconnaît et on vous invite à assister à l’atterrissage depuis le cockpit
(Véridique ! Cela m’est arrivé sur un vol Paris-Florence. Une expérience magique😍)

Handicap (-1000 points):
.Vous êtes « avionophobe » et vous vous accrochez au bras de votre voisin au décollage, à la moindre turbulence et à l’atterrissage.

Certains collègues ont une vraie phobie des vols en avion. Ceci n’est pas spécifique à notre profession.

Les amateurs de football se souviennent sans doute de Dennis Berkamp que l’on surnommait d’un surnom bien musical d’ailleurs : le « Non-flying Dutchman »
Bergkamp faisait tous ses déplacements en train ou en voiture, quitte à risquer d’arriver en retard.

 

 

🂡 carte aggravante
Vous avez la mauvaise idée de relire avant de partir l’histoire tragique des violonistes Ginette Neveu et Jacques Thibaud, tous les deux décédés dans des crashs d’avion.

Ginette Neveu était dans le même avion que le boxeur Marcel Cerdan en 1949, vol Paris-New York.

 

Ginette Neveu, son frère et le boxeur Marcel Cerdan

Pour Jacques Thibaud, il s’agissait d’un Paris-Saigon.

 

 

Vous comprenez que l’histoire du violon français s’est jouée sur des crashs en avion ! #statistique 😱

BONUS
+ Vous êtes épuisé.e du concert de la veille, vous dormez du début à la fin
+ vous faites du travail mental sur partition en profitant de la lucidité particulière du fait d’être dans les airs
– tant que le wifi n’est pas encore totalement généralisé

– Vous bataillez avec votre voisin de siège pour poser votre avant-bras sur l’accoudoir.

Epreuve #5 : Arrivée à destination

  • Bagages

Vos bagages ont été perdus (-500 points)
Vous finirez certainement en short sur scène

L’immense pianiste Boris Berezovsky…avec Dimitri Makhtin et Henri Demarquette


  • Douanes

Vous êtes dans un pays hors de l’espace Schengen : il va falloir déclarer votre instrument. Vous avez intérêt à avoir vos « papiers » à jour…pour votre instrument aussi, bien sûr !


Vous tombez sur :

    • – un agent de douanes non mélomane

Il ne comprend pas pourquoi un instrument si ancien coûte si cher. Il faut expliquer que oui, c’est normal. Votre violon est « vieux » … donc il est cher. Ce n’est pas comme une voiture, le ratio est souvent inversement proportionnel.

    • – un agent trop mélomane :

Il veut jouer votre instrument. Vous déclinez poliment…en espérant ne pas finir à la case « prison »


    • + des agents non-mélomanes mais curieux :

Ils ne comprennent pas pourquoi un instrument si ancien est si cher. Ils vous demandent de jouer pour voir s’il sonne bien. Vous vous exécutez en espérant les convaincre.


Je me suis ainsi retrouvée à jouer à mon arrivée à Bakou, dans les bureaux de la douane. Tel Orphée qui essaie, avec sa lyre, d’endormir le chien Cerbère, gardien de la porte des Enfers… 🎶


Heureusement ils ont trouvé que le violon sonnait vraiment bien.😅 Ils m’ont laissé passer après avoir émis les papiers administratifs qui me permettraient de ressortir du pays. (ce qui peut être utile !)😌


‼ Attention : niveau avancé


Vous voyagez aux US entre autres
« Ivory ban » et plus !


. Vous avez des instruments et archets qui ont un peu d’ivoire dessus ou qui sont en pernambouc (ou bois-brésil. Un bois très précieux dont la production est maintenant strictement réglementée )


 

Ces réglementations sévères ont d’ailleurs amené les musiciens du Berliner Philharmoniker à partir, lors de leur tournée aux USA, équipés d’autres archets; des archets en carbone.


‼️ Attention: âmes sensibles s’abstenir
risque de destruction 😱


(-100000 points) Ne laissez pas des agents de la sécurité manipuler vos instruments !
Le violoncelliste allemand Alban Gerhardt en a fait les frais.

 


 

Alternative :

 

++ Vous avez anticipé et vous décidez de voyager sans votre instrument.


Vous vous faites prêter un instrument sur place.

 

Je l’ai fait en Mars dernier lors de mon voyage à Eugene, Oregon University.


Très libérateur…par contre, stress différé sur scène car je ne disposais que d’un temps minimal d’adaptation à l’instrument nouveau pour moi.


(un peu comme les pianistes au fond !)

 

  • Accueil

(0) il n’y a personne pour vous accueillir. Vous vous mettez en chemin.
(-50 points) il n’y a personne + vous devez encore faire une connexion vers une liaison ferroviaire et vous trainez votre valise.
(+100 points) vous êtes accueilli.e avec une pancarte.


On vous propose de porter…votre instrument (hors de question !)
On ne vous propose pas de porter votre valise (C’eut été avec joie !) 😉


BONUS inclassable
La modification de votre nom !


