#11 – Carnets de voyage (1ère partie)

#11 - Carnets de voyage (1ère partie)
ou une histoire de « soft-power », d’empreinte carbone et de… bas de contention ! ✈️😱

Cette semaine j’aimerais commencer à vous parler des voyages en tant que musicien.

Encore une fois, je prends la balle au bond.

 

Récemment dans un après-concert, un membre du public me disait à quel point cela devait être merveilleux de constamment voyager, de prendre l’avion et de parcourir le monde.

J’ai bien sûr acquiescé car j’adore voyager et je me considère comme une globetrotteur très chanceuse. 

 

J’ai eu la chance d’aller jouer :

  • en Russie
  • en Ukraine, avant la guerre (périple mémorable en train de nuit),
  • aux Etats-Unis (de la Floride à l’extrême Ouest de l’Oregon)
  • en Angleterre (de Londres et Leicester en passant par la sublime lumière de la Cornouailles)
  • en Allemagne (où j’ai aussi vécu pendant sept ans)
  • en Belgique
  • au Danemark
  • au Pays-Bas
  • en Suisse
  • en Autriche
  • en Hongrie
  • en Italie
  • en Espagne
  • en Grèce
  • en Pologne
  • en Suède
  • au Luxembourg
  • à Monaco
  • en Slovaquie
  • en République tchèque
  • en Roumanie
  • en Macédoine
  • au Mexique
  • au Japon
  • en Chine
  • à Taiwan
  • en Corée du Sud
  • au Maroc
  • en Israël
  • à Cuba
  • en Estonie
  • en Lettonie
  • en Turquie
  • en Albanie

Mais au fond de moi, j’ai aussi ri jaune en pensant au réveil hyper matinal qui m’attendait le lendemain, au fait qu’il fallait que je fasse encore ma valise et que je n’en pouvais plus de passer les contrôles de sécurité…

 

Vous savez…
enlever ses chaussures, remettre ses chaussures
défaire sa ceinture, remettre sa ceinture,
se rendre compte qu’on a oublié de mettre son shampoing ou son parfum hors de prix de 125 mL dans la valise enregistrée en soute…(oui, 100 mL c’est la limite !)

 

Toutes ces réjouissances auxquelles on ne peut pas couper.

Alors, une fois rentrée à l’hôtel, j’ai commencé à m’interroger sur les voyages chez les musiciens classiques de manière plus générale. 

Et j’ai vu s’ouvrir un sujet bien vaste… 

MUSICIEN – PROFESSION MOBILE !

Il est vrai qu’on associe souvent le musicien classique au voyage. 

 

Dans l’histoire de la musique, nombreux sont les compositeurs qui ont sillonné différents pays (Haendel, Mozart, Liszt, Saint-Saens, Stravinsky, Rachmaninoff). C’est d’ailleurs cette année la thématique choisie pour la Folle Journée de Nantes. 

Pour les interprètes, si je caricature, dans l’imaginaire collectif, c’est :

  • soit une vision romantique du Wanderer (instrument en bandoulière sillonnant le monde et les salles de concert) 
  • soit une vision …Bling bling de vie de jetset – vols en business systématiquement ou, pardon! – en jet privé.

Bon…

il est vrai que ça peut arriver. 😎😉
Parfois…
Mais scoop !
à part pour quelques collègues-stars, je pense pouvoir affirmer que ce n’est pas vraiment la norme 😉
La réalité est toute autre.
Au risque de décevoir certains voire d’en décourager d’autres !

Voyage, tourisme... ou autre chose ?

L’expérience du voyage que fait le musicien classique professionnel de nos jours est pour le moins étonnante…voire problématique.

 

Étonnante car peut on parler de voyage quand le temps du séjour et du déplacement sont incroyablement courts ? 

 

Il m’est arrivé de faire un aller-retour de 24 heures en Géorgie. Juste le temps de faire un récital dans la magnifique salle du Conservatoire de Tbilissi. 

Certes, j’ai obtenu un tampon de la Géorgie sur mon passeport et je garde un souvenir incroyablement intense de ce court séjour. 

Mmm, la gastronomie géorgienne, sauce aux noix … et une histoire rocambolesque dans ma chambre d’hôtel avec coupure de courant juste avant d’aller me coucher 😱 

Mais est-ce voyager ?
Le ratio temps passé à l’aéroport, temps de vol et temps sur place fait pâlir.

