#29 – Les vacances des musiciens

#29 - Les vacances des musiciens
Une histoire d’automatismes, d’adrénaline et d’...inspiration ! 🤖🔥🦄

Oui, c’est bel et bien la rentrée. A peine les festivals d’été terminés (certains ont encore lieu jusqu’à fin Septembre), chacun reprend ses activités, jette un œil serein (ou angoissé) sur la nouvelle saison. Et les concerts reprennent dans les grandes salles, autrement dit la saison 19-20 est lancée ! La « reprise »…

 

 

Car oui, certains musiciens ont pris des vacances. Si, si ! 🌴

L’été d’un musicien n’est souvent pas de tout repos.

En effet, il est bien connu que l’été est une saison très active pour les musiciens à cause du grand nombre de festivals. A contre-courant de beaucoup de catégories socio-professionnelles, qui prennent leurs grandes vacances, les musiciens travaillent l’été. Et pour certains, c’est une période sacrément chargée.
Je vous le racontais dans l’article de la semaine dernière.

 

 

Beaucoup de voyages avec les péripéties qui vont avec.

 

 

Voyager avec son instrument dans des conditions climatiques parfois éprouvantes pour les musiciens et pour les instruments ! Et des situations qui peuvent êtres stressantes, où il faut s’adapter rapidement, monter plusieurs programmes avec peu de répétitions. Important de bien gérer son trac !

 

 

Vous vous souvenez sans doute de la phrase de Jascha Heifetz que j’adore citer :

 

Pour être violoniste,
il faut les nerfs d’un torero,
la vitalité d’une hôtesse de boîte de nuit et la concentration d’un moine bouddhiste.

 

En y regardant de plus près, on se rend compte qu’il existe une certaine réserve par rapport au sujet des vacances du musicien, une mythologie collective. 😉

Culture ambiante autour des vacances des musiciens

Mythe du “zéro vacances”

D’abord parce que certains musiciens entretiennent le mythe qu’ils ne prennent jamais de vacances, ce serait incompatible avec la pratique musicale qui se doit d’être quotidienne. Qu’il pleuve, qu’il vente, qu’il neige ! (souvent) #intox

La peur de prendre des vacances

Ensuite, parce que certains ont parfois peur de prendre des vacances. Et ce, pour plusieurs raisons.
Certains sont accros ! 💉💉💉
(J’en parle en connaissance de cause ! 😅)

  • Accros à leur instrument : ils deviennent insupportables quand ils arrêtent de jouer , même quelques jours. Un ami me confessait devenir invivable s’il arrêtait de jouer plus d’une semaine. Du coup, c’est sa femme qui lui interdisait de s’éloigner d’un piano trop longtemps !
  • Accros à l’adrénaline que procurent les concerts. Quand on est à 300 km/h, que se passe-t-il quand on se pose au calme ? Dur, dur parfois….C’est là que la vraie angoisse s’exprime !
  • Et puis, il y a donc cette culture ambiante du sacro-saint travail quotidien. Et il est vrai que dans mon enfance, il n’était rarement question de vacances. L’été, c’était la période des Académies d’été, les stages et même hors des périodes de stages, puisqu’il n’y avait pas l’école, on pouvait en profiter pour travailler encore plus.
    Je me souviens de longues journées de travail dans une grosse chaleur marseillaise. A une époque, je me repliais dans la cave, minuscule, où je travaillais des caprices de Paganini face à des livres d’histoire… .
    Je me souviens de longues journées de travail dans une grosse chaleur marseillaise. A une époque, je me repliais dans la cave, minuscule, où je travaillais des caprices de Paganini face à des livres d’histoire… Mais ca, c’est une autre histoire. #nerd

Les autres peurs associées

  • perdre ses automatismes :🤖

Outre l’angoisse parfois métaphysique de la “pause” après une phase d’intenses activités, évoquée précédemment, une des premières peurs est celle de perdre ses réflexes. Que se passe-t-il si on casse le rythme et que l’on ne joue plus tous les jours ? Un peu comme un sportif, on se dit que l’on va perdre ses moyens, ses automatismes, parfois durement acquis.

 

  • avoir mal à la reprise : 🖐

Cette peur est parfois légitime. Parfois après une pause, cela ne sonne pas terrible…et cela peut faire mal – au sens littéral du terme !
Et encore plus si vous vous êtes allègrement baignés… les doigts dans l’eau, la corne au bout des doigts s’est ramollie, ou a disparu (vous savez, cette couche de peau qui se forme à force de contact répété). Et là, aie, aie, aie. 😱
Les violoncellistes et les contrebassistes vous le diront. Mais c’est aussi vrai au violon… surtout quand on a une hauteur de cordes un peu trop élevée…mmm, sur la corde de Mi toute fine !! 💀 Idem pour les instrumentistes à vent…

 

  • l’anticipation de l’inconfort

Mais souvent, cette peur est surtout alimentée par l’anticipation de l’inconfort physique à la reprise. Et il suffit d’avoir vécu cela une fois de manière un peu traumatisante pour préférer renoncer à prendre des vacances qui pourtant seraient bien salutaires…

La planification : la clé !

En fait, la vraie question c’est de savoir si l’on pourra se permettre de reprendre doucement, sans pression.
Ce qui n’est pas toujours la cas, aussi bien pour des questions d’organisation que pour des enjeux économiques. Par exemple, difficile pour un intermittent de rater un cacheton avec un ensemble par lequel il est régulièrement appelé, pour cause de reprise progressive. Idem pour les solistes, difficile de passer à côté d’un engagement de dernière minute.
Là où les musiciens en poste d’orchestre et ou poste de professeur pourront mieux planifier.