😁Lors de ma venue au Festival d’Istanbul, mon collègue pianiste Emir Gamsiz avait réussi à convaincre la personne du festival qui venait m’accueillir à l’aéroport que mon nom complet était : Marina Chiche Kebab !

Heureusement le vol n’avait que quarante minutes de retard. A cinq minutes près, j’aurais eu droit à une annonce dans les hauts-parleurs de l’aéroport ! 😅


—-


Bon, MISSION ACCOMPLIE ! 👏
Vous êtes sorti.e de l’aéroport !


Sachant que,
« Quand les routes se terminent, l’autre voyage commence. »


Et ne me lancez pas sur les histoires de jetlag ou d’hôtels…


✍️


Vous l’aurez compris.
C’est une relation d’amour-haine que celle des musiciens avec les aéroports, ou du moins un sentiment d’ambivalence.


Alors, je vous l’ai dit, j’adore aller au Japon, voyager avec mon violon… c’est une manière extraordinaire de découvrir le monde.


Il y a des jours où l’épreuve est simple. Avec l’expérience on l’apprivoise en développant des rituels. Aller prendre l’avion peut devenir aussi banal ou automatique que d’aller prendre le métro ou le RER
Cela peut même avoir un côté ludique et amène de jolies rencontres !


🤔Pourtant il y a deux vrais « bémols » :


Beaucoup de musiciens professionnels expriment (en privé) une fatigue réelle, une lassitude de cette manière de voyager. Ni tourisme, ni voyage – on se déplace comme des hommes d’affaires. A une certaine fréquence, gare au burn-out.
Tous les aéroports sont les mêmes, tous les hôtels aussi, toutes les salles de concert…

Et puis, il y a la question écologique et de l’empreinte carbone que j’ai déjà évoquée dans mon dernier article
Faut-il vraiment aller au bout du monde, plusieurs fois par an ?


Évidemment il est merveilleux que les grands artistes et orchestres amènent leur musique aux quatre coins du monde, inspirent des générations de musiciens et ravissent les mélomanes.


Pourtant à l’heure de la diffusion sur le net et de la globalisation, l’exposition peut se faire sur des supports extraordinaires d’un point de vue technologique comme le Digital Concert Hall.


Donc à quel rythme doivent se déplacer les musiciens ?


A propos de « non-flying Dutchman », laissez moi vous parler du fantastique et fantasque bassoniste Braam van Sambeek qui a pris une décision radicale par rapport à l’empreinte carbone. Braam a décidé de ne plus se déplacer en avion et d’annuler ainsi tout déplacement transatlantique. Impressionnant !
Dur de s’y tenir !


L’utopie du Slow musician !
!
I had a dream…


Cela m’amène à développer une utopie.
Vous connaissez sans doute le concept de Cela m’amène à développer une utopie.
Vous connaissez sans doute le concept de Slow food ?


Au début des années 80 un groupe de gourmets piémontais porte un nouveau regard sur l’alimentation, l’agriculture et la gastronomie. Le slow food s’oppose au fast-food.


Que donnerait le concept de slow food décliné à la musique ?
A quoi ressemblerait un Slow Musician ?


Quelqu’un qui laisserait ses « produits » mûrir avec le temps, qui « ralentirait », qui aurait le temps de répéter à loisir en amont des concerts, qui jouerait principalement dans les alentours et interagirait dans son environnement proche ?
Au fond, pourquoi ne pas jouer plus souvent à domicile ?


Et si le slow musician pratiquait le slow travel ?
Par exemple il se déplacerait mais éviterait les allers-retours trop rapides. Il resterait en résidence, approfondiraient les liens avec les communautés sur place. Il se fondrait dans une expérience d’altérité. Au-delà de masterclasses rapides, il aurait accès à un échange interculturel profond ; celui qui a lieu souvent dans des moments inattendus, dans la durée. Ainsi il aurait le temps de respirer, d’inspirer et de se laisser inspirer par le lieu…


Je vous laisse méditer !


🎬


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Stage sur Paris – début 2019

*** 1er stage sur Paris :
Gestion du trac au service de l’expression sur scène ***

Bonjour !

J’ai le plaisir de vous annoncer la tenue de mon premier stage de violon sur Paris.

Le stage se déroulera les 19 et 20 Janvierainsi que les 26 et 27 Janvier 2019de 10h à 13h.

Les ateliers s’adressent,en priorité à des élèves, étudiants et jeunes professionnels en préparation d’examens, concours ou auditions d’orchestre.

Ce travail s’inscrit en parallèle avec un enseignement plus spécifique de violon. Par des techniques de coaching et de mises en situation, je souhaite amener les élèves à créer une relation positive avec la scène et exprimer tout leur potentiel lors de situations d’examens, de concours ou d’auditions.

Pour ceux qui ne seraient pas libres à ces dates, un atelier unique leSamedi 2 Février 2019 de 14h30 à 17h30.

Attention : nombre de places limité !
Date d’inscription: 31 Décembre 2018.

Toutes les infos et contact ici

Merci de diffuser l’information auprès des personnes que cela pourrait intéresser!

Hâte de partager mon expérience !