Evidemment il fut un temps où les musiciens pouvaient apprendre un concerto pendant un voyage transatlantique en bateau. 🛥

C’est ce que racontait le violoniste argentin Alberto Lysy.

 

Il apprit ainsi sur le bateau qui le menait d’Argentine en Europe le Concerto de Dvorak qu’il joua à son arrivée à la finale du Concours de la Reine Elisabeth de Belgique. 

(document audio ici)

 

Impensable de nos jours !

Si ce n’est pas vraiment du voyage, ce n’est pas non plus du tourisme. 

En effet on associe la notion d’agrément au tourisme. On voyagerait « pour le plaisir ». 

Certes, on peut avoir beaucoup de plaisir à voyager en tant que musicien 

C’est mon cas , j’adore particulièrement aller au Japon ! 🇯🇵

 

Pour autant, il est rare d’avoir le temps sur place de visiter, on est en « mission ».

Situation mixte…
on pourrait dire que les musiciens sont « en déplacement » quand ils ne jouent pas « à domicile » – comme au football !

Et c’est vrai qu’il est assez rare de jouer à domicile, surtout quand on habite une grande capitale européenne.

 

Précision :
Ce dont je vous parle aujourd’hui, c’est le voyage en solo. Celui du soliste et du chambriste qui rejoint un festival.
Avec la touche de solitude qui va avec.

 

 Je ne parle pas des orchestres qui eux, quand ils jouent à l’extérieur, voyagent en groupe et se déplacent souvent dans le cadre de tournées – cas intéressant et là encore problématique, comme je le disais déjà plus haut. Parlons-en d’ailleurs…

Question écologique et empreinte carbone

Problématique car la question écologique qui se pose à tous les niveaux de la société ne peut pas épargner notre profession. 

 

Qu’en est il de l’empreinte carbone des musiciens ? 

 

Il serait fascinant d’obtenir des statistiques sur les migrations annuelles en avion de la population « musiciens classiques ».
ou effrayant ?

 

Réflexion qui m’occupe en tout cas et dont je vous reparlerai dans un prochain article.

Revenons à nos... avions ! ✈️

Ce dont j’aimerais vous parler justement, ce sont des aspects liés aux voyages en avion.

 

Entre situations de traitement privilégié parfois et casse-tête chinois avec problèmes administratifs récurrents, c’est un parcours semé d’embûches ou de surprises qui nous attend.
Et l’aventure parfois kafkaïenne commence bien avant le moment de mettre les pieds à l’aéroport.

 

Car rien ne sert d’aller à l’aéroport sans visa.

LE VISA, SÉSAME ET CONSCIENCE GÉOPOLITIQUE

Souvent l’obtention du visa est prise en charge ou du moins, facilitée par les organisateurs. Pourtant il arrive d’être confronté à des situations ubuesques.
En tant que musicien, on pense être « transnational », au-delà de certaines problématiques.

 

Mais…
tout cela peut devenir étonnamment géopolitique.

Laissez moi vous raconter ! 

Lorsque j’habitais à Taiwan 

(oui, j’ai enseigné pendant une année comme guest professor à la TNUA à Taipei)

j’ai été invitée à jouer en Chine pour deux concerts différents, dont un au Great Wall Academy & Festival.  

 

Il me fallait donc un visa à deux entrées. 

 

Mais comment faire ? Il n’y a pas d’ambassade de Chine à Taiwan puisque la Chine ne reconnait pas Taiwan !

 

Etrange constat quand on est de nationalité française.

 

D’ailleurs savez vous localiser Taiwan sur une carte ? 😉

Solution : envoyer mon passeport à Hong-Kong pour faire la demande de visa là-bas.

Mais à ce moment précis, pour des raisons inexpliquées ou plutôt confidentielles – sans doute, des transactions tendues entre la France et la Chine, il y avait un blocage des visas pour les ressortissants français. Ils n’étaient attribués qu’au compte-goutte et de manière assez aléatoire. Il a donc fallu envoyer mon passeport aux Etats-Unis !

 

Fascinant comme ce genre de situation actualise et rend très concrète des situations géopolitiques qui peuvent parfois paraître si lointaines ou abstraites.

 

De même, j’ai dû renoncer à une tournée en Syrie organisée par les alliances françaises car le mois précédent j’avais joué en Israël et il y avait donc un tampon israélien sur mon passeport.