 

To travel or not to travel
Et bien sûr, les musiciens connaissent cette peur des vacances que les gens qui voyagent beaucoup professionnellement – quelle que soit leur profession – partagent. Ce besoin de se reposer, mais de partir loin de sa routine. Que faire quand on n’a aucune envie de voyager loin mais aussi aucune envie de rester à la maison (où l’on court le risque de…continuer à travailler !) ? Et en plus, voyager pour des vacances nécessite de planifier, réserver un billet d’avion ou de train, réserver un hôtel – ce que l’on passe son temps à faire déjà pendant l’année ! 😱
Sans même parler d’empreinte carbone
#dilemme#prisedetêtevous voyez ce que je veux dire ? 🤕

Les vacances : un enjeu essentiel pour les musiciens

Et pourtant il faut bien trouver le moyen de recharger ses batteries. Cela est même essentiel ; pour plusieurs raisons !

  • un enjeu de santé : comme je vous le racontais dans un article précédent, il y a un enjeu de santé dans la pratique musicale car souvent il s’agit de mouvements répétés et toujours les mêmes. Par exemple au violon, la posture asymétrique a un impact certain sur la musculature.

 

 

Avec les vacances, il s’agit de déprogrammer tout cela. Ce qui est essentiel pour prévenir le risque de blessure, pour empêcher que des douleurs chroniques ne s’installent et pour laisser le corps se régénérer. Une phase de récupération physique et mentale !

 

  • un enjeu d’apprentissage : le mental et l’intégration.

je vous parle souvent dans ce blog de neurosciences. 👽
Dans tous les pratiques, des courbes d’apprentissage sont rarement linéaires. Elles montrent que la progression se fait par palier. Et il existe deux écoles – ( je pense qu’elles sont toutes les deux valables surtout si on les combine) : persévérer, persévérer, persévérer pour passer un cap ET aussi lâcher prise, faire une pause.

 

Cette pause, c’est ce qu’on appelle la phase d’intégration. Et cette phase-là est essentielle : celle qui permet au conscient acquis de passer au stade d’acquis inconscient ! C’est aussi celle qui donne confiance sur scène, mémorisation entre autres.

 

 

C’est le même processus que lorsque l’on apprend une langue par exemple. On dit que pour mémoriser telle structure ou tel mot, il faut l’avoir oublié x fois.

 

  • un enjeu artistique : retrouver la fraîcheur !

Les sportifs appellent cela : retrouver la « faim ». 🍽
L’envie de se dépasser, l’envie de se consacrer à des tâches …

 

Il faut imaginer Sisyphe heureux

 

Voilà ce que nous dit Camus. 🤓
Vous savez, Sisyphe était condamné à pousser encore et toujours une énorme pierre vers le sommet d’une montagne, sachant que la pierre roulerait fatalement.
C’est un peu ce que fait un interprète avec une œuvre et avec son instrument !

Alors, pour imaginer “l’interprète Sysiphe” heureux, il faut qu’il puisse poser sa “pierre” de temps en temps, en bas de la montagne, qu’il reprenne son souffle, revienne sur soi, analyse certaines choses, laisse les choses se décanter.
Car une saison musicale est longue et à moyen terme voire long terme, la routine peut s’installer, la fraicheur peut s’émousser.

Les bénéfices directes ou bénéfices secondaires

  • On joue souvent beaucoup mieux après la pause.
    Souvent il me semble que certains gestes sont plus déliés, comme si j’avais “compris” quelque chose corporellement.
  • Bon – Il y a aussi les fois où ce n’est pas du tout le cas. 😅 On rame à la reprise.
    Mais c’est alors l’occasion de refaire des basiques, remettre des choses à plat. Un peu comme les sportifs qui font des stages de reprise : abdos, endurance etc… 😱
    Je vous parlais déjà des basiques dans le tout premier article de cette série :

 

 

Heifetz posait son violon chaque été, plusieurs semaines. Quand il s’y remettait, il reprenait sur un autre violon, un violon d’étude – par doses homéopathiques. Pas bête comme astuce psychologique, le violon d’étude – en gros, si ca ne sonne pas si bien tout de suite…ce n’est pas vraiment de votre faute 😉

 


Mes élèves que j’incitais à travailler mieux (et plus) étaient souvent étonnés que je leur prescrive des semaines sans violon l’été. C’est de ma professeur à la Hochschule de Münich Ana Chumachenco que je tenais cela. Elle nous encourageait toutes et tous à poser le violon au moins deux semaines chaque été.

 

avec ma professeur Ana Chumachenco

Briser la routine et stimuler la créativité

  • Un des grands ennemis de toute créativité, c’est la routine.
    Alors, il faut recharger la source, se réinventer, retrouver un regard neuf sur des partitions que l’on connait bien : tout l’enjeu des interprètes.
  • faire autre chose, sortir de sa bulle.
    Lire tranquillement, faire des randos pour certains, buller sur une plage, refaire le monde autour d’un verre de rosé de préférence. Installer de nouvelles routines, non-liées à la pratique instrumentale ou au contraire, enchainer grasses matinées…🤗
  • surtout, créer du vide: créer le manque à partir duquel surgit un désir renouvelé.
    Car vacances étymologiquement veut bien dire vide, vacuité. Et paradoxalement quand on se sent vidé, épuisé, c’est souvent par un trop-plein !

 

C’est dans le vide que peut jaillir une nouvelle étincelle, et qu’un appel d’air se crée : de nouvelles envies de répertoire, de nouveaux projets, ou tout simplement cela crée la possibilité de retomber amoureux d’une pièce.❤️

 

Prendre des vacances pour un musicien peut presque nécessiter une forme de courage. Mais on y prend goût !

 

🚦Retour à la réalité, ce soir : récital !
Wish me luck ! 🍀

 

📸
Et vous, vous avez pris des vacances ?

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