Inutile de vous dire que je l’ai amèrement regrettée, cette tournée – qui m’aurait permis d’avoir un aperçu de la Syrie avant la guerre.

Musique et « SOFT-POWER » : diplomatie culturelle

Au fond il n’est pas si absurde que le musicien ne soit pas au-delà de réalités politiques. Car la musique est souvent investie par le politique comme vitrine, comme terrain de diplomatie culturelle. On parle d’ailleurs de « soft-power ». 

📻

https://www.francemusique.fr/emissions/la-chronique-d-antoine-pecqueur/russie-la-musique-un-soft-power-64750

Récemment, j’ai été invitée à me produire à Bakou, Azerbaïdjan lors de la visite du ministre des affaires étrangères Mr Le Drian, pour donner un récital franco-azéri avec un pianiste d’Azerbaïdjan.

Nous avons joué un programme mixte avec des pièces de Debussy, Saint-Saens et Garayev.

 

Si les musiciens de différents pays peuvent jouer ensemble, c’est donc que la coopération entre les pays fonctionne, que le dialogue est possible.

 

Idée à la base du projet du West-Eastern Divan Orchestre de Daniel Barenboim.

 

A titre plus individuel, comment ne pas se sentir européen quand on pratique au quotidien la libre-circulation dans les espaces de Schengen ? Comment ne pas exprimer de l’inquiétude face au Brexit ?

 

Bref ! Assez de politique !

Revenons à nos... valises 👝

Imaginons que le visa ait été obtenu.
Je vous ai déjà parlé dans un article précédent de la réservation des billets, de mes compétences d’agence de voyages et de mon horreur pour la valise – même si je dois avouer que les valises à quatre roues ont changé ma vie !

Certains artistes arrivent à développer des stratégies très efficaces. (je n’en fais pas partie !)

 

Le violoncelliste Rostropovitch avait parait-il toujours plusieurs valises de prêtes chez lui. Lorsqu’il rentrait de tournée, Il n’avait qu’à transférer ses affaires de toilette et il était prêt à repartir.

Check-list

  • Ne pas oublier son passeport, ID …
  • Bien réfléchir à ce que l’on met dans son bagage à main :
    • bien calibrer les quantités de produits liquides
    • prendre ses partitions du concert pour travailler mentalement et aussi au cas où le bagage enregistré en soute serait perdu ! 😱
    • Pour la même raison, si possible, prendre avec soi une paire de chaussures de concert et/ou la tenue de concert 
  • Pour les vols long-courrier, mettre ses bas de contention pour éviter les phlébites ou thromboses veineuses !
    Si si, vous savez
    une phlébite, c’est quand un caillot de sang se forme dans une veine dans les membres inférieurs suite à une immobilisation prolongée.

Mon père cardiologue m’a d’ailleurs bassinée avec cela depuis mes 18 ans. Et croyez-moi, hors de question pour moi d’en mettre à l’époque ! Quelle horreur !

 

Bon… il en existe de nettement moins repoussants maintenant ( je vous assure !) et surtout c’est vraiment essentiel pour les vols de plus de 4 heures 🤓😉

https://www.e-sante.fr/pourquoi-porter-bas-contention-en-avion/breve/1033

 

Et puis,

  • avoir un bon réveil, non, plutôt deux pour partir à temps car allez savoir pourquoi, les piles lâchent justement les fois où il faut prendre des vols à des heures horribles. (véridique!)

EN ROUTE VERS L’AÉROPORT

Imaginons qu’on arrive à temps à l’aéroport…
On peut toujours rêver

 

pas de grève, pas de valise abandonnée dans le RER,
pas d’accidents sur le périph’ qui provoquent des bouchons interminables si on a eu la mauvaise idée de prendre un taxi …

 

Et là, c’est le début d’une série d’épreuves …
qui feraient pâlir Hercule !

 

Je vous retrouve la semaine prochaine pour la suite – du passage du contrôle de sécurité au boarding, des bagages perdus au passage en douane !

 

ACCROCHEZ VOS CEINTURES !

*** SPOILER *** 

j’ai hâte de partager avec vous mon histoire la plus drôle d’accueil à l’aéroport.
Je peux déjà vous dire que c’était à l’aéroport d’Istanbul !
                     Un indice : gastronomie turque…

🎬

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